samedi 27 avril 2024

L’impressionnant «métal» de l’Ensemble Intercontemporain forgé par Jonathan Nott

Paris. Cité de la Musique-Philharmonie de Paris. Salle des concerts. Vendredi 26 avril 2024 

Jonathan Nott, Alain Billard. Photo : (c) Ensemble Intercontemporain

Concert Metal vendredi soir à la Cité de la Musique/Philharmonie de Paris de l’Ensemble Intercontemporain dirigé de magistrale façon par Jonathan Nott, qui en a été le directeur musical de 1995 à 2000. Un programme exigeant pour les oreilles, non pas au sens figuré du terme, qui signifierait une musique complexe, mais au sens premier, celui de ressenti sonore, de puissance excessive, assourdissante, celle qui suscite les angoisses des ORL dues aux statistiques alarmantes constatant la baisse générale des capacités auditives des générations les plus jeunes… venues en nombre assister à ce concert attirée par le concept du titre générique du programme renvoyant au heavy metal

Jonathan Nott. Photo : (c) Ensemble Intercontemporain

Le Heavy Metal ou Metal venu du rock plus ou moins « hard » a été popularisé dans les années 1980 et a rapidement engendré une foultitude de sous-genres et de genres dérivés aux sonorités lourdes, grasses, touffues engendrées par des distorsions suprêmement amplifiées. Il est à noter que, côté puissance et volume, le concert de l’Ensemble Intercontemporain est allé crescendo.

Eric-Maria Couturier. Photo : (c) Ensemble Intercontemporain

La première partie étant plus notablement audible, avec une écriture plus léchée et recherchée que la seconde, elles étaient toutes deux introduites par une pièce pour violoncelle. C’est sur une page solo impressionnante d’un brillant saxophoniste, Vincent David (né en 1974), De vif bois donné en première mondiale, qui a préludé à l’œuvre pour ensemble, une partition pour un violoncelle dans tous ses états sollicitant la variété de ses aptitudes techniques, rythmiques et sonores, exploitant autant les zones en bois de l’instrument que ses cordes, jouée par un Éric-Maria Couturier, son dédicataire, vaillant et inoxydable, pour rester dans la terminologie métallique. 

Bára Gísladóttir, Jonathan Nott, Ensemble Intercontemporain. Photo : (c) Bruno Serrou 

Autre création, cette fois pour ensemble et électronique, amoeba proteus but make it metal (J’ai tout de suite adoré mais fais-en du métal) de l’Islandaise Bára Gísladóttir (née en 1989) aux contours fluides et aux textures liquides, coulées à vif dans le métal allant s’évaporant, à l’instar des matières sidérurgiques finement mises en musique et brillamment suggérées et concrétisées par les musiciens de l’Intercontemporain dirigés avec brio par Jonathan Nott.

Renaud Déjardin, Aurélien Gignoux. Photo : (c) Ensemble Intercontemporain

A l’instar de la première partie, la seconde a été introduite par une page pour violoncelle, cette fois associé à une batterie amplifiée, Riff (augmenté) de Bastien David (né en 1990). Comme son titre l’indique, il s’agit d’une version « augmentée » de cette « courte phrase » (riff) à la mélodie simple et au rythme marqué créée en 2017 et agrandie en 2023. La partie de l’instrument à cordes est bien plus riche et variée sous l’archet et les doigts de Renaud Déjardin que la partie percussive tenue par Aurélien Gignoux, que la partie qui lui était réservée a clairement contraint au point de démontrer combien la pop’ star de ma génération, Ginger Baker, avait de génie. 

Yann Robin, Jonathan Nott, Alain Billard. Photo : (c) Bruno Serrou

Pour conclure la soirée, la partition qui a inspiré le titre du concert, Art of Metal III de Yann Robin (né en 1974) de 2007-2008, pour clarinette contrebasse métal tenue par un Alain Billard au souffle et à la technique d’airain, ensemble de dix-sept instrumentistes et électronique en temps réel, pièce hurlante déclenchant à satiété des acouphènes dépassant les limites du supportable (ce pourquoi étaient distribuées des boules-quiès à l’entrée de la salle), mais donnant au chef l’occasion de démontrer sa virtuosité, la précision de sa battue, l’énergie de sa gestique, la souplesse de son déhanché et ses aptitudes naturelles à la chorégraphie corporelle, confirmant ainsi combien Jonathan Nott, quelques jours à peine après la fin de sa série de représentations genevoises du Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen qu'il a dextrement dirigée (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2024/04/le-saint-francois-dassise-dolivier.html) a de talent et de maîtrise de soi, du temps, du son.

Bruno Serrou 

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