mercredi 16 juillet 2014

"Zingari" de Leoncavallo, un opéra méconnu à l’ombre de "Paillasse" au Festival de Radio France et Montpellier

Montpellier, Festival de Radio France et de Montpellier Languedoc-Roussillon, Opéra Berlioz Le Corum, mardi 15 juillet 2014

Le Corum de Montpellier. Photo : (c) Luc Jennepin

Le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon est depuis 1985 le lieu privilégié pour la découverte de répertoires méconnus dans les meilleures conditions artistiques et à des prix de places défiant toute concurrence, grand nombre de concerts étant gratuits. Mission pérenne depuis vingt-neuf ans puisque la manifestation attire un public toujours plus nombreux et connaisseur. La trentième édition du festival conforte encore sa position de rendez-vous obligé pour la résurrection d’œuvres ignorées nées dans un passé plus ou moins lointain. Mais le festival a perdu son âme depuis le départ fin 2011 de René Koering, son fondateur. Depuis le départ surprise de ce dernier, la programmation assurée par Jean-Michel Le Pavec est beaucoup moins téméraire, et cela aurait pu être pire s’il n’y avait eu à ses côtés le compositeur montpelliérain Pierre Charvet pour la relever. Mais le premier assure son ultime mission à Radio France et le second intègre la direction de France Musique. Tous deux devraient être remplacés par Jean-Pierre Rousseau, nouveau directeur de la Musique de Radio France. A moins que les partenaires, qu’une convention lie jusqu’en 2016, tirent profit de ce passage pour mettre un terme à ce festival qui attire pourtant un large public, 130.000 l’an dernier, Radio France pouvant ainsi redéployer ses moyens dans les autres festivals ou pour faire tourner le sien chaque année dans les métropoles de France…

Photo : (c) Bruno Serrou

Tout en poursuivant sa thématique abordée lors de la précédente édition consacrée à « Musique et politique », cette fois autour de la guerre et de la paix centenaire du début de la Première Guerre mondiale oblige, le Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon n’en présente pas moins des ouvrages qui n’ont que de fort lointains rapports avec ladite thématique. Ainsi, Zingari que Ruggero Leoncavallo (1857-1919) composa donna en création deux ans avant les hostilités de 1914-1918. Le compositeur italien est universellement connu pour son seul opéra Paillasse (1892), considéré comme le manifeste du vérisme italien. Leoncavallo a pourtant écrit une Bohème d’un grand intérêt hélas terni par le chef-d’œuvre que Puccini tira du même sujet. L’opéra en deux actes Zingari (les Tziganes), huitième de ses dix opéras, a été créé au Théâtre de l’Hippodrome de Londres le 16 septembre 1912. Le livret d’Enrico Cavacchioli et Guglielmo Emanuel se fonde sur le poème en prose éponyme d’Alexandre Pouchkine. Malgré les méandres du livret, cet ouvrage en un acte d’une heure a connu un vif succès dans les pays anglo-saxons des deux côtés de l’Atlantique, au point d’être presque aussi joué que Paillasse. Mais la critique italienne a eu la dent dure avec cet ouvrage qu’elle qualifia de « doublon inutile de Paillasse ».

Ruggero Leoncavallo (1857-1919). Photo : DR

Les Zingari chaudronniers du Danube content l’histoire du prince Radu (ténor) qui renonce à son fief pour devenir tzigane et épouser l’envoûtante Fleana (soprano). D’abord insensible au chant du poète bohémien Tamar (baryton), cette dernière s’avère soudain plus intéressée. Le prince en conçoit une douleur telle qu’il met le feu à la roulotte dans laquelle il a claquemuré les amants. Ecrit gros, les voix luttant quasi continuellement avec un orchestre tonitruant, nombre de moments sont bel et bien la marque de l’auteur de Paillasse, et les passages couleur locale sonnent plus oriental que tzigane. Malgré le renfort de tambourins, Leoncavallo ne parvient pas à rehausser la polychromie de son orchestration et à agrémenter ses élans lyriques, mais le puissant intermezzo qui réunit les deux tableaux sonne plus authentique. Leoncavallo pousse le scrupule du réalisme en utilisant le controviolino, mixte de violon et de violoncelle qui met particulièrement en relief la sérénade de Tamar. Plus encore que le style typique de Leoncavallo, l’on relève à l’audition toutes les recettes du vérisme, notamment le final qui intervient sur un fortissimo reprenant le matériau thématique du grand air de Radu...

Montpellier, la Comédie. Photo : Bruno Serrou

Bien servi par l’Orchestre Symphonique de Barcelone et National de Catalogne et par le chœur Orfeón Donostiarra dirigés tout en force par Michele Mariotti, qui ne donne vraiment pas dans la dentelle, Zingari a été desservi par une distribution univoque comprenant la soprano sans nuances Leah Crocetto, le ténor criard Danilo Formaggia, à qui l’on doit néanmoins le sauvetage de la soirée en remplaçant au pied levé Stefano Secco effrayé par les difficultés du rôle. Seuls les barytons Fabio Capitanucci et Sergey Artamonov se sont avérés à la hauteur de leur tâche.

En prologue de Zingari de Leoncavallo, l’Orchestre Symphonique de Barcelone et National de Catalogne et Michele Mariotti ont présenté une œuvre de l’ami français du compositeur italien, la cinquième suite d’orchestre des Scènes napolitaines de Jules Massenet, qui n’hésite pas ici à s’adonner au style pompier, atteignant une vulgarité consternante. A oublier toute affaire cessante.

Bruno Serrou


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