Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Dimanche 12 novembre 2023
C’est tout à l’honneur de la
Philharmonie d’inviter un orchestre de jeunes musiciens venu d’Amérique du Sud,
dont les objectifs, l’esprit et la teneur des programmes sont comparables à ceux
de l’Orchestre Français des Jeunes, le Filarmonica Joven de Colombia
(Philharmonique des Jeunes de Colombie), dirigé par un maître de l’estrade, le
Colombien Andrès Orozco-Estrada.
A l’instar de l’Orchestre Français
des Jeunes, son aîné de vingt-huit ans créé sur une décision du ministère de la
Culture de l’époque, le Philharmonique de Colombie né en 2010 d’une initiative
privée, la Fondation Bolivar Davivienda, réunit des jeunes musiciens de seize à
vingt-quatre ans venant de toute la Colombie dûment sélectionnés par un jury
international et invite chefs et solistes parmi les plus fameux dans le monde,
se produisant sur ses terres, mais aussi sur le continent américain et dans des
tournées mondiales.
L’étape française de la tournée
2023 de cette phalange sud-américaine à but pédagogique l’a conduite à la
Philharmonie de Paris où la réception a été grandiose grâce à la présence d’un
public fort nombreux où les jeunes, enfants, adolescents et adultes, étaient
largement majoritaires. Comme toutes ces formations du genre, la structure du
programme associait création, œuvre concertante avec soliste de renom, et grande
page symphonique virtuose. L’œuvre contemporaine était comme de coutume servie
en hors d’œuvre. Une partition d’un compositeur colombien, un certain Wolfgang
Ordonez, qui, à trente-huit ans, se place directement dans la ligne d’Hollywood,
du moins dans la page d’orchestre proposée qui dans ses moments les plus inspirés
se situe directement dans la ligne de West
Side Story de Leonard Bernstein et de ses atours « latinos »,
instruments à percussion inclus.
Même impression folklorique avec la pièce de résistance occupant toute la seconde partie, Petrouchka d’Igor Stravinski dans sa version officiellement annoncée de 1947. Or, la proposition était toute autre. Après des appels disséminés dans la salle de bois et de cuivre, les musiciens se sont installés bruillamment et avec des gesticulations appuyées, jusqu’à l’arrivée de la première violoniste solo suivie du chef, qui a lancé un Petrouchka délié de toute retenue, tous les pupitres de l’orchestre ne se contentant pas de jouer de leurs instruments mais aussi de se mouvoir selon une gestique plus ou moins ralentie établie par un chorégraphe, Martin Buczka, et de s’accoutrer de masques et de grimaces aussi perturbants qu’inutiles, la partition seule suffisant largement à combler l’attention de l’auditeur, tant il s’y trouve de virtuosité, de joute polyphonique, de rythmes, d’expressivité. Ce qui demande déjà aux musiciens une concentration de chaque instant, et il faut de ce fait féliciter les jeunes instrumentistes colombiens qui, sous la direction de leur chef, sont parvenus à donner le meilleur d’eux-mêmes, attestant ainsi une véritable joie de vivre et de jouer ensemble, et qui, malgré cette perturbation satellite sans réelle nécessité qui n’a fait qu’ajouter aux difficultés propres à cette œuvre flamboyante.
Le moment le plus attendu du concert et en fait le plus passionnant, attestant de la qualité d’écoute des jeunes colombiens, le Concerto pour violon et orchestre n° 2 en mi mineur op. 64 de Felix Mendelssohn-Bartholdy, avec en soliste une Hilary Hahn au sommet de son art. Véritable moment de communion, de grâce, de luminosité solaire, de délectation, de chant effervescent, ce concerto a permis de goûter la proximité de ce jeune orchestre et de la star du violon qui ne cesse d’éblouir par sa musicalité naturelle, la limpidité de son jeu, sa technique éblouissante, la magie de ses sonorités, la souplesse de son archet, tout son être suscitant avec dextérité un bonheur simple et étincelant partagé avec grâce avec l’orchestre entier, Andrès Orozco-Estrada réussissant à alléger les textures d’un quintette à cordes surchargés en graves, avec des pupitres d’altos, de violoncelle et de contrebasse à l’effectif brucknérien… En bis, Hilary Hahn a puisé dans l’œuvre de Jean-Sébastien Bach, en offrant la Gigue de la Partita n° 3 pour violon seul en mi majeur BWV 1006 et le Largo de la Sonate n° 3 pour violon seul en ut majeur BWV 1005.
Bruno Serrou
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