vendredi 30 novembre 2012

La Péniche Opéra a célébré ses 30 ans sur les Champs-Elysées



Paris, Espace Pierre Cardin, jeudi 29 novembre 2012


Photo : Bruno Serrou

Pour ses trente ans, le plus petit théâtre lyrique de France mais aussi l’un des plus actifs et inventifs, La Péniche- Opéra, célébrait ses trente ans d’existence en un lieu prestigieux, l’avenue des Champs-Elysées à Paris, dans un théâtre à la jauge trente fois plus grande que la sienne, l’Espace Pierre Cardin. Cette salle à dominante rouge à l'acoustique idoine sied particulièrement à l’esprit de cette compagnie, Mireille Larroche, sa directrice-fondatrice, ayant pris la mesure du lieu au point de sembler le faire sien, tant elle a su en imprégner l’atmosphère, et même si les effluves du mazout des navires était absente, les fidèles ont bel et bien eu le sentiment de s’en imprégner les narines. D’autant plus que cette soirée reprenait en première partie un spectacle donné sur la Péniche Opéra en janvier dernier, deux mois après en avoir donné la création Théâtre de Fontainebleau l’opéra-comique de Gaetano Donizetti (1797-1848), Rita ou le mari battu, dans la même distribution.


Photo : BS

Pourtant, cette année du trentenaire de la création de ce lieu magique a failli ne pas avoir lieu, faute de ressources suffisantes. Subventions publiques réduites de façon drastique, mécénat défaillant, jauges limitées ont  laissé craindre fin 2011 à la disparition de ce petit théâtre flottant, où se fait entendre, lorsqu’un bateau passe à proximité, la rumeur des cliquetis de l’eau résonant sur sa coque. Fondé en 1982 par Mireille Larroche, cet opéra-studio reste fidèle à son concept originel, réfléchir sur l’opéra, genre alors considéré désuet, et lui associer le théâtre musical. Depuis lors, La Péniche Opéra a présenté près de cent soixante productions de  plus d’une centaine de compositeurs pour cent vingt levers de rideaux par an, auxquels il convient d’ajouter accueils, cent cinquante « coups de cœur », les « Lundis de la contemporaine » (titre si évocateur qu’il a été repris par France Musique), cent actions culturelles, des résidences d’artistes, quantité de commandes d’œuvres nouvelles... Recevant six mille spectateurs par an auxquels il convient d'ajouter les trente à quarante mille personnes dans d’autres salles, ce théâtre sur quille qui exhale un léger arome de mazout se voue également à une réflexion sur la création, non seulement contemporaine mais aussi sur le répertoire et les œuvres oubliées ou jugées surannées. Dirigée par un collège d’artistes sous la houlette de Mireille Larroche, La Péniche Opéra est également en résidence à Fontainebleau et vingt-deux communes du sud de la Seine-et-Marne, et bientôt Théâtre Jean Vilar à Vitry-sur-Seine.


Photo : BS

Avant de retrouver la compagnie sur la scène de l’Espace Cardin en janvier dans une nouvelle production du conte Hänsel et Gretel d’Engelbert Humperdinck, ce théâtre a été le cadre jeudi des festivités de son trentenaire. Trois heures de spectacle ouvert sur la reprise de Rita ou le mari battu de Donizetti vu l’an dernier (voir le compte-rendu sur ce site http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/01/la-peniche-opera-ouvre-la-saison-de-son.html), dont les grandes qualités et les petits défauts sont toujours présents. S’y sont ajoutés un Trio du Grill extrait de Pomme d’Api de Jacques Offenbach par les trois protagonistes de l’opéra-bouffe (Amira Selim, Paul-Alexandre Dubois et Christophe Crapez), une inénarrable leçon du chant extraite du Maître de Chapelle de Ferdinando Päer enchaîné avec un ébouriffant duo italien venu de Bataclan d’Offenbach, deux pages chantées par le flamboyant Paul Alexandre Dubois, la sémillante Estelle Béréau accoutrée en serveuse, avant que l’Ensemble Clément Janequin s’immisce pour annoncer l’entracte et en vantant les friandises qui attendaient les spectateurs. 


Donizetti, Rita ou le mari battu : Amira Selim, Paul-Alexandre Dubois, Christophe Crapez. Photo : La Péniche opéra, DR

En seconde partie, dans le décor de bistrot de Rita, vingt-trois des artistes les plus fidèles se sont lancés dans un patchwork de spectacles mis en scène par Alain Patiès qui ont illustré l’histoire de la Péniche Opéra, enchâssant chansons de cabaret, chantées par Chantal Galiana et Edwige Bourdy, Brèves de Comptoir de Jean-Marie Gourio et Vincent Bouchot, membre de l’Ensemble Janequin, dont un rap fébrile consacré à la culture « qui sauve le monde » chanté par Robert Expert accompagné par la gambiste virtuose Nima Ben David, tandis que Béatrice Cramoix faisait crouler la salle entière de rire sous les efforts, grognements, exaspérations et étonnements précisément notés à force dessins par John Cage dans son extraordinaire Aria.

John Cage, la page 6 de la partition d'Aria

Les six membres de l’Ensemble Clément Janequin ont chanté la Chasse de Janequin imitant les aboiements des meutes de chiens chasse et, dans le Chant des Oyseaux, les ébouriffants cris et hululements colorés des volatiles. Accompagnés par Nima Ben David, Artavazd Sargsyan, excellent jongleur par ailleurs, a chanté un duo extrait du Maître de Chapelle de Cimarosa, Edwige Bourdy, Chantal Galiana et leurs compères enchaînant des morceaux de bravoure signés Hervé, Offenbach, et jusqu’à Claude François dont Vincent Bouchot a chanté de sa voix grave de stentor le tube Alexandrie Alexandra tandis que les instrumentistes les pianistes Claude Lavoix (piano), Vincent Leterme et, surtout, Caroline Dubost, omniprésente et omnisciente, mais aussi Annabelle Brey (violoncelle), Pablo Schatzman et Fanny Paccoud (violon), Bruno Helstroffer (théorbe) et Michel Godard (serpent), ainsi que Dominique Visse (guitare basse). Ce dernier, telle une (ba)rock star, a chanté depuis sa guitare basse un superbe lamento accompagné par serpent (Godard), violon (Peccoud) et théorbe (Helstroffer) amplifiés réunis sous le nom Electrocento. Il convient également de citer Vincent de Lavénère, Anabelle Brey… Quant à Christophe Crapez, il a joué le rôle de Monsieur Loyal de la soirée. Une soirée qui s’est terminé sur un gigantesque lancé de confettis tandis que les régisseurs amenaient sur le devant de la scène un énorme gâteau en forme de péniche dont les bougies ont été soufflées par Mireille Larroche et ses amis. Seul a manqué cette soirée-anniversaire l’un des pivots de la Péniche Opéra, le pianiste Jean-Claude Pennetier. 

Reste à souhaiter longue vie et un avenir florissant à La Péniche Opéra.

Bruno Serrou

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