Au sein des nombreux
anniversaires de compositeurs en cette année 2018, celui d’une femme de génie,
foudroyée en plein envol : Lili Boulanger
Lili Boulanger vers 1900. Photo : DR
Ce n’est pas un ouvrage
musicologique que propose Alain Galliari, auteur par ailleurs d’une exceptionnelle
monographie consacrée à Anton Webern, et d’un ouvrage sur les secrets du
Concerto « à la mémoire d’un Ange » d’Alban Berg (tous deux chez
Fayard) (voir pour le second http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/12/alain-galliari-conte-dans-un-livre.html),
mais un récit relatant la courte et fulgurante vie – moins de vingt-quatre ans – de l’un des
plus grands compositeurs français.
Lili Boulanger (1893-1918) en 1915. Photo : DR
Comme dans ses précédents
ouvrages de l’auteur, le lecteur est porté par son écriture alerte. Ce petit
ouvrage, qui fait défiler la vie intime, douloureuse, pleine de jeunesse et d’espérance,
les amours, autant humaines que musicale de cette enfant malingre à la beauté
fragile et d’une volonté de fer qui laisse un cursus musical dont pas une
partition est inutile, l’inspiration et la forme émanant ici d’un génie pur, se
lit d’une traite, chaque page lue poussant à se plonger dans la suivante. Et l’on
termine la lecture à regret… Dans ce récit aussi dense que bouleversant, d’une
écriture délicate et claire, l’intensité de la passion, l’urgence, le don de
soi extraordinaire de cette nature énigmatique pleine de contradictions emplissent
chaque phrase de ce livre palpitant.
Nadia et Lili Boulanger. Photo : DR
Sœur cadette de Nadia Boulanger
(1887-1979), autre musicienne surdouée (pédagogue éminente qui attira dans ses
classes de composition, au Conservatoire de Paris comme au Conservatoire
américain de Fontainebleau et aux Etats-Unis, compositrice, pianiste, chef d’orchestre),
Lili Boulanger (1893-1918) est toute de douleur, de lumière et de renoncements.
Souffrant dès l’enfance d’une maladie des poumons qui se transformera à la fin en
tuberculose, Lili participe très tôt à l’effervescence musicale du foyer
familial tenu d’une main ferme par sa mère Raïssa Mychetski, cantatrice russe
restée seule après la mort à 62 ans de son mari Ernest Boulanger, compositeur
et professeur au Conservatoire de Paris. Lili admire sa sœur Nadia, son aînée
de six ans qui remporte plusieurs premiers prix au Conservatoire, et la suit en
auditeur libre de la classe de Charles-Marie Widor.
Lili Boulanger. Photo : DR
Alors que Nadia essuie
quatre échecs successifs au concours du Prix de Rome, Lili décide de relever le
défi, tandis que sa sœur ne l’en croit pas capable. Pourtant, à 19 ans, elle réussit
le concours avec sa cantate Faust et
Hélène, et devient ainsi la première femme à être couronnée par l’Académie.
La déclaration de guerre le 1er août 1914 met un terme à son séjour
Villa Médicis. De retour en France, et malgré la maladie qui la ronge, Lili ne
cesse de composer, jusque dans son lit de malade. Plusieurs œuvres d’inspiration
liturgique, toutes plus belles les uns que les autres, s’enchaîne jusqu’à la
fin, une quinzaine au total, tandis qu’elle travaille sur son opéra La Princesse Madeleine d’après Maurice
Maeterlinck dont le manuscrit ne sera pas retrouvé.
Lili et Nadia Boulanger. Photo : DR
Un livre sensible consacré à une
compositrice de génie trop tôt enlevée par la maladie qui célèbre avec bonheur
le centenaire de la disparition de son héroïne, qui aurait pu rester à l’ombre
de celui de la disparition de son aîné Claude Debussy, réunis tous deux par l’amour
de la poésie et de Maeterlinck.
Bruno Serrou
Alain Galliari, Lili (récit). AGEditeur. 170 pages. 10,00 €. thebookedition.com
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