Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Jeudi 20 juin 2024
Toute cité choisie par les Jeux Olympiques s'intéressant peu ou prou à la culture autre que celle du divertissement, se doit de les célébrer en programmant des œuvres classiques autour de cet événement sportif planétaire quatriennal. Pour son retour à Paris après un siècle d’absence, le Théâtre des Champs-Elysées a porté son dévolu en prologue un opéra de Vivaldi, universellement célébré pour ses Quatre Saisons, en choisissant parmi ses quarante-sept opéras répertoriés entre 1713 (Ottone in villa) et 1735 (Bejazet (Il Tamerlano)), l’Olimpiade RV. 725 qui connut à sa création un succès retentissant et qui est présenté pour la première fois en France dans sa version scénique.
Après un vibrant hommage de Michel
Franck, son directeur général, à la jeune et brillante soprano belge Jodie
Devos décédée le 16 juin à 35 ans des suites d’un cancer foudroyant alors qu’elle
aurait dû chanter dans cette production, suivi d’une longue ovation debout du
public, le Théâtre des Champs-Elysées préludait aux Jeux Olympique de Paris 2024
avec la première d’une nouvelle production de l’Olimpiade, opéra improbable et longuet d’Antonio Vivaldi avec des
arie écrites au kilomètre
interprétées par une impressionnante collection de voix aiguës avec à sa tête
le brillant Jakub Józef Orliński. Sonné en ce même théâtre en version concert
le 10 février 1990 dirigé par René Clemencic à la tête de l’Ensemble Vocal La
Capella et de son Clemencic Consort avec entre autres Gérard Lesne (Licidia) et
Aris Christofellis (Aminta).
Créé le 17 février 1734 au Teatro Sant’Angelo à Venise, ce Dramma per musica en trois actes repose sur livret du poète Metastase d’après Hérodote déjà utilisé en 1733 par Caldara pour Vienne apporta à Vivaldi un succès tel qu’il reçut dans la foulée une commande des Grimani, propriétaires di Teatro San Grisostomo, qui aboutira à Grisalda créé en mai 1735. L’intrigue se situe sur les Champs Elysées, dans la campagne d’Elide près d’Olympie, le jour des Jeux. Clistene (baryton), roi de Sicyone figure tutélaire de l’Olympiade accompagné de son fidèle confident Alcandro (basse) promet sa fille Aristea (contralto), en mariage au vainqueur des Jeux Olympiques. Le prince Licida (contralto), fils du Roi de Crète épris d’Aristea accompagné de son serviteur Aminta (soprano), demande à son ami intime, l’athlète Megacle (mezzo-soprano) amant d’Argene (mezzo-soprano), de concourir en son nom, sûr de sa victoire. Aimé en secret d’Aristea, Megacle ignore le prix du concours, accepte et remporte les jeux. Sacrifiant son amour, le jeune héros raconte le subterfuge à Aristea et décide de la quitter à jamais. Après moult rebondissements dramatiques, Licida est pardonné et Aristea convole en justes noces avec Megacle.
Exploits et performances sportifs sont sollicités autant dans la vocalité que la musicalité, obligeant à disposer de véritables athlètes-musiciens et athlètes-danseurs. Quoique composée pour Venise, l’œuvre de Vivaldi répond aux critères de l’opéra napolitain fort en vogue à l’époque jusque sur la lagune. Tant et si bien que la partition regorge d’airs virtuoses fort développés, fait appel à deux castrats sopranos pour les rôles de Magacle et d’Aminta. La partition compte vingt-deux arie, dont dix-huit sont le fruit de recyclages d’œuvres antérieures, la plupart puisés dans Lucio Vero prévu pour Vérone mais abandonné tandis que seuls deux récitatifs accompagnés s'avèrent marquants destinés au personnage de Megacle par leur force dramatique. Le rôle d’Aminta est le plus ardu en raison de l’étendue vocale et des colorature. L’opéra semble avoir été composé dans l’urgence avec les moyens du bord. Quoique purement décoratifs, les morceaux composés sont d’une grande virtuosité, nécessitant par leurs vocalises, roulades et variations d’une maîtrise belcantiste parfaite ainsi qu’un registre aigu d’une solidité insolente.
Dans la fosse, la conception de Jean-Christophe Spinosi se situe sur le même registre que la mise en scène, ne formant à aucun moment hiatus, soignant les contrastes et les ruptures dramatiques, mais s’avérant souvent trop nerveuse et dynamique, gommant toute consistance poétique aux moments les plus méditatifs et intériorisés, tandis que l’Ensemble Matheus sur instruments d’époque galvanise la partition.
Bruno Serrou
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