Paris, Amphithéâtre de la Cité de la Musique, samedi 18 janvier et
mardi 21 janvier 2014
Quatuor Ysaÿe. Photo : DR
Depuis samedi, la Cité de la
Musique accueille la VIe Biennale de quatuors à cordes, qui propose
dix-sept concerts jusqu’au 30 janvier, avec des ramifications pédagogiques
jusqu’au 30 juin. Cette édition de la biennale sera le cadre le 24 janvier du
concert d’adieu à Paris, après un riche parcours artistique de trente ans du
remarquable Quatuor Ysaÿe, qui a lui-même formé nombre de jeunes quatuors à
cordes parmi les meilleurs.
Quatuor Voce. Photo : DR
Le Quatuor Voce et Bruno Mantovani
C’est d’ailleurs à l’un des ensembles qu’il a formés, le Quatuor Voce, qu’a été confié le deuxième des trois concerts de samedi 18 janvier donné dans un Amphithéâtre comble. Fondé voilà dix ans, lauréat de nombreux concours internationaux, Genève, Crémone, Vienne, Bordeaux, Graz, Londres et Reggio Emilia, l’ensemble s’adonne au grand répertoire classico-romantique, à la musique du XXe siècle et à la création, avec des œuvres de Nicolas Bacri, Gianvincenzo Cresta, Graciane Finzi, Alexandros Markéas, Zad Moultaka, Christophe Looten, etc. Entre deux chefs-d’œuvre du classicisme, le Quatuor à cordes n° 14 en sol majeur KV. 387, et le second des Razoumovski de Beethoven, le Quatuor à cordes n° 8 en mi mineur op. 59/2, les quatre musiciens ont présenté en création mondiale le Quatuor à cordes n° 2 de Bruno Mantovani. Composée en 2013 à la suite d’une commande de la Cité de la Musique, de la Kölnmusik et de la Philharmonie de Luxembourg, cette œuvre de vingt-cinq minutes débute dans le haut du spectre des quatre instruments, et s’avère d’une tension continue, suscitant un jeu d’archet d’une nervosité extrême.
C’est d’ailleurs à l’un des ensembles qu’il a formés, le Quatuor Voce, qu’a été confié le deuxième des trois concerts de samedi 18 janvier donné dans un Amphithéâtre comble. Fondé voilà dix ans, lauréat de nombreux concours internationaux, Genève, Crémone, Vienne, Bordeaux, Graz, Londres et Reggio Emilia, l’ensemble s’adonne au grand répertoire classico-romantique, à la musique du XXe siècle et à la création, avec des œuvres de Nicolas Bacri, Gianvincenzo Cresta, Graciane Finzi, Alexandros Markéas, Zad Moultaka, Christophe Looten, etc. Entre deux chefs-d’œuvre du classicisme, le Quatuor à cordes n° 14 en sol majeur KV. 387, et le second des Razoumovski de Beethoven, le Quatuor à cordes n° 8 en mi mineur op. 59/2, les quatre musiciens ont présenté en création mondiale le Quatuor à cordes n° 2 de Bruno Mantovani. Composée en 2013 à la suite d’une commande de la Cité de la Musique, de la Kölnmusik et de la Philharmonie de Luxembourg, cette œuvre de vingt-cinq minutes débute dans le haut du spectre des quatre instruments, et s’avère d’une tension continue, suscitant un jeu d’archet d’une nervosité extrême.
Bruno Mantovani (né en 1974). Photo : DR
Ce deuxième quatuor à cordes de Bruno Mantovani requiert également de la part des instrumentistes une grande précision des
archets avec ses poussés décalés et les enchaînements de sons fondus passant entre
les quatre pupitres et si fusionnés parfois que l’on n'en différencie pas toujours
les instruments. A la systématisation de la décomposition pendant la première
partie répond une seconde période qui conduit jusqu’à la fin de l’œuvre à plus de lyrisme au travers d'une écriture qui tend au classicisme. Le Quatuor Voce a joué cette
partition avec la même générosité que dans Mozart et dans Beethoven. L’interprétation
du quatuor du maître de Bonn, malgré quelques notes un rien attaquées trop en dessous sur la
chanterelle du premier violon, s’est avérée poétique, dense, vigoureuse, voire
emportée dans les moments les plus vifs, tout en exaltant de chaudes sonorités le
tout transcendé par un évident plaisir de jouer.
Quatuor à cordes Arditti. Photo : DR
Le Quatuor Arditti, Philippe Manoury et Pascal Dusapin
Après un premier concert donné en fin d’après-midi par le Cuarteto Casals consacré à Webern, Mozart et Chostakovitch, la Cité de la Musique a accueilli le Quatuor Arditti pour une soirée de créations, avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France. En prélude du concert, Laurent Bayle, directeur de la Cité de la Musique, de la Salle Pleyel et de la future Philharmonie, a prononcé avec émotion un éloge funèbre de Claudio Abbado, mort la veille, qui avait de nombreux projets à Paris, parmi lesquels celui de participer aux festivités d’inauguration de la Philharmonie de Paris en 2015…
Après un premier concert donné en fin d’après-midi par le Cuarteto Casals consacré à Webern, Mozart et Chostakovitch, la Cité de la Musique a accueilli le Quatuor Arditti pour une soirée de créations, avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France. En prélude du concert, Laurent Bayle, directeur de la Cité de la Musique, de la Salle Pleyel et de la future Philharmonie, a prononcé avec émotion un éloge funèbre de Claudio Abbado, mort la veille, qui avait de nombreux projets à Paris, parmi lesquels celui de participer aux festivités d’inauguration de la Philharmonie de Paris en 2015…
Réunissant des pièces de Philippe
Manoury et de Pascal Dusapin, le programme est apparu très instructif, car il
offrait l’occasion de mettre en regard deux compositeurs à la forte
personnalité que l’on peut considérer sans être négatifs à leur égard comme institutionnels,
chacun à leur façon.
