samedi 14 septembre 2024

L’Ensemble Intercontemporain et Pierre Bleuse ont ouvert leur saison 2024-2025 sur un hommage au grand compositeur suisse Michael Jarrell avec deux «tricheries» en créations mondiales

Paris. Philharmonie. Cité de la Musique. Salle des Concerts. Vendredi 13 septembre 2024

Ensemble Intercontemporain et Pierre Bleuse dans le dspositif de la Symphonie n° 4 de Mahler/Jarrell. Photo : (c) EIC/Philharmonie de Paris

C’est un très beau concert d’ouverture de saison que l’Ensemble Intercontemporain et son directeur musical Pierre Bleuse ont offert à la Cité de la Musique / Philharmonie de Paris vendredi 13 septembre, jour du cent cinquantième anniversaire de la naissance d’Arnold Schönberg (1874-1951) dont son fondateur, Pierre Boulez (1925-2016), fut l’homme lige, ont offert, avec pour invité central Michael Jarrell (né en 1958), qui a proposé à la demande de l’EIC deux arrangements d’œuvres pour grand orchestre qui sont autant de réductions que de duperies. « Il ne suffit pas de réduire, il faut tricher », convient Michael Jarrell si l'on entend réussir un arrangement… 

Michael Jarrell et l'Ensemble Intercontmporain en répétition. Photo : (c) EIC/Philhzrmonie de Paris

Ce sont en effet deux commandes de l’Ensemble Intercontemporain réalisées par le compositeur suisse qui ont été données vendredi en création mondiale. Il s’est agi en fait de deux « arrangements », le premier de l’une de ses propres œuvres, le second de la page la plus optimiste du compositeur les plus joués du répertoire symphonique, le compositeur chef d’orchestre austro-hongrois Gustav Mahler (1860-1911), dont se réclamait volontiers le fondateur de la Seconde Ecole de Vienne. Un programme qui aura permis également aux solistes que sont les musiciens de l’EIC, dont la devise fondatrice est « Solistes Ensemble ».  

Hidéki Nagano (piano), Pierre Bleuse, Ensemble Intercontemporain. Photo : (c) EIC/Philharmonie de Paris

La première partie de la soirée était vouée au concerto virtuose pour piano Reflections II - le titre anglais suggérant à la fois la pensée et le reflet - adapté en 2024 de Reflections I pour piano et orchestre de forme classique en trois mouvements alternant vif-lent-vif composé pour Bertrand Chamayou qui en a donné la création mondiale le 25 mai 2019 à la Philharmonie de Paris avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Kazuki Yamada. Au piano virtuose affrontant le bloc étoffé du grand l’orchestre de l’original s’est substitué dans ces Reflections II une version plus fluide et limpide qui rend plus saisissante encore la mobilité de l’écriture et du jeu instrumental, le temps suspendu et les éclats virtuoses, les voix étant ici plus aérées et épurées, chaque instrumentiste plus ou moins traité en soliste volubile sonnant comme plusieurs, les chatoiements de l’orchestre se faisant plus rutilants et clairs, chaque voix dialoguant et élargissant les miroitements du piano dextrement joué par un impressionnant Hidéki Nagano investi dans l’œuvre avec une stupéfiante maestria.

Pierre Bleuse, Ensemble Intervontemporain. Photo : (c) EIC/Philharmonie de Paris

Second arrangement réalisé par Michael Jarrell de la soirée, la plus lumineuse des partitions de Gustav Mahler (1860-1911), la Symphonie n° 4 en sol majeur (1892-1910) avec un effectif de cordes réduit à trois premiers et deux seconds violons, trois altos, trois violoncelles, une contrebasse, bois (trois clarinettes) et cuivres par deux (plus un trombone absent de la nomenclature de l’original mahlérien « pour tricher », le posthorn ajoutant ses couleurs comblant trompette et cor manquants), harpe, timbales et percussion, le tout sonnant de façon incroyablement proche de l’original, le tout donnant aux membres de l’Ensemble Intercontemporain l’occasion de briller, du premier violon tenu par un magistral Diego Tosi, se régalant clairement de l’alternance des deux violons dans le deuxième mouvement (In gemächlicher Bewegung. Ohne Hast - Dans un mouvement tranquille. Sans hâte), le second, symbolisant le diable, en scordatura, tandis que le Ruhevoll. Poco adagio (Paisible. Pas trop lent), mouvement lent de la symphonie, a été abordé dans le juste tempo par Pierre Bleuse, sans traîner mais avec une émotion contenue et sans pathos, tandis que le finale Das himmlische Leben : Sehr bahaglich (La vie céleste : Très confortable) a gaiment transporté au paradis avec ses sonneries de calèche enluminant la voix pleine mais souple et légèrement fruitée de l’excellente soprano française Elsa Benoit a conduit avec grâce aux vaporeuses notes conclusives confiées à la harpe tenue par Valeria Kafelnikov sur lesquelles s’éteint la symphonie, qui rebondira de plus belle avec la fanfare ouvrant la Symphonie n° 5 en ut dièse mineur (1901-1902). 

Elsa Benoit (soprano), Coline Prouvost (cor anglais), Ensemble Intervontemporain en répétition. Photo : (c) EIC/Philharmonie de Parid

A propos de fanfare, il convient de saluer la magnificence de la totalité des pupitres de l’Ensemble Intercontempoprain, certains renforcés par des musiciens supplémentaires (hautbois, trombone, tuba, deux violons, alto, violoncelle). La réussite de cet arrangement est telle que l’on se met à rêver à ce que pourrait faire le compositeur helvétique s’il lui était demandé une semblable réalisation de la Symphonie « Résurrection » à défaut de la Symphonie « des Mille » 

Bruno Serrou

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