Auteur de plus de cinq cents valses, polkas, quadrilles et autres danses à la mode en son temps, ainsi que de plusieurs opérettes et d’un ballet, Johann Strauss II a porté au faîte la valse au cours du XIXe siècle, plus encore que son père au nom éponyme qui était proche de Schubert, auteur de plusieurs valses lui aussi. En l’époque singulièrement troublée que nous traversons aujourd’hui qui rappelle plus ou moins celle de la création de Die Fledermaus, célébrer la mémoire de Johann Strauss II est source de jouvence, deux mots résumant à eux seuls tous les bienfaits que procure son œuvre et celle de sa famille, la « joie » qui l’anime et le bonheur qu’elle distille, expressions vitales auxquelles aspirent tous les êtres humains, mais continuellement empreints de sépulcrale nostalgie. En cette fin d’année du bicentenaire de l’empereur de la valse, et quelques jours avant le « Concert du Nouvel An » 2026 des Wiener Philharmoniker dirigés cette année par Yannick Nézet-Séguin et retransmis en direct par les chaînes de télévision du monde entier, je reprends ici l’original français du portrait que je lui ai consacré à la demande du magazine espagnol Scherzo, qui l’a publié en castillan dans son numéro de ce mois de décembre 2025
Impossible, même pour les snobs, de considérer Johann Strauss II comme un compositeur de second rayon, tant ses contemporains l’ont célébré, n’hésitant pas à s’en revendiquer. Comme le fit Hector Berlioz (1803-1869) pour son père Johann Strauss père, Johann Strauss fils fut élevé au rang de modèle et de référant par nombre de ses confrères. Jusques et y compris chez les plus radicaux d’entre eux. Si le jugement des maîtres de la musique sérieuse sur les compères du répertoire léger a souvent été dédaigneux, classés comme compositeurs de musique de divertissement et autres formules assassines trahissant une sorte de jalousie face au succès de leurs confrères produisant de la musique « facile » n’ont pas entrepris de dévaloriser la musique de Strauss, à l’instar d’un Beethoven qui se désolait que ses éditeurs, qui se précipitaient sur Rossini, refusent ses partitions. Né le 25 octobre 1825 à Vienne où il mourra le 3 juin 1899, Johann Strauss II aura fait l’unanimité de ses confrères, depuis les sources du Danube en Forêt-Noire jusqu’à son gigantesque estuaire débouchant en Mer Noire. Jusque dans les sphères musicales les plus élitistes, comme Richard Wagner et Johannes Brahms, ce dernier il est vrai ne négligeait pas chansons et danses populaires, jusqu’à la Vienne de Gustav Mahler, qui inscrivit Die Fledermaus au répertoire de l’Opéra de Vienne, ou les membres de la Seconde Ecole de Vienne, les plus radicaux en leur temps donc les plus à même de tourner le dos aux musiques de danses du passé.
Qu’il s’agisse du maître Arnold Schönberg (1874-1951) ou de ses disciples Alban Berg (1885-1935) et Anton Webern (1883-1945), tous tenaient en la plus haute estime celui qui symbolisait pourtant la quintessence de la noblesse et de la bourgeoisie viennoises dont ils cherchaient à s’affranchir. Le trio se revendiqua pourtant sans réserve de l’héritage de la valse, si facile à parodier à l’époque de la modernité à tout crin. Pour les besoins de l’éphémère Société d’exécutions musicales privées fondée par Schönberg en 1918 pour la promotion de la musique nouvelle, les trois Viennois avaient déjà commis de superbes arrangements de valses de Strauss pour formation réduite réunissant quatuor à cordes, piano et harmonium. Berg se vit confier Wein, Weib und Gesang (Aimer, boire et chanter), Webern la Schatz-Walser (Valse du trésor), et Schönberg Rosen aus dem Süden (Roses du sud) et Lagunen-Walzer (La Valse des Lagunes), avant de reprendre sa casquette d’arrangeur à l’occasion du centenaire Johann Strauss en 1925, réalisant un réduction de la Kaiserwalzer (Valse de l’Empereur) avec le même effectif qu’en 1918, flûte et clarinette en supplément mais sans harmonium. Webern, qui chérissait Schubert au point d’orchestrer les Danses allemandes, voyait en Johann Strauss II un continuateur. « C’est une musique si fine, si délicate. Je comprends désormais que Johann Strauss est un maître » écrivait-il en 1912 dans une lettre à son mentor Arnold Schönberg, alors qu’il était contraint pour survivre de diriger des opérettes. À la fin des années 1920, quand sa carrière de chef d’orchestre prend de l’ampleur, en ambassadeur engagé de la musique viennoise, Webern continue à diriger Strauss jusqu’au Royaume-Uni.