Philippe Manoury (né en 1952). Photo : DR
C’est seul que le Quatuor Arditti
a commencé la soirée, avec une œuvre de Philippe Manoury, sans électronique, qu’il
a créé à Monte-Carlo le 22 mars 2013. Commande de SO.GE.DA et du Printemps des
Arts de Monte-Carlo, dédié à la mémoire d’Emmanuel Nunes, titré Melencolia, le troisième quatuor à
cordes après Strigendo en 2010 et Tensio en 2010-2012, est à la dimension
de la personnalité éruptive du compositeur portugais mort le 2 septembre 2012,
frénétique et fébrile, entrecoupée de superbes moments d’émotion et
de méditation. L’électronique est omniprésente sans être pour autant de la
partie. L’œuvre, qui tire son origine de la gravure éponyme d’Albrecht Dürer d’où
Manoury exploite deux éléments, l’orthographe Melencolia
et le carré magique d’où émane le chiffre 34 quel que soit le sens de la lecture,
est lardée de séquences d’une tension inouïe exaltées par la fureur des archets
qui, pendant près de trois-quarts d’heure, emporte l’auditeur à la frange de la
folie. Les plans, clairement répartis en quatre mouvements enchaînés, avec
traits secs et violents dans la première partie, repris dans la deuxième et
dans la conclusion, douloureux et recueilli dans la troisième, sont ponctués de
crotales joués à tour de rôle ou simultanément par les quartettistes, donnent
certes luminosité et résonance à cette œuvre déchirée et déchirante mais
leur usage apparaît trop systématique.
Pascal Dusapin (né en 1955). Photo : DR
Pour son sixième quatuor à cordes,
Pascal Dusapin a pris le parti d’une œuvre concertante où les quatre archets dialoguent
où se disputent avec une formation Mozart sans timbales mais avec harpe. Titrée
Quatuor VI Hinterland - Hapax pour
quatuor à cordes et orchestre, l’œuvre associe les membres du quatuor à un
orchestre constitué de trente cordes (neuf premiers violons, sept seconds, cinq
altos, cinq violoncelles, quatre contrebasses), dix instruments à vent (deux
flûtes (aussi piccolo), deux hautbois (aussi cor anglais), deux clarinettes
(aussi clarinette basse), deux bassons, deux cors) et harpe. Composée en 2009,
créée le 28 avril 2010 dans le cadre du Festival de Lucerne par le Quatuor
Arditti et l’Orchestre du Festival de Lucerne dirigé par Jonathan Nott, la
partition porte deux titres, le premier, Hinterland,
suggère un paysage décrit dans la pièce de Liza Beamish, le second, hapax, désigne en rhétorique un mot qui
n’a qu’une seule occurrence dans la littérature. Exposé de belle façon par le
Quatuor Arditti, le matériau de l’œuvre, clair et lyrique, est repris, élargi
et catapulté par l’orchestre. La matière harmonique est plutôt simple, et le
geste assez répétitif, avec ces va-et-vient énergiques et incessants de traits
d’archet à l’orchestre. Les solos du quatuor sont vifs, tranchés et souvent
techniques, et il émane de l’œuvre de séduisants passages, comme l’intervention
du premier violoncelle de l’orchestre (Nadine Pierre) dialoguant avec le
violoncelle du quatuor (Lucas Fels), les doublures de bois, qui instillent coloration
et sensualité, et de cordes.
Pascal Rophé. Photo : DR
Entre les quatuors de Manoury et
de Dusapin, une page pour orchestre à cordes de ce dernier, Khôra. Commande de Radio France conçue
pour soixante instruments à cordes en 1993, cette œuvre a été revue en 1997
pour une formation réduite de moitié (neuf premiers violons, sept seconds, cinq
altos, cinq violoncelles, quatre contrebasses) en vue d’un concert de l’Orchestra
della Toscana dirigé par Luca Pfaff donné à Strasbourg le 28 septembre 1997
dans le cadre du Festival Musica. Les effectifs jouent divisi, à l’instar des Métamorphoses
pour vingt-sept cordes de Richard Strauss, mais l’œuvre évolue différemment,
avec son mouvement tournoyant et ses couleurs feutrées des plus séduisantes. A
l’instar du premier pupitre des premiers violons de l’Orchestre Philharmonique
de Radio France dirigé avec conviction par Pascal Rophé, occupé par deux jeunes
femmes à l'opulente chevelure (Hélène Collerette et Virginie Buscail) agrémentée de mêmes fleurs rouges…
Bruno Serrou
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