Chorégies d'Orange. Orange (Vaucluse). Théâtre Antique. Mercredi 2 août 2016.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Francesco Meli (Alfredo Germont), Ermonala Jaho (Violetta Valeri), Placido Domingo (Giorgio Germont). Photo : (c) Philippe Gromelle / Chorégies d'Orange
Pour sa dernière édition, et en
son absence, Raymond Duffaut, son directeur artistique depuis trente-quatre ans,
tire sa révérence avec une Traviata
de Verdi de tout premier plan.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Ermonala Jaho (Violetta Valeri), Placido Domingo (Giorgio Germont). Photo : (c) FR3
La pureté du ciel de Provence, les
gradins surchauffés par le soleil de l’un des plus beaux théâtres antiques d’Europe,
une brise légère suscitant une température idoine, l’un des ouvrages les plus
populaires du répertoire, un amphithéâtre comble d’un public d’aficionados tenus
en haleine d’un bout à l’autre du spectacle, c’était l’ambiance des grandes
soirées d’Orange ce mercredi pour La
Traviata de Verdi. Au point que personne ne songeait à la petite révolution
de cabinet qui a provoqué la démission de Raymond Duffaut que l’on croyait
pourtant inamovible. Pour qui fréquente les Chorégies depuis leur réforme de
1971, quelques changements notables sont apparus, comme les surtitres installés
en quatre points stratégiques autour de l’immense plateau, un programme de
salle non plus global mais spécifique aux œuvres à l’affiche, une file
interminable de spectateurs cherchant à récupérer leurs places, des contrôles rigoureux
avec portiques aux entrées…
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Francesco Meli (Alfredo Germont), Ermonala Jaho (Violetta Valeri). Photo : (c) Philippe Gromelle / Chorégies d'Orange
Malgré l’absence de Diana Damrau,
souffrante, les deux représentations (1) de La
Traviata ont été sauvées grâce à la présence à Orange de sa consœur Ermonela
Jaho dans Madame Butterfly. Après avoir
laissé craindre un instant quelque défaillance, à cause notamment d’un vibrato peu
contrôlé, la soprano albanaise s’est rapidement imposée comme une Violetta
généreuse, sensible, féline magnifiée par une voix flexible au timbre lumineux.
Cela à partir du deuxième acte, face il est vrai à une statue de commandeur, le
légendaire Placido Domingo dans le rôle de Giorgio Germont. Trente-huit ans après
sa dernière apparition à Orange face à Elena Obraztsova dans les rôles titres
de Samson et Dalila de Saint-Saëns
aux temps glorieux des Chorégies, l’immense ténor espagnol devenu baryton, à l’instar
de son célèbre aîné Ramon Vinay, reste un musicien absolu, campant un personnage
impressionnant, à la fois solide, impérieux, noble, humain. La voix est
puissante, riche en nuances des plus subtiles, le grain est toujours charnu, le
timbre immédiatement identifiable. Alfredo Germont ne pâlit pas face à ce
monstre sacré, campé par le ténor génois Francesco Meli, voix toute de charme
et de fluidité. Ahlima Mhamdi et, surtout, Anne-Marguerite Werster excellent dans
les rôles de Flora et d’Annina, tandis que Nicolas Testé est un médecin de
luxe. Daniele Rustoni, à la tête d’un Orchestre national Bordeaux-Aquitaine en
très grande forme, dirigeant par cœur et chantant tous les rôles, s’illustre comme
authentique partenaire des chanteurs, et donne à la partition éclat et luxuriance.
Giuseppe Verdi (1813-1901), La Traviata. Ermonala Jaho (Violetta Valeri),Anne-Marguerite Werster (Annina). Photo : (c) Chorégies d'Orange
Classique et sans génie, la mise
en scène de Louis Désiré ne brille pas par sa direction d’acteur ni ses
mouvements d’ensembles, tandis que le décor est constitué d’un miroir brisé à
travers lequel entrent et sortent les protagonistes, avec d’un côté un lustre
disloqué et de l’autre un parterre de camélias, tandis que sont projetées des
vidéos suggérant le cadre de l’action.
Bruno Serrou
[Article paru dans le quotidien La Croix du 5 août 2016]
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