mardi 13 décembre 2011

Festival d'Automne, quand John Cage se rit des snobs

Théâtre de la Ville, lundi 12 décembre 2011
Le concert John Cage (1912-1992) du Festival d'Automne à Paris donné lundi au Théâtre de la Ville aura attiré un vaste public constitué pour l'essentiel de snobs, qui se seront ennuyé ferme, au point  qu'une multitude de tubards s'est distinguée bruyamment et à contretemps d'une musique rare, pointilliste. Cantonné entre les nuances p et ppp, Cage se joue de cette engeance trop courante dans ce festival  pourtant passionnant de son grand rire farceur, signant une musique qui aurait dû inciter ces gens-là à consommer avant de se rendre place du Châtelet une palanquée de champignons hallucinogènes. Il faut dire que Cage-l'Espiègle s'est particulièrement moqué de ce type de spectateurs dans la pièce pour shô (orgue à bouche japonais) One, n° 8 (1991) jouée avec le plus grand sérieux par Matumi Miyata, créatrice en 1992 de Two pour shô et percussion du compositeur new-yorkais né en Californie, et Freeman Etudes (du nom de la mécène et amie de John Cage, Betty Freeman) n° 2 et 3 (1977), excessivement dépouillées, et 16 (1980) et 27 (1990), plus consistantes (mais toutes de deux pages chacune, pour éviter la "tourne") par la remarquable violoniste bavaroise Carolin Widman. Mais le moment le plus remarquable quoique un peu long et répétitif, les Hymns and Variations pour douze voix amplifiées sur deux hymnes du premier compositeur étasunien de musique chorale, William Billings (1746-1800), Old North et Heath. Cage varie dix fois ces hymnes, opérant par soustractions et réduisant les mots aux seules voyelles. Ces pages délicates et particulièrement attachantes ne sont pas sans évoquer Carlo Gesualdo, bien que Cage y suspende les tensions harmoniques. Ces pièces de deux pages chacune ont été brillamment interprétées par l'Ensemble Vocal Exaudi, dont les deux ténors avaient introduit en écho la soirée avec Ear for EAR (Antiphonies), œuvre succincte de 1983 au nuancier si confidentiel que même les auditeurs les plus attentifs ont eu du mal à distinguer les voix au milieu des quintes... de toux et des raclements de gorge des tonitruants poitrinaires qui n'avaient que faire de la musique, des artistes et de leurs voisins. Il en a été de même durant l'exécution des Four Solos (1988) pour soprano, mezzo-soprano, ténor et basse, et de Four (1990) pour quatre voix, deux œuvres intercalées entre les deux pages pour violon. 
Bruno Serrou

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