lundi 19 décembre 2011

Le Comte Ory de Rossini sauvé par les femmes





Genève, Grand-Théâtre, dimanche 18 décembre 2011

Pour les fêtes de cette fin d’année 2011, trente et un ans après celle qu’il avait confiée à Robert Dhéry, le Grand-Théâtre de Genève propose une nouvelle production du pénultième opéra de Gioacchino Rossini, le Comte Ory. Cet opéra bouffe est en fait, pour l’essentiel, la réadaptation de Il viaggio a Reims ossia L'albergo del giglio d'oro (Le Voyage à Reims ou l'Hôtel du Lys d'or
) sur un livret de Luigi Balocchi créé à Paris le 19 juin 1825 Théâtre des Italiens à l’occasion du sacre de Charles X.
Composé en 1828 pour l'Académie royale de Musique de Paris, salle Le Peletier où il a été créé le 20 août de la même année, le Comte Ory est le premier ouvrage scénique du « Cygne de Pesaro » directement écrit en français. Ce qu'il est d'ailleurs possible de regretter, tant le texte d’Eugène Scribe et Charles Delestre-Pirson est fastidieux et graveleux. Pourtant, sur un ton léger et hardi, Rossini emporte résolument son auditoire au cœur du moyen-âge dans le sillage des frasques d’un comte libertin, qui, au  cours de deux actes agrégeant farce et lyrisme, tente  en vain d'abuser une vertueuse comtesse dont le mari est aux croisades. Peu présent à la scène, cet opéra comique a cette saison  le vent en poupe avec deux nouvelles productions, puisqu’après celle de Genève une autre sera proposée par l’Opéra de Marseille en mars prochain. Le Comte Ory genevois désappointe à plus d’un titre. Pourtant, les premières minutes du spectacle augurent plutôt bien de la suite, malgré une durée excessive qui dénature l’ouverture pourtant aussi bien troussée que les autres pages du genre chez Rossini. Dirigé avec apathie par Paolo Arrivabeni à la tête d’un Orchestre de la Suisse romande étrangement blafard, dans une mise en scène de Giancarlo Del Monaco qui s'obstine à la vulgarité - voire l’obscénité avec la mime exhibitionniste travestie qui, au second acte, face au public, ne cesse d’ouvrir sa gabardine sur un faux corps d’homme nu chaque fois qu’une damoiselle fait son apparition -, et qui n’évite pas le cliché, comme ces chevaliers délurés, obsédés sexuels et saouls déguisés en nonnes, entre autres), sans réelle direction d’acteur, le spectacle aurait pu être transcendé par la scénographie d’Ezio Toffolutti. Les idées de l'artiste vénitien sont en effet originales, surtout au début, avec ce grand livre d’imageries médiévales en relief qui, introduit par ledit mime travesti qui s’avère vite envahissant, érige, le temps de l’ouverture, un château fort et un paysage champêtre. Ce décor est malheureusement mal mis en lumières, et les costumes sont moins contrastés et diversifiés que ceux que le même Toffolini avait conçus pour l’Etoile d'Emmanuel Chabrier mis en scène en décembre 2009 par Jérôme Savary en ce même Grand-Théâtre de Genève, mais réussit à évoquer un moyen-âge de pacotille. La distribution est menée par les femmes, en premier lieu par la séduisante et douce comtesse de la soprano espagnole Silvia Vázquez et par le brûlant page Isolier de  la mezzo-soprano italienne Monica Bacelli, dans un rôle qui se situe entre le Chérubin des Noces de Figaro et l’Octave du Chevalier à la rose. Côté distribution masculine, seul le Rimbaud du baryton québécois Jean-François Lapointe est convainquant, avec sa voix solide, bien timbrée, et sa volubilté. Malade, le ténor new-yorkais Antonis Koroneos s’asphyxie rapidement dans le registre aigu de ce rôle difficile qu'est celui d'Ory, mais il aura sauvé la première de ce spectacle.
Bruno Serrou

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