Plus significatif encore car émanant d’un contemporain de Johann
Strauss fils réputé pour son sérieux et son égocentrisme, un avis qui peut
surprendre par son enthousiasme, celui de Richard Wagner dont l’esthétique se
situe aux antipodes de celle du Viennois, mais qui convient que « une simple
valse de Strauss surpasse, par la grâce, par la finesse, par le contenu
réellement musical, la plus grande partie des ouvrages de fabrication étrangère
laborieusement élaborés. » Ou encore, sous forme d’ultime jugement : « Strauss,
le cerveau le plus musical qui fût jamais. » Giuseppe Verdi (1813-1901) ajoutera : « Je considère Strauss comme
mon collègue le plus doué. » Quant à l’ami Johannes Brahms (1833-1897), il
confiera regretter de n’être point l’auteur de l’irrésistible Beau Danube Bleu. Au summum de la gloire, le
« Roi de la Valse », comme le surnommaient ses contemporains, aimé, adulé,
respecté de tous, recevra ce compliment plein d’humour prononcé par l’empereur
François-Joseph, qui additionnait les vies du père et du fils : « C’est
étrange, mais votre musique reste aussi jeune que vous. Après tant d’années,
elle n’a pas pris une ride. » Mais peut-être celui qui se sera montré le plus admiratif de tous
aura été le plus Viennois des Bavarois, Richard Strauss (1864-1949), qui,
au-delà du nom de famille qui n’a strictement rien à voir avec celui du Roi de
la Valse, mais qui a intégré quantité de valses dans sa propre musique, le
comble étant atteint dans son opéra Der
Rosenkavalier, mais que l’on trouve également dans Elektra ou dans le poème symphonique Also sprach Zarathustra…
L’estime
portée à l’égard de Johann Strauss fils saura aussi déboucher sur une relation
amicale avec Johannes Brahms (1833-1897), les deux hommes étant apparemment aux
antipodes l’un de l’autre. Mais c’est oublier que le compositeur allemand
installé à Vienne s’était illustré dans les cabarets dans sa jeunesse. Face aux
Valses pour piano à quatre mains op. 39 de
Brahms, l’influent et implacable critique musical Eduard Hanslick (1825-1904),
qui utilisa Brahms comme bouclier dans ses combats contre Wagner, s’étonnait :
« Brahms le sérieux, le taciturne, écrire des valses… aussi nordique,
protestant et peu mondain qu’il est. » Mais il suffit de lire la monographie du
musicologue français Claude Rostand (1912-1970) pour constater combien les deux
hommes s’appréciaient : « L’été, Brahms aimait passer ses après-midis avec l’un
des musiciens qu’il aimait le plus, Johann Strauss. » A un ami qui s’apprêtait
à découvrir Vienne, Brahms écrivait : « Il faut que vous alliez au Volksgarten.
Le vendredi soir, Strauss y conduit ses valses. C’est un tel maître de
l’orchestre que l’on ne perd pas une seule note de chaque instrument. »
L’âge venant, chaque été, dans son appartement de la vallée de la Traun à Bad
Ischl, Brahms recevait Strauss. Le 13 mars 1897, trois semaines avant sa mort à
Vienne, il consacrait sa dernière sortie publique à la création de l’ultime
opérette de l’auteur de la Valse de l’Empereur,
Die Göttin der Vernunft (La Déesse Raison). Cinq ans plus tôt,
Strauss avait dédié à Brahms sa valse Seid
umschlungen, Millionen!, titre amical provenant de l’Ode à la Joie de Friedrich Schiller qui renvoie à la Neuvième Symphonie de
Beethoven. Un jour, Brahms signait un autographe sur un éventail que
lui tendait la femme de Johann Strauss, Adèle, et au lieu de noter un élément
de sa propre musique, il écrivit quelques mesures du Beau Danube Bleu (An der
schönen blauen Donau) op. 314 en
indiquant : « Malheureusement pas de Johannes Brahms ! » La
providence fera que les deux musiciens mourront à quatorze mois d’intervalle et
