jeudi 22 mars 2018

Berlioz : Magnifique Cellini de John Osborn à l’Opéra de Paris


Hector Berlioz (1803-1869), Benvenuto Cellini. Production de Therry Gilliam. Photo : (c) Opéra national de Paris

Absent de l’Opéra de Paris depuis 1993, Benvenuto Cellini d'Hector Berlioz retrouve l'Opéra Bastille dans une production venue de Londres un peu tape à l’œil portée par le ténor américain John Osborn

Hector Berlioz (1803-1869), Benvenuto Cellini. Production de Therry Gilliam. Photo : (c) Mathias Baus

Dans Benvenuto Cellini, c’est la vie de Berlioz qui est en jeu. En effet, à travers la figure de l’orfèvre et sculpteur florentin de la Renaissance, le compositeur français trouve son miroir d’artiste maudit. Après avoir passé 15 mois en Italie d’où il ramena nombre d’inspirations, il choisit pour son premier opéra un sujet italien, tiré de l’autobiographie du « bandit de génie ». Avec la participation de ses librettistes, Léon de Wailly et Henri Auguste Barbier, Berlioz prend quelque liberté, déplaçant l’action, qui se termine sur la fonte de la statue Percée, de Florence à Rome. Composé en 1834-1838, l’ouvrage sera créé dans son intégralité en janvier 1839 à l’Opéra de Paris après moult péripéties. L’Opéra de Paris reprend la pièce 25 ans après la production de Denis Krief et Myung-Whun Chung.

Hector Berlioz (1803-1869), Benvenuto Cellini. Production de Therry Gilliam. Photo : (c) Opéra national de Paris

Benvenuto Cellini fait son retour à Bastille dans une mise en scène et une scénographie de Terry Gilliam créées à l’English National Opera de Londres en juin 2014. Sur le plateau, un gigantesque capharnaüm, qui nuit quelque peu à l’écoute de la musique tant les mouvements de scène sont bruyants et font perdre le fil de l’action, particulièrement dans le premier acte avec acrobates, contorsionnistes, jongleurs, défilés de toutes sortes. Il faut néanmoins convenir que ce fratras de cirque plait au public, tant les yeux sont sollicités par le flamboiement de la scénographie, au détriment de la musique, qui ne touche personne tans le regard prend le pas sur l’ouïe. Quant à ceux qui y prêtent attention, ils ne comprennent pas pourquoi, dans la fosse, Philippe Jordan, qui a choisi un mix des nombreuses versions de la partition de Berlioz, accepte que la part musicale, qu’il dirige pesamment et de façon atone, soit écrasée par les éclats de la scénographie. La distribution a quelques faiblesses, notablement Maurizio Muraro, Balducci à la voix éraillée, mais Pretty Yende, sa fille Teresa aimée de Cellini, séduit par sa vaillance, et Michèle Losier campe un Ascanio juvénile et ardent.

Hector Berlioz (1803-1869), Benvenuto Cellini. Production de Therry Gilliam. Photo : (c) Agathe Poupeney/Opéra national de Paris

Le spectacle repose pour l’essentiel sur les chœurs de l’Opéra de Paris et sur les épaules du ténor américain John Osborn. Avec son legato d’une longueur infinie s’appuyant sur une ample respiration, son phrasé d’une rare perfection, son timbre lumineux, son français irréprochable, sa connaissance du rôle, qu’il conçoit sur le mode du bel canto, Osborn rend justice à cet ouvrage mésestimé. « Il y a deux airs de bel canto absolu, note le ténor : La gloire était ma seule idole et Sur les monts les plus sauvages, ce dernier empreint de chant wagnérien. Il y a aussi de l’opéra-comique, comme Ma dague en main, protégé par la nuit. Il s’y trouve aussi l’opéra héroïque. Cette œuvre est d’une flexibilité typique à l’opéra français. »

Bruno Serrou

1) Jusqu’au 14 avril 2018. Rens. : 08 92 89 90 90. www.operadeparis.fr 

Article paru dans le quotidien La Croix daté jeudi 22 mars 2018

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