mercredi 10 août 2016

CD : Nikolaus Harnoncourt signe pour ses adieux une bouleversante "Missa solemnis" de Beethoven


A l’instar d’Herbert von Karajan en 1985 dans cette même œuvre, Nikolaus Harnoncourt signe trente ans après un premier enregistrement de la Missa solemnis op. 123 de Beethoven son testament artistique. Captée sur le vif en juillet 2015 au Festival de Graz, cette seconde version du chef allemand est non pas donnée avec un orchestre symphonique, contrairement à la première où il avait opté pour l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, mais avec l’ensemble d’instruments anciens qu’il avait créé en 1953 avec sa femme, la violoniste Alice Hoffelner, le Concentus Musicus Wien.

Lorsque Nikolaus Harnoncourt s’est retiré de la scène en décembre dernier, il avait exprimé le souhait de publier l’enregistrement de son dernier projet, la monumentale Missa solemnis de Beethoven qu’il entendait laisser comme son legs personnel.

Le diapason utilisé est nettement plus bas que celui généralement utilisé, puisqu’il est de 430 Hz, tandis que l’instrumentarium est au plus près de ceux de l’époque de Beethoven, avec cordes en boyau, cuivres naturels. Le rendu sonore n’est pas parfait, particulièrement le violon solo dans le Benedictus qui sonne maigrelet, mais aucun enregistrement disponible dans la discographie de l’œuvre ne l’est vraiment. Le quatuor de solistes, Laura Aikin, Bernarda Fink, Johannes Chum et Ruben Drole, forme un ensemble extrêmement homogène, à l’instar du somptueux Chœur Arnold Schönberg, d’une tendresse et d’une sérénité bouleversantes.

Ce qui se présente comme un dieu d’une rare pertinence d’un musicien dont la vie a été centrée sur le questionnement plutôt que sur l’affirmation et qui passa son temps à encourager interprètes et public à en faire autant (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2016/03/nikolaus-harnoncourt-immense-musicien.html). Son interprétation est à l’introspection et non pas au drame, même si le Dona nobis pacem se présente comme une supplique singulièrement bouleversante, Harnoncourt y proclamant sa foi, qui est non pas celle d’un dévot mais d’un homme qui croit, donc qui doute tout en espérant la transcendance. Cette vision d’une douceur extrême n’empêche donc pas les saillies jubilatoires et de suppliques d’une profonde humanité.

Bruno Serrou

1 CD Sony Classical 88955313592. 1h 21mn 33s 

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