mercredi 18 septembre 2024

Etincelant London Symphony Orchestra dirigé par un Antonio Pappano poétique avec en soliste la solaire Yuja Wang

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Lundi 16 septembre 2024

London Symphony Orchestra, Antonio Pappano. Photo : (c) Charles d’Hérouville

Dieux que le son du London Symphony Orchestra est fabuleux de brillant, de sensualité, de malléabilité, de plénitude. Aucun orchestre au monde ne peut le rivaliser. Il en a toujours été ainsi, Pierre Boulez et Claudio Abbado entre autres le savaient et s’en régalaient. Lundi soir, à la Philharmonie de Paris, il l’a amplement confirmé dans un programme « Mittle Europa » associant la Pologne de Karol Szymanowski et Frédéric Chopin à la Bohême de Gustav Mahler, éblouissant de lumière sous la direction de son boss actuel Sir Antonio Pappano avec la phénoménale Yuja Wang au piano. 

Antonio Pappano. Photo : (c) Charles d’Hérouville

C’est avec une page rare qu’Antonio Pappano a ouvert la soirée, l’Ouverture de concert en mi majeur op. 12 que Karol Szymanowski (1882-1937). Composée en 1904-1905, créée le 19 avril 1907 à Varsovie, révisée en 1910-1913, cette première œuvre pour orchestre du compositeur polonais qui se cherche encore à l’époque requiert la participation d’une phalange fournie (bois par trois, une clarinette basse, six cors, trois trompettes et trombones, tuba, timbales, cymbales, grosse caisse, triangle, harpe et cordes en proportion), l’orchestration de cette partition d’une douzaine de minutes renvoyant à Une Vie de Héros de Richard Strauss, en plus « épais » et moins charnel, ainsi qu’à Richard Wagner côté cuivres. Occasion pour le LSO de briller dès le début du concert de tous ses éclats, imposant ses rutilantes sonorités dès l’abord, restant constamment limpide et chatoyant jusques et y compris dans les passages les plus telluriques.

Yuja Wang, London Symphony Orchestra, Antonio Pappano. Photo : (c) Charles d’Hérouville

Du Concerto n° 2 pour piano et orchestre en fa mineur op. 21 (1829) de Frédéric Chopin (1810-1849), Yuja Wang, toujours dans vêtue d’une robe improbable et perchée sur des talons façon échasses, a exalté les chatoiements, la magie sonore et le lustre des timbres du piano, les doigts courant sur le clavier avec une grâce, une légèreté singulière, la souplesse féline de ses mains en regard de la plénitude des sonorités et l’amplitude des contrastes que l’artiste chinoise tire du clavier. Ceux qui reprochent à Chopin son manque d’intérêt pour l’orchestre n’ont pu que regretter leur a priori tant le London Symphony a serti ses intonations chaleureuses et sensuelles à celles de l’instrument solo sous l’impulsion à la fois attentive, dynamique et tranchée d’Antonio Pappano. Toujours aussi généreuse en bis, Yuja Wang en a offert trois au grand bonheur d’un public peu avare en ovations debout, la Gnossienne n° 1 d’Erik Satie, la Valse op. 64/2 de Frédéric Chopin et le Precipitato de la Sonate n° 7 de Serge Prokofiev, ce dernier avec l’assistance d’Antonio Pappano en tourneur de pages iPad…

Antonio Pappano, London Symphony Orchestra. Photo : (c) Charles d’Hérouville

Mais c’est dans la Symphonie n° 1 en ré majeur « Titan » (1888/1903) de Gustav Mahler (1860-1911) que le London Symphony Orchestra s'est exprimé pleinement ses immenses qualités. Dans cette œuvre d’une extrême virtuosité, la phalange britannique et son chef italien se sont éclatés avec une aisance époustouflante, se délectant de toute évidence de cette musique complexe à mettre en place tant les structures sont alambiquées, faisant à la fois ressortir les lignes de force, l’architecture, l’unité à travers la multiplicité, les plans apparaissant dans leur évidence, tout en en magnifiant l’expression et en soulignant la diversité de l’inspiration, à la fois populaire, foraine, militaire, noble et grave, les brutalités, les saillies, la nostalgie. Unité et altérité dans la conduite de l’œuvre, la rythmique, le phrasé, les respirations étant extraordinairement en place, Antonio Pappano ayant en outré évité le pathos et les effets trop appuyés. Son orchestre a répondu avec empressement, le servant sans broncher jusqu’aux limites de la virtuosité sans aucune faute et avec une homogénéité admirable. Les cordes sont fruitées, notamment la contrebasse solo aux sonorités douces et feutrées, les bois sont colorés et nuancés (magnifique hautbois, mais aussi flûtes, bassons et clarinettes), les cors aux sonorités colorées et profondes sont d’une assurance extraordinaire, les trompettes vaillantes, trombones et tuba au diapason. Au total, une fabuleuse leçon d’orchestre a été offerte par la première des phalanges du Royaume Uni sous la direction lyrique en enflammée de son chef attitré, Antonio Pappano, également directeur musical de Royal Opera House Covent Garden de Londres depuis vingt-deux ans.

Bruno Serrou

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