samedi 8 octobre 2022

De somptueux Messiaen et Debussy par l’Orchestre Philharmonique de Radio France et Mikko Franck à la Philharmonie de Paris

Paris. Philharmonie. Salle Boulez. Vendredi 7 octobre 2022

Mikko Franck et l'Orchestre Philharmonique de Radio France à la Philharmonie de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

De temps à autres, l’Orchestre Philarmonique de Radio France quitte sa salle du Quai Kennedy pour se produire à la Philharmonie de Paris dont la jauge est plus conséquente que celle de l’Auditorium de Radio France. Ainsi, vendredi 7 octobre, avec la présence d’Evgeny Kissin, l’OPRF a fait salle comble sous la conduite de son directeur musical Mikko Franck dans un programme plus grand public, à l’exception de l’œuvre de Messiaen, bien trop négligée par les orchestres.

Evgeny Kissin, Mikko Franck et l'Orchestre Philharmonique de Radio France à la Philharmonie de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

Mais au lieu du Concerto n° 3 de Serge Rachmaninov initialement prévu, c’est le Concerto n° 23 en la majeur KV. 488 de Mozart qu’Evgeny Kissin a proposé, changement de programme dû à un accident domestique du pianiste russe, une chute dans un escalier le blessant au bras. Il apparaît donc délicat de juger la prestation de cet immense artiste, qui de plus se comporte admirablement face au conflit russo-ukrainien, ne craignant pas de clamer haut et fort ce qu’il pense de Vladimir Poutine et de ses sbires. Néanmoins, si le toucher délié, l’ampleur de ses sonorités qui font la particularité de son jeu ont suscité l’admiration, il convient de noter que Kissin n’est pas vraiment entré dans l’œuvre qu’il avait choisie, son interprétation restant distante et froide, particulièrement dans le mouvement central, l’un de ces fameux adagios que seul Mozart fait chanter comme s’il s’agissait d’une aria d’opéra. Il faut aussi relever une distribution des cordes trop volumineuse, avec un dispositif 12-10-8-6-4 désormais trop fourni par rapport aux habitudes d’écoute. 

Evgeny Kissin et l'Orchestre Philharmonique de Radio France à la Philharmonie de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

Ces réserves formulées, le public a applaudi avec ferveur la prestation du pianiste, qui s’est rapidement lancé après l’avoir annoncé de sa voix grave inarticulée dans une Marche turque extraite de la Sonate n° 11 pour piano de Mozart sonore et rapidement enlevée puis, après une nouvelle ovation insistante, dans la Valse n° 14 en mi mineur op. posth. de Chopin dans un style plus adapté.

Mikko Franck. Photo : DR

Cent pour cent française, la seconde partie du concert a été un véritable feu d’artifice sonore, Mikko Franck se montrant de plus en plus à l’aise avec ce répertoire. Les Offrandes oubliées qu’Olivier Messiaen - pour qui Mozart était le compositeur par excellence - composa en 1931 trop rarement programmées, l’OPRF et Franck en offrant une interprétation d’une exaltante puis touchante intériorité, dramatique puis onirique, brillant dans tous ses éclats dans la première partie avec l’orchestre de quatre vingt sept musiciens au complet, et la longue et vibrante réflexion spirituelle de la seconde partie avec la totalité des pupitres des premiers violons, le trio de seconds violons et le quatuor d’altos.

Cette page à la teneur mystique de Messiaen préludait au sommet du concert, une fabuleuse exécution de La Mer de Debussy. Le « Philharmonique » a donné du sommet de la création symphonique de Debussy une lecture au cordeau, d’une expressivité et d’une poésie hallucinante. Le chef finlandais a dirigé une Mer pleine de houle et d’embruns déchaînés par un souffle puissamment inspiré, un sens des contrastes saisissant, motivant l’orchestre jusque dans ses retranchements les plus ahurissants, tous les pupitres s’en donnant à cœur joie, comme formé par quatre vingt onze solistes, chacun s’investissant avec un plaisir commun pour se fondre en un tout formidablement homogène. Une Mer comme celle-ci est à graver dans la mémoire de tous les acteurs de la soirée, musiciens et public confondus, une soirée à marquer d’une pierre blanche… en espérant que les auditeurs de France Musique, qui retransmettra ce concert le 27 octobre, pourront ressentir le même plaisir, immense comme l'Océan.

Bruno Serrou 


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