mercredi 10 décembre 2025

Les Brahms festifs du Chamber Orchestra of Europe sous la direction de feu de Yannick Nézet-Séguin, avec en solistes Veronika Eberle et Jean-Guihen Queyras

Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. Samedi 6 décembre 2025 

Yannick Nézet-Séguin, Veronika Eberle, Jean-Guihen Queyras, Chamber Orchestra of Europe
Photo : (c) C. d'Hérouville / Philharmonie de Paris

Bonheur d’un soir, le florilège exceptionnel consacré à Johannes Brahms offert samedi soir à la Philharmonie de Paris par l’éblouissant Chamber Orchestra of Europe dirigé avec passion et lyrisme par l’enchanteur Yannick Nézet-Séguin, introduit par une épique Ouverture tragique en ré mineur op. 81 créée en 1880, suivie de l’ultime partition d’orchestre qu’est sa quatrième œuvre concertante, le sublime Double Concerto pour violon, violoncelle et orchestre en la mineur op. 102 de 1887 avec en soliste un duo de charme en parfaite osmose, tous deux doués d’une bouleversante musicalité et d’une suprême virtuosité, la violoniste allemande Veronika Eberle et le violoncelliste français Jean-Guihen Queyras, dialoguant en totale intelligence avec le chef canadien et la phalange européenne portée sur les fonts baptismaux en 1981 par Claudio Abbado et Nikolaus Harnoncourt. Un orchestre dont le nom n’a pas de rapport avec les effectifs mais avec la qualité de jeu et d’écoute comparable à celle d’une formation de chambristes. En bis, les deux solistes ont donné le Scherzo de la Sonate pour violon et violoncelle que Maurice Ravel composa à la mémoire de Claude Debussy en 1922, après un petit discours de remerciements de Jean-Guihen Queyras, enthousiaste de sa partenaire, de la salle et de son public.

Yannick Nézet-Séguin, Chamber Orchestra of Europe
Photo : (c) C. d'Hérouville / Philharmonie de Paris

Mais le sommet de la soirée n’était pas encore atteint. Il allait l’être avec une fantastique interprétation de la Symphonie n° 1 en ut mineur op. 68 qui eut tant de mal à naître après vingt-deux ans de genèse, sonnant magnifiquement, tant tout aura suscité le plaisir de l’écoute. Orchestre et chef ont magnifié les plans de la polyphonie et les structures de l’œuvre, qui a chanté avec une sensualité et une profondeur carrément magiques, les reliefs étant superbement marqués, faisant fi des effectifs de cordes graves réduits (sept altos, cinq violoncelles, quatre contrebasses, la section des violons étant à dix-huit (9+9)). Un Orchestre de Chambre d’Europe aux sonorités brûlantes, à la précision stupéfiante, au lyrisme d’une densité et d’une variété prodigieuses, un chef singulièrement enthousiaste, faisant chanter tous les orchestres qu’il dirige comme nul autre de ses semblables, à la fois humble, concentré, précis et à la gestique d’un chorégraphe qui envoûte musiciens et auditeurs. A la fin, constatant que les spectateurs ne cessaient d’applaudir, Yannick Nézet-Séguin s’est adressé à la salle, de son fort accent québécois dont il est heureusement fier, disant qu’après un programme d’une telle densité mieux valait éviter de surcharger le gâteau d’une cerise de trop, et il a promis-juré que la prochaine fois qu’il sera à Paris avec l’COE, il poursuivra le parcours au sein de la création brahmsienne. 

Bruno Serrou

 

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