Paris. Opéra national de Paris-Bastille. Samedi 4 décembre 2021
Pour sa première apparition dans la fosse de l’Opéra de Paris, Gustavo Dudamel, son nouveau directeur musical, électrise le public avec un Turandot de Puccini de feu
Voilà près de vingt ans que Paris n’avait pas vu sur scène le chef-d’œuvre de Giacomo Puccini, qui avait été présenté pour la dernière fois dans une mise en scène de Francesca Zambello. Ultime opéra de Puccini, qui ne parvint pas au terme de sa genèse, la mort l’emportant le 29 novembre 1924 avant qu’il en entreprenne le duo final, Turandot n’en est pas moins l’un des phares de l’opéra du XXe siècle. Loin de l’esprit du théâtre de tréteaux de l’opéra que Ferruccio Busoni adapta du même Carlo Gozzi en 1917, la partition de Puccini est un drame violent et sanguinaire, plongeant dans l’exotisme d’Épinal d’une Chine médiévale réputée barbare, avec nombre d’emprunts aux modes musicaux.
La production de l’Opéra de Paris éblouit par ce que donne à entendre Gustavo Dudamel. Orchestre fluide, cristallin, d’une variété de coloris au nuancier illimité, ne saturant jamais l’espace auquel il donne au contraire une profondeur de champ phénoménale, comme s’il connaissait la fosse de l’Opéra Bastille depuis toujours, telle est la portée de la vision du chef vénézuélien. Seul regret, qu’il n’ait pas utilisé la version de Luciano Berio de la scène finale, mieux ciselée, plus fine et contrastée que celle traditionnellement utilisée de Franco Alfano, il est vrai élève de Puccini et dont les droits sont désormais dans le domaine public. Sous la direction de Dudamel, l’Orchestre de l’Opéra jubile, transporté par la vision chatoyante, au lyrisme ardent, du chef sud-américain qui ménage de somptueux moments de grâce poétique alternant avec une puissance et des tensions dramatiques inouïes. Dudamel aura su prendre sans attendre toute la mesure de la fosse de Bastille.
Prise dans son ensemble, la distribution est homogène, malgré quelques faiblesses de la part des deux protagonistes centraux qui sont assez longs à trouver leurs marques, la soprano russe Elena Pankratova, pourtant habituée du rôle de Turandot, dont la voix s’épanouit pleinement dans la scène finale, comme si elle se réservait à cette fin, et le ténor gallois Gwyn Hughes Jones, qui a des difficultés dans le haut du spectre. La soprano chinoise Guanqun Yu est une Liù un rien trop mûre, la basse ukrainienne Vitalij Kowaljow (Timur) et le ténor italien Carlo Bosi (Altoum) sont impeccables. Mais c’est le trio de ministres qui emporte l’adhésion totale, les ténors (Alessio Arduini, Jinxu Xiahou, Matthew Newlin) triomphant autant vocalement que chorégraphiquement.
Bruno Serrou
Jusqu’au 30 décembre 2021. Rés. :
08.92.89.90.90. www.operadeparis.fr
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