seront inhumés côte à côte Cimetière central de Vienne…
C’est de la mosaïque de peuples qui constituent l’empire bicéphale
austro-hongrois, où pas une culture domine l’autre, que sortiront la plupart
des rythmes si riches, denses et variés qui feront danser toute l'Europe du XIXe
siècle : galops, marches, polkas, valses… Quoique, dans le cas de la valse,
devenue la danse par excellence, les origines soient plus lointaines. Chacun s’accorde
en effet à lui reconnaître pour ancêtre le Ländler,
danse allemande à trois temps qui animait les fêtes paysannes et tenait
davantage du sautillement que de la danse. Descendue de sa Forêt-Noire originelle,
sur les rives du Haut-Danube, le Ländler
arrive à Vienne, la « Perle du Danube », en suivant le cours du
fleuve. Mozart, Beethoven, Schubert - qui inspirera les valses de Frédéric
Chopin (1810-1849) autant que l’ont fait les Strauss -, pour ne citer qu’eux lèguent
quelques pages magistrales du genre. Puis sont venus le Congrès de Vienne
(1814-1815) et Michael Pamer (1782-1827), violoniste chef d'orchestre qui, afin
de divertir les têtes couronnées venues de toute l'Europe et leurs suites, eut
l'idée de ralentir cette danse à trois temps et de convier les couples à danser
avec grâce sur des parquets lustrés et à tourner en rond, « walzen »
en allemand. La valse était née, promise à une glorieuse destinée. Mais Michael
Pamer était un ivrogne colérique et instable. Et c’est ainsi que deux jeunes
musiciens de son orchestre, Joseph Lanner (1801-1843) et Johann Strauss père (1804-1849),
qui partageaient le même pupitre, allaient rapidement décider de voler de leurs
propres ailes, en fondant leur ensemble instrumental, avant de se séparer et de
suivre chacun son chemin. Johann Strauss et ses musiciens allaient vaincre de
l'âpre compétition qui s’amorçait alors entre quantité d’orchestres de danse
s’exprimant à Vienne et lancer la saga de la plus célèbre dynastie viennoise :
Johann Strauss père et ses trois fils, Johann fils, l’aîné, Josef (1827-1870),
le cadet, et Eduard (1835-1916), le benjamin.
Johann Strauss père avait mené une vie triomphale, sa musique ne cessant de
résonner à travers tous les continents, des salons les plus huppés jusque dans
les bals populaires. Surnommé par ses contemporains le « Napoléon
autrichien », il mènera son orchestre à la conquête de l'Autriche et de
l’Allemagne, puis de la France de Louis-Philippe où Berlioz lui témoignera sa
vive admiration, écrivant, lyrique, « Vienne sans Strauss c’est comme
l’Autriche sans le Danube », avant de faire danser la jeune reine d’Angleterre
Victoria lors des fêtes de son couronnement en 1838. Exténué, il retourne à
Vienne où il reçoit en 1846 le titre de Directeur de la Musique de Danse de la
Cour de l’empereur Ferdinand au château de Schönbrunn, titre spécialement créé
pour lui - deux ans plus tard, en 1848, son fils Johann Strauss sera nommé Chef
de la musique municipale de Vienne. Pourtant, sa vie harassante de compositeur,
chef d'orchestre et organisateur de concerts, ainsi que sa double vie
sentimentale partagée entre le foyer de son épouse légitime et celui d’une
maîtresse peu digne de lui, Emilie Tampusch, avec qui il eût huit enfants et qui
l’amena à se séparer de sa famille en 1842, finiront par avoir raison de sa
santé. Il mourra de la scarlatine dans des circonstances asse troubles pour qu’un
observateur écrive que « mort comme un chien, il fut enterré comme un
roi ». Un Viennois sur cinq, en effet, se sera déplacé pour accompagner jusqu’à
son ultime demeure le corps de son héros mort prématurément le 25 septembre 1849.
