Orange, Théâtre antique, samedi 28 juillet 2012
Le soir de la première des deux représentations de Turandot à Orange, samedi 28 juillet, le ténor français Roberto
Alagna a manqué son rendez-vous avec Calaf pour sa prise de rôle, ses cordes
vocales fragilisées par une mycose l’ayant empêché de laisser se déployer la
voix dans les méandres de l’écriture de Puccini, malgré la délicatesse de la
direction de Michel Plasson. Pour la nouvelle production de Turandot, ultime opéra de Giacomo Puccini
achevé par Franco Alfano vu pour la dernière fois à Orange en 1997 déjà sous la
direction de Michal Plasson qui dirigeait alors son Orchestre National du
Capitole de Toulouse, le mur du Théâtre antique s’est orientalisé. César
Auguste a en effet été dissimulé sous un gigantesque tam-tam qui l’a contraint
de s’effacer devant son vieux confrère chinois Altoum, tandis que la pierre
romaine était masquée par un mur de carton-pâte simulant sur trois niveaux le
palais impérial de la Cité interdite pékinoise.
Du fait de ce décor voulu par le metteur en scène Charles Roubaud, déjà signataire
de la production de 1997, et réalisé par Dominique Lebourges sur lequel ont été
projetées des vidéos sans grand intérêt (du moins depuis l’endroit où les journalistes
étaient assis) de Marie-Jeanne Gauthé, l’acoustique idéale du lieu s’est avérée
anormalement sèche, n’autorisant pas le moindre écart de justesse ni le plus
petit décalage. Ce qui n’a pas empêché l’Orchestre National de France de se
montrer à son meilleur, comme galvanisé par la direction jaillissante, nerveuse,
d’un lyrisme ardent de Michel Plasson, qui, en connaisseur inspiré de l’œuvre, a
ménagé de somptueux moments de poésie alternant avec une puissance singulière fusant
comme des flèches. Esthétiquement réussie, le décor s’amalgamant à la pierre du
théâtre dont il élague les reliefs au risque d’étouffer l’acoustique, la scénographie
amoindrit les infinies richesses de la partition par la dureté sonore qu’elle
suscite.
Ayant attiré la foule des grands soirs, Roberto Alagna aurait dû être le
héros de la soirée. Malheureusement, le soir de la première, une mycose en a
décidé autrement, obligeant le ténor français à se limiter au marquage des nombreux
passages placés dans l’aigu de sa tessiture, ce qui l’a empêché d’investir son
personnage. Malgré l’avertissement en voix off du directeur du festival, Raymond
Duffaut, l’informant à la reprise après l’entracte de la défaillance de Roberto
Alagna, prégnante depuis sa première intervention, une partie du public n’a pu réfréner
des cris de déception. Il faut dire que c’est surtout dans cette deuxième
partie, ouverte sur un « Nessun
dorma » décevant, que cette méforme s’est faite évidente. Afin d’étouffer
les huées, en professionnel endurci particulièrement attentif aux chanteurs,
Plasson, depuis le plateau ou il était monté pour les saluts, a fait reprendre le
chœur final de l’opéra, au grand plaisir des aficionados.
Réunie autour d’Alagna, la distribution était d’un excellent niveau, particulièrement
du côté des femmes. Maria Luigia Borsi a campé une Liù ardente et lumineuse, et
Lise Lindstrom une Turandot solide mais princesse aux pieds d’argile. Le trio de
ministres Ping, Pang, Pong (Marc Barrard, Jean-François Borras, Florian Laconi)
a suscité la jubilation par son humour primesautier et le parfait alliage des
voix. Chris Merritt n’a pas démérité en empereur trônant haut perché depuis le
troisième étage de son palais, tandis que Marco Spotti a incarné un noble Timur.
Les chœurs venus de six horizons différents ont réussi la gageure de former à
la fois un peuple hétérogène et une multitude indivisible. Mais le véritable souverain
de la soirée restera l’Orchestre National de France…
Bruno Serrou
Bicentenaires obligent, les Chorégies d'Orange 2013 proposeront du 11 juillet au 6 août un opéra de Richard Wagner (le Vaisseau fantôme - 12 & 16/07) et un opéra de Giuseppe Verdi (Un bal masqué - 3 & 6/08). Dans l'intervalle, sont programmés des récitals Lang-Lang, François-Frédéric Guy, Antonacci/Alagna et Cioffi/Nucci.
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