dimanche 11 décembre 2022

42nd Street au Châtelet, Broadway au cœur de Paris

Paris. Théâtre du Châtelet. Jeudi 8 décembre 2022 

42nd Street. Photo : (c) Théâtre du Châtelet

Voilà plus de trois lustres que le Théâtre du Châtelet est devenu le lieu emblématique parisien de la comédie musicale façon Broadway. Le départ en 2006 de Jean-Pierre Brossmann mettait un terme à un quart de siècle de festivals permanents d’opéras et de concerts classiques de très haute tenue, son successeur, Jean-Luc Choplin, ex-administrateur des Ballets Roland Petit, ex-directeur de Disneyland, ayant choisi d’inscrire l’auguste théâtre sur les traces du New York de Broadway, détournant l’excellente acoustique originelle en barnum sonore amplifié.

C’est de cette époque que date la création de 42nd Street (42ème Rue), comédie musicale adaptée par Harry Warren pour la musique et par Al Dubin pour les paroles du roman éponyme de Bradford Ropes rendu célèbre en 1933 par le film du même nom réalisé par Lloyd Bacon avec Ginger Rogers, Ruby Keeler et Warner Baxyer. Créée à Broadway en 1980 pour le théâtre, présentée au Châtelet en 2016, dans une nouvelle production fastueusement mise en scène et chorégraphiée par Stephen Mear, qui avait fait partie de la troupe de 1980, et dirigée depuis la fosse par Gareth Valentine, est un spectacle littéralement sur-vitaminé.  

42nd Street. Photo : (c) Théâtre du Châtelet

L’histoire est simple avec happy-end obligato, malgré le contexte historique il est vrai accessoire qui permet de situer le contexte de l’action et ses implications. Située en 1933, quatre ans après le krach de Wall Street tandis que l’Allemagne sombrait dans les abysses du nazisme, les Etats-Unis, sous l’impulsion du Président démocrate Franklin D. Roosevelt, se relève doucement de la Grande Dépression. Tandis que peuple cherche de nouveau à se divertir, le metteur en scène à la gloire éteinte Julian Marsh (campé avec allant et générosité par Alex Hanson) décide de monter un nouveau spectacle intitulé Pretty Lady. Il auditionne choristes et danseurs, et engage la star vieillissante Dorothy Brock (inénarrable Rachel Stanley). Celle-ci révèle qu’elle ne sait pas danser et pire encore qu’elle est entourée de deux amants dont la rivalité risque de compromettre le spectacle. Le jour de l’audition, se présente en retard la jeune danseuse Peggy Sawyer (touchante Emily Langham), qui descend tout juste du train qui l’amène à New York depuis la petite ville de Pennsylvanie qui l’a vue naître. Un jour, la vedette se casse une jambe, et, sur l’insistance de ses partenaires, ce sera la jeune Peggy qui sauvera le spectacle… au pied levé, et dès le soir de la première deviendra l’idole des midinettes…

42nd Street. Photo : (c) Théâtre du Châtelet

Mise en abîme du théâtre sur le théâtre, cette production de 42nd Street qui commence par une répétition rideau entr'ouvert sur les mollets et les pieds des protagonistes qui bougent au rythme frénérique de claquettes, est rondement menée, sans faute de goût ni outrances mais avec une précision exemplaire. Des cuivres qui swinguent à l’infini dans une fosse pourtant limitée, des rythmes ensorcelants (l’on trouve parmi les percussionnistes l’ex-membre de l’Ensemble Intercontemporain Daniel Ciampollini), des claquettes qui font brillamment résonner les augustes lattes du parquet de l’immense plateau du Châtelet pendant plus de deux heures trente… Voilà qui ne peut qu’enthousiasmer les amateurs de rythmes frénétiques, de danses étourdissantes, de claquettes en tous genres, de jazz, le tout malheureusement sonorisé à l’extrême au point de déclencher des nuées d’acouphènes, avec une distribution exclusivement anglophone (le spectacle est entièrement surtitré).

42nd Street. Photo : (c) Théâtre du Châtelet

Certes, il ne faut pas chercher ici une œuvre de création pure qui ouvrirait des perspectives nouvelles sur les plans musicaux, spirituels et intellectuels, mais un pur divertissement de très grande qualité, d’où l’on sort comme étourdi et quelque peu enthousiaste.

Bruno Serrou

Jusqu’au 15 janvier 2023. www.chatelet.com


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