Cinq ans plus tôt, Johann Strauss fils s’était lancé à son tour dans la
carrière de musicien, suscitant un mix de colère, d'appréhension et de fierté
de la part d'un père trop musicien pour ne pas reconnaître le talent naissant
de l’aîné de ses fils qu’il destinait pourtant aux métiers de la banque. A
partir de ce concert inaugural de 1844, Johann Strauss fils allait s’affirmer
d’abord comme un brillant interprète, dirigeant l’orchestre familial du violon,
à l’exemple de son père, puis de plus en plus comme un compositeur surdoué. S’il est universellement célébré et admiré pour la
richesse et l’abondance de sa production instrumentale - près de cinq cents numéros d’opus, tant et si bien que commencer à en citer
quelques-uns conduirait à les citer tous -, il ne
faut pas négliger l’autre
facette de son génie, l’opérette viennoise,
toujours très en vogue aujourd’hui dans les pays de langue allemande. De 1871 à
1897, il compose quinze opérettes, un opéra-comique, Ritter
Pasman (1892), et un ballet inachevé, Aschenbrödel
(Cendrillon) complété en 1900 par Joseph Bayer (1852-1913). Quatre titres
émergent de l’ensemble, Eine Nacht in Venedig (1883), Der Zigeunerbaron (1885), Wiener Blut (partition posthume, 1899) et, surtout, le
chef-d'œuvre absolu du genre, prodigieux
flux ininterrompu de rythmes de danses, de mélodies au lyrisme joyeux, de scènes à l’humour festif, Die Fledermaus (1874), dont il est certain que l’étoile ne pâlira jamais tant la musique est réconfortante, participant activement au réconfort et à la
guérison de la mélancolie la
plus sombre dont elle est pourtant plus
ou moins porteuse. Maurice Ravel (1875-1937), critique avisé qui portera
la valse au comble du tragique, estimera que les deux chefs-d’œuvre du théâtre lyrique
étaient le finale du souper de La Vie parisienne de
Jacques Offenbach (1819-1880) et celui de La Chauve-souris de Johann Strauss.
La Chauve-Souris, référence
absolue de l’opérette viennoise, a connu de timides débuts avant de s’imposer
définitivement. Strauss a lui-même tâtonné avant de se lancer dans le genre, ne
se sentant pas spécialement fait pour la voix et moins encore pour la scène.
Mais le flair du directeur du Theater an der Wien, Maximilien Steiner
(1830-1880), en a heureusement décidé autrement. L’histoire remonte à 1872,
lorsque les deux librettistes d’Offenbach, Henri Meilhac (1831-1897) et Ludovic
Halévy (1834-1908), triomphent à Paris au Théâtre du Palais Royal avec leur
pièce Le Réveillon qui conte
l’histoire d’un homme du monde qui, à quelques heures de son incarcération,
festoie chez un prince russe en compagnie de son futur geôlier et de quatre
jeunes femmes. Les deux auteurs français se sont eux-mêmes inspirés d’une
comédie créée à Berlin en 1851, La Prison
du dramaturge autrichien Roderich Benedix (1811-1873). Convaincu que ce
vaudeville pourrait faire un bon sujet d’opérette, Steiner achète les droits et
confie l’adaptation et la traduction à Karl Haffner (1804-1876), qui déçoit le
commanditaire au point qu’il décide de faire appel au librettiste Richard Genée
(1823-1895), qui invente le déguisement en chauve-souris qui donne le titre à
l’œuvre. Strauss, alors jeune cinquantenaire, règne depuis plus de quinze ans
sur la valse viennoise à laquelle il a donné une dimension symphonique tandis
que l’opérette était dominée par Franz von Suppé (1819-1895). Encouragé par
Offenbach rencontré à deux reprises, la première à Vienne en 1863 la seconde à
Paris en 1867 au moment de l’Exposition universelle, ainsi que par son femme
Jetty qu’il a épousée en 1862, il finit par se lancer dans l’aventure. Mais l’échec
en 1867 à cause d’un texte médiocre de la première version du Beau Danube bleu écrite pour chœur, l’a
ébranlé. C’est aussi le livret qui suscite le revers des trois premiers essais
d’opérettes, la première en 1871 avec Die
lustigen Weiber von Wien (Les joyeuses
commères de Vienne) sur un texte de Josef Braun (1840-1902), librettiste de
Suppé, Indigo und die 40 Räuber (Indigo et les 40 voleurs) sur un livret
de Steiner, et Der Karnaval in Rom (Le Carnaval à Rome) en 1873, livret de
Braun et Genée d’après la pièce éponyme du dramaturge français Victorien Sardou
(1831-1908). Ces expériences malencontreuses auront au moins le mérite de
convaincre Strauss de l’impérieuse nécessité d’un excellent livret… C’est
