vendredi 26 août 2016

Le Festival de La Chaise-Dieu a célébré ses 50 ans entouré de musiciens fidèles, dont Paul McCreesh

La Chaise-Dieu (Haute-Loire). Festival de musique. Abbatiale Saint-Robert. Lundi 22, mardi 23, mercredi 24 août 2016

Photo : (c) Bruno Serrou

Créé en 1966 par le grand pianiste hongrois György Cziffra, avec l’Orchestre Colonne dirigé par son fils György Cziffra Jr., sur l’initiative de plusieurs mélomanes, dont le Dr Georges Mazoyer e son épouse, le Festival de La Chaise-Dieu, qui se déroule pendant une décennie le temps d’un week-end, prendra son véritable envol à partir de 1976, avec la nomination de Guy Ramona. Directeur général jusqu’en 2003, puis président jusqu’en 2009, il ouvre la programmation de La Chaise-Dieu à toutes les musiques, des plus anciennes aux plus contemporaines, de Guillaume de Machaut à Olivier Messiaen.

L.a Chaise-Dieu. Abbatiale Saint-Robert. Photo : (c) Bruno Serrou

A la suite de Cziffra, les plus grands musiciens se sont succédé à La Chaise-Dieu, de Yehudi Menuhin à Mstislav Rostropovitch, de Michel Corboz à Lorin Maazel… La programmation a commencé à faire la part belle à la musique française et à la musique sacrée, cette dernière étant parfaitement à sa place dans cette abbatiale du XIVe siècle, avec son jubé, le gisant du pape Clément VI, originaire de La Chaise-Dieu, et son orgue classique, ce qui permettait de programmer des œuvres courant de Tallis, Josquin des Prés et Monteverdi à Berlioz et Penderecki.

La Chaise-Dieu. Abbatiale Saint-Robert, vue inérieure. Photo : (c) Bruno Serrou

Les deux successeurs de Ramona, Jean-Michel Mathé et, depuis 2012, Julien Caron, ont conforté la politique artistique de leur prédécesseur, tout en ouvrant encore davantage la programmation aux musiques extra-européennes et en donnant leur chance à de jeunes ensembles et à de nouveaux artistes. Avec Julien Caron, le Festival de La Chaise-Dieu s’étend sur l’ensemble du département de la Haute-Loire, investissant églises et autres lieux patrimoniaux de villages et de hameaux, jusque la préfecture, Le Puy-en-Velay, comme la basilique Saint-Julien de Brionde, la collégiale Saint-Georges de Saint-Paulien, l’église Saint-André de Lavaudieu, l’église d’Ambert ou celle de Chamalières-sur-Loire… Les travaux entrepris par le département, la région et l’Etat, qui couvrent déjà trente pour cent du budget (1) pour la réhabilitation de l’abbatiale Saint-Robert de La Chaise-Dieu, grâce au succès constant du festival dont elle est l’épicentre, et où ses bureaux sont installés définitivement, la manifestation, dotée en outre d’une salle pour la musique de chambre, va bientôt pouvoir accueillir artistes et étudiants en résidence et organiser des concerts toute l’année. « Nous pourrons ainsi rayonner à travers le département et la région pour diffuser la musique en zone rurale en diffusant sur tout le territoire et en conviant des publics nouveaux, se félicite Julien Caron. D-s la saison 2016-2017, nous recevons en résidence le Quatuor Diotima, qui va préparer chez nous l’intégrale des Quatuors à cordes de Béla Bartók et les jouer pour la première fois en concert ici avant de partir en tournée et de les enregistrer. »

La Chaise-Dieu, Abbatiale Saint-Robert, vue depuis le cloître. Photo : (c) Bruno Serrou

Au sein d’une programmation riche et ambitieuse pour son demi-siècle d’existence, le Festival de La Chaise-Dieu a reçu le plus fidèle de ses invités, le chef britannique Paul McCreesh. C’est le 24 août 1991 que le public du Festival de La Chaise-Dieu découvre Paul McCreesh, ainsi que l’ensemble qu’il avait créé neuf ans plus tôt, le Gabrieli Consort & Players, dans les Vêpres de la Vierge de Claudio Monteverdi. C’est à La Chaise-Dieu et avec cette œuvre que le chef britannique s’est imposé en France.

