mardi 13 décembre 2022

Les 40 ans de l’Orchestre Français des Jeunes sous la direction attentive de son nouveau directeur musical, Michael Schønwandt

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Dimanche 11 décembre 2022

Michael Schønwandt et l'Orchestre Français des Jeunes. Photo : (c) Bruno Serrou

Quarante ans pour un orchestre de jeunes musiciens est un âge vénérable. En deux fois vingt ans, l’Orchestre Français des Jeunes (OFJ) a accueilli dans ses rangs plus de deux mille huit cents musiciens venus de tous les conservatoires de France et d’Europe qui se sont réunis une ou deux fois l’an depuis 1982, année de sa création sous l'impulsion du compositeur Marius Constant. Il suffit de citer un seul chiffre pour dire l’efficience de cette phalange éphémère mais pérenne : soixante pour cent de ces deux mille huit cents étudiants de conservatoires sont devenus musiciens d’orchestres professionnels, soit mille six cent quatre vingt instrumentistes tous pupitres confondus…

L''Orchestre Français des Jeunes. Photo : (c) Bruno Serrou

Résident de la Philharmonie depuis l’ouverture de cette dernière en janvier 2015, l’OFJ est considéré par son haut degré d’excellence comme le vaisseau amiral des orchestres de jeunes français. Sa mouture cru 2022 a donné son dernier concert de la saison dans la Salle Pierre Boulez sous la direction de son nouveau directeur musical, le Danois Michael Schønwandt. Ce concert conforte le niveau d’excellence atteint par les jeunes recrues de cette formation à but pédagogique qui s’impose toujours davantage comme un passage obligé pour les apprentis musiciens qui entendent se lancer dans une carrière d’orchestre. D’autant que, comme de coutume depuis la fondation de l’OFJ en 1982, les œuvres proposées à la centaine d’élèves des conservatoires nationaux, régionaux et étrangers âgés de 16 à 26 ans par les responsables de l’orchestre pour les deux sessions de cette année ont permis comme de coutume de mettre en valeur à tour de rôle les différents pupitres de l’orchestre, aussi bien les cordes que les bois, les cuivres et la percussion.

                 Michael Schønwandt. Photo : DR 

L’OFJ a confirmé une fois encore n’avoir rien à envier à quantité d’orchestres professionnels aguerris dans un programme cent pour cent de musique française. C’est sur l’ouverture du Carnaval romain op. 9 (1843-1844) d’Hector Berlioz (1803-1869) que la jeune phalange a commencé sa prestation avec une fringante énergie, titillée par un Schønwandt économe en gestes mais couvant des yeux ses musiciens, l’osmose conduisant à mettre en exergue la subtilité et l’éclat de l’orchestration de Berlioz.

Marie-Laure Garnier (soprano), Michael Schønwandt et l'Orchestre Français des Jeunes. Photo : (c) Bruno Serrou

Cette année point de concerto mais l’un des plus beaux cycles de mélodies françaises avec orchestre, le Poème de l’amour et de la mer op. 19 (1893) d’Ernest Chausson (1855-1899) sur des textes de Maurice Bouchor. En lieu et place d’Adèle Charvet prévue à l’origine mais qui a dû renoncer au dernier moment pour cause de maladie, c’est à la soprano de 21 ans Marie-Laure Garnier, révélation lyrique des Victoires de la Musique classique 2021, qu’est revenu le soin d’interpréter la partie vocale de ces pages bouleversantes qu’elle a chantée avec sensibilité et émotion, soutenue avec grâce par l’OFJ, cajolée par les pupitres solistes, flûte, hautbois, basson, violoncelle, violon notamment. 

Suzanne Giraud (née en 1958), Michael Schønwandt et l'Orchestre Français des Jeunes. Photo : (c) Bruno Serrou

La seconde partie du concert s’ouvrait sur une courte création conforme à la tradition de cet orchestre-école dont la mission est de faire travailler à ses jeunes membres tous les styles et répertoires auxquels le métier de musicien d’orchestre les confrontera. Cette session, c’est à la compositrice Suzanne Giraud (née en 1958) qu’a été confiée l’œuvre en création, une page spatialisée ludique et juvénile à souhait dont le titre seul dit tout, Liesse, qui réclame aux musiciens une participation multiple, instrumentale, vocale et percussive. S’ensuivait une page rare, D’un matin de printemps (1917-1918), l’une des oeuvres ultimes nées de la trop courte vie de Lili Boulanger (1893-1918) dont l’OFJ a donné la lumineuse beauté et la souffrance sous-jacente.

Michael Schønwandt et l'Orchestre Français des Jeunes. Photo : (c) Bruno Serrou

Le concert de clôture de la saison de l’OFJ s’est conclu en apothéose avec la seconde Suite de Daphnis et Chloé (1913) de Maurice Ravel (1875-1937). Si Michael Schønwandt n’a pas réussi à imposer le délicat pianississimo des premières mesures du Lever du jour qui aurait dû venir du fond de l’Univers pour s’épanouir lentement et déboucher sur une lumière ardente et jubilatoire, les musiciens ont pu s’adonner aux épanchements, à la virtuosité et à la puissance qui se fera parfois tellurique mais jamais tonitruante, l’ONJ en a exalté l’énergie, les rythmes trépidants, subtilement ponctués par hautbois, cor anglais, clarinette, basson solos qui ont somptueusement restitué les élans pastoraux, tandis que la Danse générale a été admirablement servie par les musiciens de l’OFJ dans son foisonnement sonore et expressif, chacun se libérant totalement dans l’ample finale sans saturer pour autant l’espace sonore dans l’immense crescendo qui est resté cristallin.

Je me permets d'exprimer en fin de compte-rendu une fois n'est pas coutume ma déception que cet orchestre de jeunes ait une mémoire particulièrement courte, personne n'ayant apparemment consulté les archives médias de sa cave sans doute très profonde, mal rangée et très mal éclairée, ses responsables ayant organisé une table ronde animée par un inconnu sans avoir même songé à me proposer d'y participer, alors que je suis cette phalange depuis 1993 à l'époque où les stages et les répétitions se déroulaient fin août sur les rives de l'Allier à Vichy, que j'ai suivi deux de ses tournées européennes, et que j'ai en mémoire quantité d'anecdotes que les personnes invitées n'avaient pas. 

Bruno Serrou 

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