Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 15 décembre 2022
Pour son dernier concert de l’année 2022, l’Orchestre de Paris recevait à la Philharmonie de Paris le jeune chef israélien de 33 ans Lahav Shani, actuel directeur musical des Orchestres Philharmoniques de Rotterdam et d’Israël, et le pianiste russo-étatsunien Kirill Gerstein. Ce dernier avait la rude tâche de remplacer l’immense Marta Argerich, malade.
Ce changement d’affiche n’a pas empêché la Philharmonie de faire le plein. Et le public n’a pas eu à le regretter. En effet, Kirill Gerstein a brossé un Concerto n° 2 en si bémol majeur op. 19 de Beethoven, la moins programmée de ses œuvres concertantes, au chant somptueux comme un concerto pour piano de la maturité de Mozart, le mouvement lent se déployant telle une immense aria d’opéra d’une exquise expressivité magnifiée par le touché délié et aérien du pianiste qui en exaltait les sensuelles éclats, tandis que Lahav Shani donnait une lumineuse sensualité aux textures de l’Orchestre de Paris aux sonorités célestes et flexibles.
Au terme de ce lumineux voyage, pianiste et chef se sont associés pour un bis à quatre mains, portant leur dévolu la Danse des fées extraite de Casse-Noisette de Tchaïkovski.
Un « encore » qui aura fait le lien avec la seconde partie de la soirée, consacrée à la Symphonie n° 5 en mi mineur op. 64 du même compositeur russe. Œuvre du fatum par excellence, mue par un thème cyclique symbolisant la providence, la plus développée des symphonies de Tchaïkovski à l’exception de Manfred avec ses cinquante minutes de durée, il est tentant d’appuyer les douloureuses pensées qui ont présidé à la genèse de l’œuvre. Il convient donc d’autant plus de saluer la lecture objective et allégée de tout pathos excessif, Lahav Shani avec sa direction économe, dénuée de toute gesticulation mélodramatique, mais suscitant une énergie, une précision, un lyrisme généreux. Le chef israélien a réussi à modifier les couleurs des cordes onctueuses et charnelles de l’Orchestre de Paris les sonorités rêches et râpeuses des orchestres slaves, donnant ainsi plus encore d’authenticité à son interprétation plus onirique que plaintive et déchirée, tandis que les bois et les cuivres, particulièrement l’omniprésent Philippe Berrod (clarinette), mais aussi Giorgio Mandolesi (basson), et Philippe Dalmasso, cor solo de la soirée.
Rendez-vous est pris pour le premier concert 2023 de l’Orchestre de Paris, les 11 et 12 janvier 2023, avec le chef finlandais Jukka-Pekka Saraste et le pianiste français Alexandre Kantorow dans le Concerto n° 2 pour piano de Tchaïkovski et la Symphonie n° 4 de Chostakovitch.
Bruno Serrou
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