Bordeaux. Auditorium. Salle Henri Dutilleux, places de
l’agglomération bordelaise et de la ville de Munich. Vendredi 12 septembre 2025
Concert d’ouverture de saison 2025-2026 de
l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine et de son directeur musical Joseph Swensen dans un programme festif ouvert par la Marche triomphale d’Aïda de Giuseppe
Verdi mettant en valeur le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux et les cuivres de l'ONBA, suivi
de la Ve Symphonie de Gustav Mahler qui a permis de mettre en
évidence les qualités de chaque pupitre, depuis les cordes jusqu’à la
percussion, mais plus particulièrement trompette et cor solos. Pour mieux ancrer l’ONBA dans la cité, son directeur artistique, Emmanuel Hondré, a fait
disposer en plusieurs lieux de l’agglomération bordelaise des écrans géants
qui ont attiré un public venu en nombre Salle enthousiaste, ainsi que les
différents points de la ville où le concert était diffusé en direct (1), ainsi
qu’à Munich, jumelée à Bordeaux. Émotion également à la fin du concert, moment
où Emmanuel Hondré, directeur de
l’Opéra et de l’Orchestre aquitains, a salué l’arrivée de trois nouveaux
musiciens puis le départ à la retraite de trois vétérans, les faisant applaudir
par l’orchestre et par le public
Entendant naturellement faire participer à l’ouverture de la saison symphonique bordelaise la totalité des effectifs artistiques de l’Opéra National dont l’ONBA est la composante instrumentale, la phalange aquitaine a convié le Chœur du Grand Théâtre a participer activement à la première soirée de la saison 2025-2026, invité à ouvrir le concert avec la célébrissime marche triomphale d’Aïda (2) de Giuseppe Verdi (1813-1901) où interviennent les fameuses trompettes qui font toujours beaucoup d’effet sur ses auditeurs. Dès cette mise en oreille, j’ai mesuré combien l’acoustique ultrasensible de la Salle Henri Dutilleux et ses mille quatre cents sièges étaient certes analytiques et précis mais aussi et surtout sonores, au risque de saturer dans les fortissimi de tutti orchestraux si le chef ne prend pas garde à retenir les élans de ses musiciens…
Ce qui s’est avéré troublant, voire gênant dans l’écoute de la Symphonie n° 5 en ut dièse mineur, l’une des partitions les plus courues de Gustav Mahler (1860-1911). Sa popularité est due au quatrième de ses cinq mouvements, l’Adagietto pour cordes et harpes qui a été rendu célèbre notamment par le film de Luchino Visconti (1906-1976) Mort à Venise (1971), adaptation du roman La Mort à Venise (1912) de Thomas Mann (1875-1955). Au sein de la création d’un compositeur qui dut attendre soixante ans après sa mort pour que sa musique soit jugée digne d’intégrer les salles de concerts françaises au point d’être devenue un véritable cheval de bataille de tous les orchestres français et des salles de l’hexagone, cette Cinquième conclut le cycle mahlérien des Wunderhorn Symphonies débouchant sur les quatre dernières moins « littéraires » dont seule la Huitième fait appel à la voix. Plus accessible également que le grand public qui les quatre suivantes, surtout que la Septième dite « Chant de la Nuit ». Pourtant, elle n’est pas des plus facile du point de vue technique instrumentale surtout pour la partie des vents, plus particulièrement les cuivres, singulièrement les trompettes, la première donnant dès la note initiale de l’œuvre le ton de la partition entière, tellement à découvert et fortissimo que si son titulaire se plante, l’exécution de l’ensemble de la symphonie en subit les conséquences. La vision ardente, vigoureuse et tendue cheminant lentement de l’ombre vers la lumière du chef titulaire de l’ONBA, qui s’autorise de foudroyants moments de frénésie tant l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, concentré, puissant, répond promptement et s’avère virtuose. Cette approche plus symphonique que dramatique, dès les mesures initiales avec ses hallucinants appels de trompette solo (solide Laurent Malet) qui ouvre la Marche funèbre initiale de cette symphonie en cinq mouvements regroupés en trois parties a saisi l’auditeur, qui, heureusement, a pu goûter les passages plus élégiaques, entrecoupés de moments trop puissants, saturant l’oreille du moins dans la salle, sensation plus prégnant encore dans le Stürmig bewegt (Violemment agité) qui suit, à la dynamique impressionnante et qui débouche sur un fascinant Scherzo, mouvement le plus développé de la symphonie occupant à lui seul sa deuxième partie.
Joseph Swensen enflamme ländler et valse au ton grinçant mais
insuffisamment parodique amplifié par la précarité des attaques des violons,
qui se font en revanche délectables, précis et luxuriants dans l’Adagietto pour cordes seules appuyées
par les deux harpes qui introduit la troisième partie, moment pourtant
difficile à négocier de la symphonie tant son climat peut prêter à confusion
pour sombrer dans un larmoyant pathos contraire à la mission introductive au Rondo-Finale Allegro, que les musiciens girondins enlèvent à bras le corps pour
conclure en apothéose dans une épiphanie de sonorités trop puissantes, à la
limite du supportable pour les oreilles trop sensibles – au point de susciter
chez les miennes de redoutables acouphènes - traduisant à l’excès le tour
dionysiaque et la joie de vivre aux fragrances de gravité sous-jacente qui
disent combien Mahler est ici ironique et sarcastique, voire inquiet, le climat
des mesures conclusives annonçant le tragique de la symphonie suivante. Tout
cela est bien suggéré par l’orchestre et le chef compositeur new-yorkais qui
ont su trouver en un an une flagrante communauté d’esprit, bien que
la vision d’ensemble n’aie pas eu assez de liant, et les plans-séquences aient
été un peu trop sèchement plaqués, mais surtout la conception sonore d’ensemble
est apparue trop forte et les équilibres entre familles d’instruments trop comprimés.
Virtuosité acquise haut la main mais homogénéité et unité sont encore
perfectibles (3).
Bruno Serrou
1) Place Saint Projet, Place Fernand
Lafargue, Place du Parlement, Place du Palais, Place des Citernes, Promenade
Sainte-Catherine, Halles de Bacalan, Le Petit Parc (Café cantine), Place du
Belvédère, Bien Public, Place Nansouty, Square Samuel Paty
2) Je me souviens d’avoir assisté
enfant, dans les années cinquante, à une représentation de cet ouvrage au Grand
Théâtre de Bordeaux, bonbonnière du XVIIIe siècle conçue par l’architecte
Victor Louis qui compte un millier de sièges, durant laquelle, dans cette même
scène du triomphe, Radamès chevauchait un éléphant…
3) A noter que paraît ce mois-ci chez
Alpha Classics le premier CD de l’ONBA sous la direction de Joseph Swensen. Il
est consacré à la Symphonie n° 9 de
Beethoven
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