Cité de la Musique, jeudi 22 mars 2012
George Benjamin et Pierre Boulez. Photo : Ensemble Intercontemporain, DR
Concert enthousiasmant de l’Ensemble Intercontemporain dans le cadre d’une tournée qui faisait étape hier jeudi Cité de la Musique en présence de Pierre Boulez, qui aurait dû diriger, mais des problèmes de santé survenus alors qu’il se trouvait à Chicago en ont décidé autrement. Si bien que le compositeur fondateur de l’ensemble a cédé sa place à son confrère britannique George Benjamin, de trente cinq ans son cadet. Compositeur parmi les plus doués et ouverts de sa génération à qui Olivier Messiaen, qui le considérait comme le plus brillant de ses élèves allant jusqu'à le comparer au seul Mozart, prédisait le plus grand avenir, chef d’orchestre inspiré et pédagogue fort couru, George Benjamin semble avoir séduit les musiciens de l’Ensemble Intercontemporain qui se sont montré à leur meilleur, comme s’ils étaient dirigés par leur figure tutélaire en personne.
Le programme, conçu par Pierre Boulez,
était comme de coutume supérieurement pensé. Ouvert sur une œuvre de Franco
Donatoni, Tema, commande de l’Intercontemporain
dédiée à Zoltan Pesko en 1981, d’essence ludique mais étonnamment chantante et
chatoyante, avec ses sonorités lumineuses et sensuelles, le concert s’est
poursuivi sur une courte pièce de Johannes Boris Borowski, Second, pour flûte, trois percussionnistes, piano, harpe, violon et
alto, dédiée à Pierre Boulez. Plutôt dense et directement séduisante quoique de
structure complexe, cette œuvre de six minutes composée en 2008 n’a été créée
que trois jours avant le concert d’hier, à Freiburg-am-Brisgau, par l’Ensemble
Intercontemporain et George Benjamin. S’est ensuivie une remarquable
interprétation de Éclat/Multiples (1965-1970),
œuvre de trente-cinq minutes pour vingt-cinq musiciens (parmi eux, Michel
Cerutti, parti à la retraite en janvier et qui assurait la partie de cymbalum) d’une
puissance, d’une richesse de timbres limpides et cristallins qui scintillent d’une
lumière d’une extraordinaire pyrotechnie dont seul Boulez a le secret, et qui,
dirigée avec souplesse et rigueur par Benjamin, a atteint la dimension d’un véritable
classique. En seconde partie, la Suite
op. 29 d’Arnold Schönberg pour violon, alto, violoncelle et trois clarinettistes
(clarinettes en mi bémol, en si bémol/en la, clarinette basse) qui appartient
désormais de plein droit au grand répertoire et qui, avec Benjamin, acquiert tous
ses atours de valse et autres ländler, particulièrement dans le troisième
mouvement, Thème et variations, où de
nombreux passages ont invité à la danse, plus encore que le deuxième, pourtant
intitulé Pas de danse. Ainsi, les trente-trois
minutes requises pour l’exécution sont passées à la vitesse de la lumière. Un
léger regret néanmoins, le violoncelle cintré de Pierre Strauch a curieusement
un son serré manquant de puissance, du moins d’où j’étais placé, ce qui
déséquilibre l’assise harmonique de l’œuvre de Schönberg.
Pierre Boulez, qui assistait hier
au concert, devrait réapparaître au pupitre de chef à Paris en juin prochain, Pyramide du Louvre, à la
tête de l’Orchestre de Paris, dans un programme monographique consacré à
Maurice Ravel (deux des Miroirs et le ballet intégral Daphnis et Chloé), fidèle
à sa propre mission de pédagogue qui consiste notamment à permettre au plus grand
nombre d’accéder à la musique la plus sublime. Quant à George Benjamin, nous le
retrouverons au Festival d’Aix-en-Provence pour la création mondiale de son
second opéra, Written on skin sur un texte de Martin Krimp mis en scène
de Katie Mitchell, à la tête du Mahler Chamber Orchestra. Production qui sera
reprise par le Nederlandse Opera Amsterdam, le Royal Opera House
Covent Garden de Londres, le Théâtre du Capitole de Toulouse et le Teatro del
Maggio Musicale Fiorentino, mais qu’aucun théâtre parisien n’a programmé…
Bruno Serrou
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