dimanche 14 septembre 2025

Brillante ouverture de saison de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine et de son directeur musical Joseph Swensen dans une Symphonie n° 5 de Mahler retransmise en direct depuis l’Auditorium sur les places publiques de l’agglomération bordelaise et à Munich

Bordeaux. Auditorium. Salle Henri Dutilleux, places de l’agglomération bordelaise et de la ville de Munich. Vendredi 12 septembre 2025 

Joseph Swensen, Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Choeur de l'Opéra National de Bordeaux
Photo : (c) Bruno Serrou

Concert d’ouverture de saison 2025-2026 de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine et de son directeur musical Joseph Swensen dans un programme festif ouvert par la Marche triomphale d’Aïda de Giuseppe Verdi mettant en valeur le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux et les cuivres de l'ONBA, suivi de la Ve Symphonie de Gustav Mahler qui a permis de mettre en évidence les qualités de chaque pupitre, depuis les cordes jusqu’à la percussion, mais plus particulièrement trompette et cor solos. Pour mieux ancrer l’ONBA dans la cité, son directeur artistique, Emmanuel Hondré, a fait disposer en plusieurs lieux de l’agglomération bordelaise des écrans géants qui ont attiré un public venu en nombre Salle enthousiaste, ainsi que les différents points de la ville où le concert était diffusé en direct (1), ainsi qu’à Munich, jumelée à Bordeaux. Émotion également à la fin du concert, moment où Emmanuel Hondré, directeur de l’Opéra et de l’Orchestre aquitains, a salué l’arrivée de trois nouveaux musiciens puis le départ à la retraite de trois vétérans, les faisant applaudir par l’orchestre et par le public

Entendant naturellement faire participer à l’ouverture de la saison symphonique bordelaise la totalité des effectifs artistiques de l’Opéra National dont l’ONBA est la composante instrumentale, la phalange aquitaine a convié le Chœur du Grand Théâtre a participer activement à la première soirée de la saison 2025-2026, invité à ouvrir le concert avec la célébrissime marche triomphale d’Aïda (2) de Giuseppe Verdi (1813-1901) où interviennent les fameuses trompettes qui font toujours beaucoup d’effet sur ses auditeurs. Dès cette mise en oreille, j’ai mesuré combien l’acoustique ultrasensible de la Salle Henri Dutilleux et ses mille quatre cents sièges étaient certes analytiques et précis mais aussi et surtout sonores, au risque de saturer dans les fortissimi de tutti orchestraux si le chef ne prend pas garde à retenir les élans de ses musiciens… 

Joseph Swensen, Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Photo : (c) Bruno Serrou

Ce qui s’est avéré troublant, voire gênant dans l’écoute de la Symphonie n° 5 en ut dièse mineur, l’une des partitions les plus courues de Gustav Mahler (1860-1911). Sa popularité est due au quatrième de ses cinq mouvements, l’Adagietto pour cordes et harpes qui a été rendu célèbre notamment par le film de Luchino Visconti (1906-1976) Mort à Venise (1971), adaptation du roman La Mort à Venise (1912) de Thomas Mann (1875-1955). Au sein de la création d’un compositeur qui dut attendre soixante ans après sa mort pour que sa musique soit jugée digne d’intégrer les salles de concerts françaises au point d’être devenue un véritable cheval de bataille de tous les orchestres français et des salles de l’hexagone, cette Cinquième conclut le cycle mahlérien des Wunderhorn Symphonies débouchant sur les quatre dernières moins « littéraires » dont seule la Huitième fait appel à la voix. Plus accessible également que le grand public qui les quatre suivantes, surtout que la Septième dite « Chant de la Nuit ». Pourtant, elle n’est pas des plus facile du point de vue technique instrumentale surtout pour la partie des vents, plus particulièrement les cuivres, singulièrement les trompettes, la première donnant dès la note initiale de l’œuvre le ton de la partition entière, tellement à découvert et fortissimo que si son titulaire se plante, l’exécution de l’ensemble de la symphonie en subit les conséquences. La vision ardente, vigoureuse et tendue cheminant lentement de l’ombre vers la lumière du chef titulaire de l’ONBA, qui s’autorise de foudroyants moments de frénésie tant l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, concentré, puissant, répond promptement et s’avère virtuose. Cette approche plus symphonique que dramatique, dès les mesures initiales avec ses hallucinants appels de trompette solo (solide Laurent Malet) qui ouvre la Marche funèbre initiale de cette symphonie en cinq mouvements regroupés en trois parties a saisi l’auditeur, qui, heureusement, a pu goûter les passages plus élégiaques, entrecoupés de moments trop puissants, saturant l’oreille du moins dans la salle, sensation plus prégnant encore dans le Stürmig bewegt (Violemment agité) qui suit, à la dynamique impressionnante et qui débouche sur un fascinant Scherzo, mouvement le plus développé de la symphonie occupant à lui seul sa deuxième partie. 

Joseph Swensen, Orchestre National Bordeaux Aquitaine
Photo : (c) Bruno Serrou

Joseph Swensen enflamme ländler et valse au ton grinçant mais insuffisamment parodique amplifié par la précarité des attaques des violons, qui se font en revanche délectables, précis et luxuriants dans l’Adagietto pour cordes seules appuyées par les deux harpes qui introduit la troisième partie, moment pourtant difficile à négocier de la symphonie tant son climat peut prêter à confusion pour sombrer dans un larmoyant pathos contraire à la mission introductive au Rondo-Finale Allegro, que les musiciens girondins enlèvent à bras le corps pour conclure en apothéose dans une épiphanie de sonorités trop puissantes, à la limite du supportable pour les oreilles trop sensibles – au point de susciter chez les miennes de redoutables acouphènes - traduisant à l’excès le tour dionysiaque et la joie de vivre aux fragrances de gravité sous-jacente qui disent combien Mahler est ici ironique et sarcastique, voire inquiet, le climat des mesures conclusives annonçant le tragique de la symphonie suivante. Tout cela est bien suggéré par l’orchestre et le chef compositeur new-yorkais qui ont su trouver en un an une flagrante communauté d’esprit, bien que la vision d’ensemble n’aie pas eu assez de liant, et les plans-séquences aient été un peu trop sèchement plaqués, mais surtout la conception sonore d’ensemble est apparue trop forte et les équilibres entre familles d’instruments trop comprimés. Virtuosité acquise haut la main mais homogénéité et unité sont encore perfectibles (3).

Bruno Serrou

1) Place Saint Projet, Place Fernand Lafargue, Place du Parlement, Place du Palais, Place des Citernes, Promenade Sainte-Catherine, Halles de Bacalan, Le Petit Parc (Café cantine), Place du Belvédère, Bien Public, Place Nansouty, Square Samuel Paty

2) Je me souviens d’avoir assisté enfant, dans les années cinquante, à une représentation de cet ouvrage au Grand Théâtre de Bordeaux, bonbonnière du XVIIIe siècle conçue par l’architecte Victor Louis qui compte un millier de sièges, durant laquelle, dans cette même scène du triomphe, Radamès chevauchait un éléphant…

3) A noter que paraît ce mois-ci chez Alpha Classics le premier CD de l’ONBA sous la direction de Joseph Swensen. Il est consacré à la Symphonie n° 9 de Beethoven

 

 

 

 

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