Steiner qui trouve le bon moment pour le lui soumettre, et le compositeur
perçoit immédiatement le profit qu’il peut en tirer. En quarante-deux jours, la
partition est prête. Les répétitions peuvent ainsi commencer en vue de la
première fixée au 5 avril 1874. Mais à Vienne, l’ambiance n’est plus à la
fête : onze mois plus tôt, le 9 mai 1873, la bourse a subi un krach dont
elle ne s’est pas encore remise, l’Exposition universelle n’a pas connu la
réussite espérée, et une épidémie de choléra s’est associée au marasme faisant
plus de trois mille morts dans la capitale des Habsbourg. Tant et si bien que
la création de Die Fledermaus, bien
que donnée à guichet fermé, n’obtient pas l’écho escompté, le public viennois
ne se reconnaissant pas dans cette satire d’une société insouciante qui pour l’heure
ne représente plus la Vienne du temps. Après onze représentations, La Chauve-Souris est retirée de l’affiche
du Theater an der Wien pour être remplacée par Ernani de Giuseppe Verdi… L’opérette est néanmoins rapidement
reprise, pour atteindre à la fin de l’année 1874 une cinquantaine de
représentations. Mais il faudra attendre le 13 octobre 1894 à l’Opéra de Vienne
où elle est programmée par Gustav Mahler (1860-1911), qui la dirige, pour que
l’œuvre dont la véritable héroïne est la valse connaisse chez elle la consécration
définitive. Ce sera également la dernière partition que Johann Strauss dirigera
lui-même avant sa mort le 22 mai 1899 pour la Fête du Printemps. Après avoir
mené la représentation avec ardeur, rentrant chez lui au bras de sa troisième
femme, Adèle, il prend froid et décède quelques jours plus tard, le 3 juin
1899, d’une pneumonie.
Deux cents ans après la naissance du compositeur le 25 octobre 1825, et à l’instar de ce qu’en disait l’empereur François-Joseph, la musique de Johann Strauss fils n’a pas pris une ride, demeurant toujours immensément populaire, et continuant à être une source d’allégresse irremplaçable pour des centaines de millions d’amateurs, comme en témoigne chaque année le succès d’audience du Concert du Nouvel An offert par les Wiener Philhamoniker retransmis en direct par les télévisions et les radios du monde entier depuis la grande salle dorée de la Musikvereinsaal de Vienne. L’on ne compte pas le nombre de chefs d’orchestre de renom qui ont servi et continuent de servir cette musique débordant de vie, de rythmes et de couleurs : Clemens Krauss (1893-1954), le pionnier qui inscrivit les premiers concerts du Nouvel An dans la tradition, de 1939 à 1945, malgré le contexte nazi qui a classé les Johann Strauss parmi les compositeurs « dégénérés » (Entartete) donc interdits, avant de revenir sur la décision sur l’insistance d’Hitler constatant l’universalité de la musique de la dynastie, allant jusqu’à faire retoucher les actes de naissance de Johann Strauss père et fils pour en gommer toute trace de judaïté - Krauss reviendra de 1948 jusqu’au 1er janvier de l’année de sa mort, en 1954 -, Joseph Krips (1902-1974) en 1946 et 1947, à qui succèdera de 1955 à 1979 Willi Boskovsky (1909-1991), premier violon des Wiener Philharmoniker, puis Lorin Maazel (1930-2014) de 1980 à 1986 - il sera de retour en 1994, 1996, 1999 et 2005 -, Herbert von Karajan (1908-1989) en 1987, Claudio Abbado (1933-2014) en 1988 et 1991, Carlos Kleiber (1930-2004) en 1989 et 1992, Zubin Mehta en 1990, 1995, 1998, 2007 et 2015, Riccardo Muti en 1993, 1997, 2000, 2004, 2018, 2021 et 2025, Nikolaus Harnoncourt (1929-2016) en 2001 et 2003, Seiji Ozawa (1935-2024) en 2002, Mariss Jansons (1943-2019) en 2006, 2012 et 2016, Georges Prêtre (1924-2017) en 2008 et 2010, Daniel Barenboïm en 2009, 2014 et 2022, Franz Welser-Möst en 2011, 2013 et 2023, Gustavo Dudamel en 2017, Christian Thielemann en 2019 et 2024, Andris Nelsons en 2020 et, le 1 er janvier 2026, Yannick Nézet-Séguin.
A cette
permanence mondiale annuelle de la famille Strauss, plus particulièrement
Johann Strauss fils, qui touche plus d’un milliard et demi de mélomanes, s’ajoutent
les quelques quatre cent cinquante bals organisés tout au long de l’année à
Vienne et au moins autant à travers toute l’Autriche et l’Allemagne entière qui
ne cessent de faire résonner la musique du Roi de la Valse…
Bruno Serrou
1) Johannes Brahms à propos de son ami Johann Strauss II


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