Paul McCreesh. Photo : DR

« J’ai découvert La Chaise-Dieu en 1989. C’était en plein hiver, sous une épaisse couche de neige, se souvient le chef d’orchestre britannique Paul McCreesh. Ce lieu est propice à la spiritualité, au recueillement. Il est particulièrement inspirant. » Directeur artistique de l’un des plus beaux ensemble de musique ancienne, le Gabrieli Consort & Players, McCreesh est à 56 ans l’un des chefs les plus influents de notre époque. Son champ d’investigation ne se réduit pas à ce répertoire « Je suis de la deuxième génération des musiciens baroques. Ce répertoire a été défriché par nos prédécesseurs, et les instrumentistes maîtrisent archets anciens, cordes en boyau, bois et cuivres naturels. Violoncelliste de formation, comme son aîné Nikolaus Harnoncourt, il n’a jamais été un professionnel de l’instrument. « Dès 22 ans en 1982, je fondais le Gabrieli, et je me suis immédiatement consacré à la direction et à l’étude des partitions, de la Renaissance à nos jours. » Directeur artistique de festivals, comme à Wroclaw (Pologne) et à Brinkburn (Angleterre), McCreesh se produit partout dans le monde, autant avec le Gabrieli qu’avec des orchestres symphoniques. Cet été, il s’est produit au Festival de Beaune avant de revenir en France sur l’invitation de La Chaise-Dieu, dont il est l’un des piliers. Il espère découvrir dès que possible la Philharmonie de Paris, où il ne s’est pas encore produit.

A l’instar du Festival de La Chaise-Dieu, Paul McCreesh ouvre de plus en plus son répertoire. « Si je devais me retirer sur une île déserte, je ne sais pas avec quelles partitions, tant j’ai de musique en tête. Mais s’il s’agit de disques, ce serait une dizaine d’œuvres, de tous styles et époques. Elgar, sans le moindre doute parce qu’il s’y trouve tout ce dont j’ai besoin, Purcell, Tchaïkovski. Pas Gabrieli, parce que je l’ai en tête. S’il se trouve une œuvre que j’aimerais diriger, c’est l’opéra Roméo et Juliette au village (1907) de Frederick Delius. » Mais ce que McCreesh souhaite de tous ses vœux est de diriger le plus tôt possible, dans l’abbatiale de La Chaise-Dieu, le War Requiem de Benjamin Britten et Un Requiem allemand de Johannes Brahms.

Paul McCreesh et le Gabrieli Consort. Photo : (c) Bruno Serrou

En attendant ces rendez-vous espérés, Paul McCreesh a donné deux concerts en Haute-Loire. Le second mercredi, abbatiale Saint-Robert, titré Jesu, meine Freude, autour d’œuvres pour 18 voix a capella ou accompagnées à l’orgue positif, dont la cantate éponyme de Bach entourée d’autres pages sacrées du cantor de Leipzig et de Mendelssohn. « La voix est le plus beau, le plus fin, le plus authentique des instruments, s’enthousiasme McCreesh. Elle touche jusqu’au plus intime de l’âme. » La lecture dynamique, la rythmique d’une précision inouïe ajoutées de l’absolue perfection de la polyphonie et à la beauté des voix du consort, exhale avec McCreesh une vive émotion.

Ensemble Correspondances, Sébastien Daucé. Photo : (c) Bruno Serrou

Le premier des trois jours que j’ai passés à La Chaise-Dieu a présenté abbatial Saint-Robert une somptueuse prestation de l’Ensemble Correspondances dirigé par Sébastien Daucé, son fondateur et organiste. Le programme était consacré aux Motets écrits pour le jeune Louis XIV par Henry Dumont et François Roberday. Le chœur de onze voix et l’orchestre de onze instrumentistes se sont avérés excellemment préparés, sonnant juste, clair au service d’une spiritualité e d’un onirisme prenants.

