jeudi 25 septembre 2014

Tomáš Netopil fait passer un vent de Bohême enchanteur sur l’Orchestre de Paris

Paris, Salle Pleyel, mercredi 24 septembre 2014

Tomáš Netopil. Photo : DR

Semaine tchèque pour l’Orchestre de Paris, qui a invité le chef praguois Tomáš Netopil. Après l’avoir personnellement découvert dans une excellente Káťa Kabanová de Leoš Janáček à l’Opéra Garnier en 2011, je le retrouvais voilà deux ans presque jour pour jour à l’Opéra Bastille dans les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach (http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/09/reprise-convaincante-lopera-de-paris.html). Ayant manqué son concert avec l’Orchestre de Paris en 2012, je le retrouvais hier pour la première fois dans un programme symphonique, à la tête du même Orchestre de Paris. Je dois avouer immédiatement que je suis ressorti de Pleyel enthousiasmé par sa prestation.

Choeur et Orchestre de Paris (dirigé ici par Paavo Järvi). Photo : (c) Orchestre de Paris

Même si la première partie du concert suscite quelques réserves. C’est pourtant sur deux partitions rarement programmées en France que la soirée s’est ouverte. Deux œuvres finalement plus ou moins décevantes, le monolithique Te Deum op. 103 pour soprano, baryton, chœur mixte et orchestre d’Antonín Dvořák, œuvre de circonstance  écrite par le compositeur tchèque avant son arrivée à New York, où il sera créé le 12 octobre 1892, et le peu significatif Concerto pour deux pianos, cordes et percussion H.292 de Bohuslav Martinů, du moins sous les doigts des sœurs Labèque…

Bohuslav Martinů (1890-1959). Photo : DR

Si la part orchestrale du court Te Deum (dix-huit minutes) de Dvořák qui se présente comme une symphonie en quatre mouvements avec voix s’est avérée brillante, avec des tutti foisonnants et des soli - surtout des bois - de grande beauté, les chœurs sont apparus massifs et peu nuancés, tandis que les deux solistes, Aga Mikolaj et Kostas Smoriginas, ont imposé une prégnante musicalité. Auteur de cinq concertos pour piano parmi d’autres pages concertantes pour alto, hautbois, violon ou violoncelle, Bohuslav Martinů a également signé un double concerto pour claviers peu représentatif de sa créativité qu’il a composé en 1943 aux Etats-Unis à la demande de Pierre Luboschutz et Genia Nemenoff rencontrés alors qu’ils enseignent tous les trois dans le cadre de l’Académie de Tanglewood. 

Katia et Marielle Labèque. Photo : DR

L’exaltation de la toccata initiale et celle du finale a hélas suscité les excès du de Katia Labèque, dont les ressorts finiront sans doute par l’envoyer s’écraser un jour contre le plafond de l’une ou l’autre des salles de concerts où elle se produit. Katia ne contient toujours pas ses mimiques impossibles, se jetant sur le clavier, bondissant de son siège comme un cabri, tapant bruyamment la mesure de son talon-échasse accroché à son pied gauche, tandis que Marielle a la tête plongée dans le clavier cachée de ses longs cheveux noirs ondulés. Il ne sort de tout cela aucune musicalité, voire peu de sons, les doigts courant sur les claviers qui semble quasi muet, ne donnant aucune teneur à la partie pianistique de l’œuvre de Martinů, malgré la détermination du chef et la bonne volonté de l’orchestre. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé, applaudissant poliment à la fin, mais sans trop insister, au point que les deux sœurs se sont empressées de se lancer dans leur invariable bis, un incolore et court Prélude pour deux pianos de George Gershwin…

Antonín Dvořák (1841-1904). Photo : DR

En revanche, total syncrétisme de l’orchestre, du chef et de l’œuvre dans la Symphonie n° 8 en sol majeur op. 88 B 163 d’Antonín Dvořák qui a occupé seule la seconde partie du concert. Sous la direction souple et généreuse de Tomáš Netopil, corps empli de la musique de son compatriote, l’approche de l’Orchestre de Paris s’est avérée spontanée, souple, aérienne, emplie du bonheur et de la nostalgie propres à la musique tchèque en général et à Dvořák en particulier. Le geste large et volontaire, mais laissant la bride sur le cou des musiciens qui ont ainsi pu exprimer librement leur virtuosité et leur aptitude à chanter, le chef tchèque a fait sonner la pénultième symphonie de Dvořák avec un naturel infini, la diversité des climats s’exaltant avec une poésie constante apte à mettre somptueusement en relief l’émerveillement du compositeur devant la nature et l’humanité entière remarquablement campées par l’Orchestre de Paris en son entier, cordes (particulièrement altos et violoncelles), bois et cuivres, notamment les cors, jusqu’aux timbales.


Bruno Serrou

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