Paris, Théâtre des Champs-Elysées, mardi 23 juin 2015
Gaetano Donizetti (1797-1848), Maria Stuarda. Francesco Demuro (Roberto Dudley), Carmen Giannattasio (Elizabeth), Aleksandra Kurzak (Marie Stuart). Photo : (c) Vincent Pontet
Cinquantième des soixante-cinq
opéras de Gaetano Donizetti (1797-1848), deuxième volet de la trilogie dite des
« reines anglaises », placé entre Anna
Bolena (1830) et Roberto Devereux
(1837), Maria Stuarda (1835), même s’il
n’est pas le plus inspiré, est l’un des plus représentatifs de l’art du bel
canto du compositeur italien. Ses deux grands moments se situent au second
tableau du premier acte, dans la confrontation entre les deux reines, l’Anglaise
anglicane Elisabeth d’Angleterre et l’Ecossaise catholique Marie Stuart, et, dans
le tableau final, celui des derniers instants de l’héroïne alors qu’elle
s’apprête à mourir la tête tranchée par la hache d’un bourreau à la suite d’un
funeste décret vengeur signé par Elisabeth Tudor.
Gaetano Donizetti (1797-1848), Maria Stuarda. Carmen Giannattasio (Elizabeth), Carlo Colombara (Talbot). Photo : (c) Vincent Pontet
Adaptée du drame Maria Stuart (1800) de Friedrich von
Schiller (1759-1805) par un certain Giuseppe Bardari alors âgé de 17 ans, l’action
de l’opéra de Donizetti qui se déroule en 1587 est plus défavorable à Elizabeth
Ière que l’original, la pièce se terminant sur les remords de la
reine Tudor tandis que l’opéra se termine sur le pardon de la reine d’Ecosse
pour sa meurtrière. Composé pour l’Opéra de Naples, où il devait être créé à l’automne
1834, l’ouvrage s’attira les foudres de la censure napolitaine, qui, inquiète
des révolutions qui agitaient alors l’Europe, prit ombrage du tableau où Marie
Stuart traite Elisabeth Ière de bâtarde, tandis qu’à la fin de l’opéra
est exécutée la reine d’Ecosse, ancêtre de la reine de Naples, Maria-Cristina,
épouse du roi Ferdinando de Savoie. En outre, la générale fut le cadre d’un
pugilat entre les deux prime donne, qui
en vinrent aux mains dans la scène de confrontation entre les deux reines, l’une
d’elles devant être évacuée après s’être évanouie. Il sera finalement donné en
octobre 1834 sous le titre Buondelmonte.
Donizetti doit attendre le 30 décembre 1835 pour voir son opéra présenté sur la
scène de la Scala de Milan sous son titre original, avec la fameuse Maria
Malibran dans le rôle-titre. L’accueil est pourtant mitigé, en raison notamment
de défaillances de la diva le soir de la première, tandis que la censure
intervient une fois encore pour interdire l’opéra après la sixième
représentation.
Gaetano Donizetti (1797-1848), Maria Stuarda. Carmen Giannattasio (Elizabeth), Francesco Demuro (Roberto Dudley), Aleksandra Kurzak (Marie Stuart), Carlo Colombara (Talbot). Photo : (c) Vincent Pontet
Pour cet opéra assez rare sur les
scènes lyriques françaises, le Théâtre des Champs-Elysées s’est associé au
Royal Opera House Covent Garden de Londres, au Gran Teatre del Liceu de Barcelone
et à l’Opéra National de Pologne pour une production nouvelle confiée au binôme
franco-belge Moshe Leiser / Patrice Caurier, qui, convenons-en sans attendre, nous
avait habitués à beaucoup mieux… Peut-être eux-mêmes conscients de leur
défaillance, ils ont préféré s’abstenir de leur présence à Paris, confiant l’adaptation
de leur travail à la scène parisienne à l’un de leurs collaborateurs, le Marseillais
Gilles Rico. Commençant en flash-back par la scène de la décolation par un bourreau pourvu d'une hache, mélangeant costumes contemporains (hommes, choristes) et robes
Renaissance (reines, confidentes), dans un décor à peine digne du mobilier Ikea (la prison),
tandis que la direction d’acteur est réduite aux acquêts. Malgré le relâchement
de cette mise en scène, mais avivée par la conviction et l’ardeur du chef
italien Daniele Callegari, la distribution donne à l’ouvrage de Donizetti toute
son authenticité musicale et psychologique.
Gaetano Donizetti (1797-1848), Maria Stuarda. Aleksandra Kurzak (Marie Stuart). Photo : (c) Vincent Pontet
Après un premier acte sans
conviction, Aleksandra Kurzak entre peu à peu dans son personnage pour camper
finalement une Marie Stuart touchante à la voix toute en nuances, souple et
polychrome, ce qui lui permet d’offrir un acte final bouleversant. Soprano
solide et ample, Carmen Giannattasio brosse une Elizabeth ferme et déterminée,
tout en laissant transparaître sa fragilité intérieure. Autour de deux héroïnes,
Francesco Demuro est un Robert Dudley bien chantant, Carlo Colombara un honorable
Talbot, tandis que Christian Helmer s’impose en Cecil et Sophie Pondjiclis
brille en Anna Kennedy.
Bruno Serrou
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