Barbara Kusa, Luis Rigon, Eduardo Egüez, La Chimera, Choeur de Chambre de Pampelune. Photo : (c) Bruno Serrou

Un programme original et festif, centré sur les musiques sud-américaines et espagnoles, a été présenté par un collectif réunissant le Chœur de Chambre de Pampelune, l’ensemble instrumental La Chimera, le chanteur flûtiste Luis Rigou et la soprano Barbara Kusa, le tout dirigé par Eduardo Egüez. Les œuvres réunies étaient de diverses origines, distribuées en deux parties, la première intitulée Misa de Indios, avec des pages puisées dans les sources populaires et dans divers codex (Pérou, Bolivie, Paraguay), la seconde exclusivement consacrée à la Misa criolla d’Ariel Ramirez (1921-2010) entièrement fondée sur du matériau traditionnel.

Vincent Larderet, Daniel Kawka et l'Orchestre OSE !. Photo : (c) Bruno Serrou

Mercredi était consacré à la musique d’orchestre du XXe siècle. L’après-midi, l’Orchestre OSE !, excellemment préparé et dirigé par son directeur-fondateur Daniel Kawka, a donné Abbatiale Saint-Robert, un programme consacré à la musique de la première moitié du XXe siècle, associant le Français Maurice Ravel et le Finlandais Jean Sibelius. Du premier, un poétique et coloré Tombeau de Couperin, suivi d’un tonique Concerto en sol, avec en soliste le jeune e talentueux pianiste français Vincent Larderet, partenaire inspiré de ce même orchestre et de ce même chef dans ce même concerto associé à celui en ré « pour la main gauche » et au Concerto pour piano « J’entends dans le lointain » de Florent Schmitt (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2015/11/cd-concertos-pour-piano-de-ravel-et.html), l’orchestre et le chef donnant seuls une lecture énergique et colorée de la Symphonie n° 6 en ré mineur op. 104 de Jean Sibelius.  

Renaud Capuçon et l'Orchestre de Chambre de Bâle. Photo : (c) Bruno Serrou

Quelques heures plus tard, c’était au tour du brillant ensemble de cordes suisse qu’est l’Orchestre de Chambre de Bâle, qui avait invité le Français Renaud Capuçon, qui dirigeait du violon. Après un Concerto pour violon en la mineur BWV. 1041 de Jean-Sébastien Bach un rien contraint, Capuçon a dirigé de son violon le Polyptique pour deux orchestre à cordes du Suisse Frank Martin d’une dimension spirituelle aussi grande que les plus grandes pages instrumentales de Bach. Après une transcription pour violon et orchestre à cordes de la Fantaisie sur le nom de Sacher aux contours pour le moins traditionnels du Français Philippe Hersant, Renaud Capuçon s’est installé au pupitre de premier violon pour les sublimes Métamorphoses pour vingt-trois instruments à cordes solistes de Richard Strauss. Chef-d’œuvre absolue de la musique pour cordes, avec ses vingt-trois instruments à cordes qui constituent autant de voix réelles, l’Orchestre de Chambre de Bâle a démontré sa formidable maîtrise technique et son exceptionnelle homogénéité, comme autant de solistes, quel que soit le pupitre, tandis que Renaud Capuçon s’est parfaitement intégré à l’ensemble, jouant avec humilité, comme s’il était depuis toujours membre de la formation bâloise. Seul regret, que la disposition des effectifs sur le plateau, qui n’était pas conforme à celle que précise la partition, avec les cordes graves au centre (alto, violoncelles, contrebasses), Renaud Capuçon ayant opté pour un dispositif violon I et II, alto, violoncelles, contrebasses derrière les violoncelles), ce qui a modifié les perspectives sonores. 

Bruno Serrou


1) Outre trente pour cent de subventions publiques le budget de 1,5 million d’euros est couvert par cinquante pour cent de ressources propres et vingt pour cent de mécénat d’entreprise et individuel. 

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