jeudi 6 octobre 2016

Samson et Dalila de Saint-Saëns revient à l’Opéra de Paris après un quart de siècle, avec une stupéfiante Anita Rachvelishvili

Paris. Opéra de Paris Bastille. Mardi 4 octobre 2016.

Camille Saint-Saëns (1835-1921), Samson et Dalila. Aleksandrs Antonenko (Samson),  Anita Rachvelishvili (Dalila). Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris

Après le Palais Garnier voilà deux semaines avec la création française d’un ouvrage remontant à plus de trois siècles, Eliogabalo de Francesco Cavalli, l’Opéra de Paris a ouvert mardi la saison de Bastille avec une œuvre fort courue mais négligée depuis un quart de siècle, Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns.

Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris

C’est en effet en 1991 que Samson et Dalila, créé à Weimar en 1877, l’incontestable chef-d’œuvre lyrique de Camille Saint-Saëns (1835-1921), investissait Bastille pour la première et dernière fois dans une mise en scène tendance péplum de l’Italien Pier Luigi Pizzi. Pour le grand retour de cet ouvrage qui compte parmi les plus donnés à l’Opéra de Paris avec près d’un millier de représentations depuis sa première à Garnier 1892, c’est dans une toute autre tradition que se place un autre italien, le metteur en scène vénitien Damiano Michieletto, celle de l’actualisation systématique. Ce qui lui avait réussi dans un pétillant Barbier de Séville vu à Bastille voilà deux ans. Mais cette conception est beaucoup moins évidente avec cet opéra biblique… 

Camille Saint-Saëns (1835-1921), Samson et Dalila. Aleksandrs Antonenko (Samson). Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris

La scénographie de béton de Paolo Fantin aux mobilier style Ikea, avec kalachnikovs de rigueur, bacchanale night-club, costumes-cravates, chemises de nuit et petites culottes dessinés par Carla Teti, le tout est amorti depuis belle lurette dans tous les théâtres lyriques d’Europe, y compris à l’Opéra de Paris dont les neuf-dixième des productions qui y sont présentées puisent dans la même actualité. En outre, le ressort de l’action n’est plus partagé entre les deux rôles titres, mais est presque exclusivement guidé par Dalila, Samson paraissant résolu à son propre destin, et tandis que Saint-Saëns évoque clairement à l’orchestre au début du troisième acte la roue de la meule à laquelle est censé être attaché Samson, celui-ci reste assis appuyé contre un grillage pleurant sur son sort et celui du peuple d’Israël.

Camille Saint-Saëns (1835-1921), Samson et Dalila. Anita Rachvelishvili (Dalila, en haut au centre). Photo : (c) Vincent Pontet - Opéra national de Paris

La distribution est en revanche irréprochable. A commencer par le chœur de l’Opéra de Paris, protagoniste principal de Samson et Dalila. Après un premier acte sans consistance réelle, le ténor letton Aleksandrs Antonenko se libère dans les deux derniers actes, campant un Samson de tragédie, puissant mais vaincu tel un colosse aux pieds d’argile. Une fois délivrée, la voix se fait ample, d’un métal pur, avec des éclats et une expression qui ne sont pas sans évoquer ceux d’un Jon Vickers, sans pour autant l’égaler dans le nuancier et dans les intonations. La soprano géorgienne Anita Rachvelishvili incarne une saisissante Dalila. Son mezzo luxuriant, sa diction impeccable lui autorisent des inflexions particulièrement raffinées et colorées, des modulations tour à tour délicates et puissantes, une souplesse infinie magnifiée par un souffle d’une ampleur stupéfiante. Face à eux, Egils Silins est un Grand Prêtre de Dagon sombre et venimeux, Nicolas Testé (Abimélech) et Nicolas Cavallier (un Vieillard hébreux) sont irréprochables. Dans la fosse, Philippe Jordan déploie des modulations et une expressivité rares, servant cette partition avec un tact et une conviction qu’il communique à un orchestre aux sonorités déliées et onctueuses.

Bruno Serrou


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire