dimanche 14 mai 2023

Les solistes de l’Ensemble Intercontemporain ont dansé Schönberg et Berg chorégraphiés par Saburo Teshigawara et Rihoko Sato avec la cantatrice Salomé Haller

Paris. Philharmonie, Cité de la Musique. Grande Salle. Jeudi 11 mai 2023

Arnold Schönberg (1874-1951), Pierrot luniaire op. 21. Solistes de l'Ensemble Intercontemporain, Salomé Haller, Saburo Teshigawara et Rihoko Sato. Photo : (c) EIC

Concert-ballet ce jeudi 11 mai Cité de la Musique de la Philharmonie de Paris avec deux chefs-d’œuvre de l’expressionnisme viennois, Pierrot lunaire op. 21 d’Arnold Schönberg et Suite lyrique d’Alban Berg par les solistes de l’Ensemble Intercontemporain. 

Arnold Schönberg (187-1951), Pierrot luniaire op. 21. Solistes de l'Ensemble Intercontemporain, Salomé Haller, Saburo Teshigawara et Rihoko Sato. Photo : (c) EIC

Dans Pierrot lunaire qu’Arnold Schönberg a conçu en 1912 et dirigé la création à Berlin le 16 octobre de la même année sur la traduction allemande en vers au mètre varié non rimés réalisée en 1893 par Otto Erich Hartleben vingt et un poèmes français en octosyllabes rimés d’Albert Giraud de 1884, Salomé Haller, de sa belle voix charnelle au doux velours a davantage utilisé la « Gesangstimme » que la « Sprechtstimme », rendant l’œuvre plus poétique que dramatique. De ce fait, la mezzo-soprano strasbourgeoise va ici à l’encontre de la partition, chantant plus qu'elle ne dit, à l’opposé du parler-chanter expressément requis par Schönberg, qui n’indique précisément que les hauteurs à l’exception de moins d’une demi-douzaine de notes expressément chantées - en 1931, le compositeur précisera que « le Pierrot n’est pas à chanter ! ». Quant aux syllabes chuchotées et soufflées tels des bruits blancs, ils étaient carrément occultés. En revanche, les sept solistes de l’Ensemble Intercontemporain ont brillé par leurs sonorités charnelles et précises, tandis que l’on admirait le jeu perlé du pianiste Hidéki Nagano et le son profond de la clarinette basse d’Alain Billard, entourés de Sophie Cherrier (flûte), Diego Tosi (violon), Odile Auboin (alto) et Renaud Déjardin (violoncelle).

Alban Berg (1885-1935), Suite lyrique. Quatuor à cordes de l'Ensemble Interconteporain, Rihoko Sato. Photo : (c) EIC

Opéra latent ou opéra longtemps cru sans paroles créé à Vienne le 8 janvier 1927 par le Quatuor Kolisch, la Suite lyrique a été conçue par Alban Berg en 1925-1926 inspiré par ses amours illégitimes pour Hanna Fuchs vivant alors à Prague, d’où les citations dans le troisième mouvement (Adagio appassionato) de la Symphonie lyrique de son ami Alexandre Zemlinsky à l’époque directeur de l’Opéra allemand de Prague, et celles de Tristan et Isolde de Richard Wagner. Chacun des instruments du quatuor d’archets est une voix en soi, un personnage doué de sentiments et suivant la prosodie d’une langue véritable à travers laquelle s’expriment tous les états d’âme, de la plainte amoureuse au cri. L’œuvre dépeint l’absurdité de la jalousie, le tragique de l’amour, tandis qu’en 2002 était révélée une ligne vocale dans le finale qui chante le poème de Charles Baudelaire De profundis clamavi extrait des Fleurs du mal dans la traduction allemande de Stefan George. De cet ardent second quatuor à cordes de Berg, les solistes de l’Intercontemporain ont donné une interprétation d’une belle homogénéité, sous la conduite de Jeanne-Marie Conquer, qui a insufflé à l’œuvre sa flamme sensuelle au quatuor d'archets constitué aussi de Diego Tosi, Odile Auboin et Renaud Déjardin. Il est regrettable que, disposant d’une excellente cantatrice présente pour Pierrot lunaire, les organisateurs du concert ne lui aient pas proposé de se joindre au quatuor à cordes…

Alban Berg (1885-1935), Suite lyrique. Rihoko Sato et Saburo Teshigawara de a Compagnie Karas. Photo : (c) EIC

 … Tandis que le chorégraphe directeur fondateur de la compagnie Karas Saburo Teshigawara et Rihoko Sato, vêtus de noir, ont magnifié les deux œuvres de leurs danses oniriques aux mouvements impressionnants d’énergie et de précision, mais jamais envahissants ni contraires à l’expressivité et au lyrisme des deux œuvres.

Bruno Serrou

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