vendredi 29 novembre 2019

Les Noces de Figaro fébriles de Jérémy Rohrer dans une mise en scène élégante et classique du cinéaste James Gray


Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 26 novembre 2019

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Le Nozze di FigaroRobert Gleadow (Figaro), Anna Aglatova (Suzanne), Vannina Santoni (la Comtesse), Stéphane Dégout (le Comte). Photo : (c) Vincent Pontet

Après Cosi fan tutte en 2012 et Don Giovanni en 2016, le Théâtre des Champs-Elysées confie à Jérémie Rohrer le premier volet de la trilogie Mozart/Da Ponte, Les Noces de Figaro, animé par un troisième metteur en scène, le célèbre réalisateur américain James Gray.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Le Nozze di FigaroRobert Gleadow (Figaro), Anna Aglatova (Suzanne). Photo : (c) Vincent Pontet

En effet, après les metteurs en scène de théâtre français Eric Genovèse (Cosi fan tutte) et Stéphane Braunschweig (Don Giovanni), c’est au cinéaste new-yorkais James Gray, auteur notamment de Two Lovers (2008), The Immigrant (2013), The Lost City of Z (2016) et Ad Astra (2019), qu’a été confié Les Noces de Figaro. C’est avec cet ouvrage que le réalisateur américain fait ses débuts à l’opéra. C’est donc l’esprit vierge qu’il propose une mise en scène traditionnelle, un peu trop littérale mais sobre et fidèle au texte. La scénographie évocatrice de Santo Loquasto et les beaux costumes du couturier Christian Lacroix situent l’action dans la Séville du début du XVIIIe siècle de la pièce de Beaumarchais dont s’est inspiré Da Ponte et qui répond aux attentes du public du théâtre de l’avenue Montaigne, qui, pourtant, a été témoin de quelques huées peu audibles il est vrai qui manifestaient le dépit de d’inconditionnels du cinéaste qu’ils ont jugés moins moderne que dans ses films.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Le Nozze di FigaroEléonore Pancrazi (Chérubin), Vannina Santoni (la Comtesse). Photo : (c) Vincent Pontet

Abondant dans le sens de la mise en scène, la direction nerveuse et vive de Jérémie Rohrer à la tête de son Cercle de l’Harmonie, ne laisse aucun répit, et l’on ne s’ennuie pas une seconde à l’écoute du chef-d’œuvre de Mozart. L’effectif des cordes donne ici une chair sonore onctueuse, qui instille sensualité et fluidité (le pianofortiste est en costume XVIIIe et emperruqué). La fébrilité instaurée par le chef dès les premières mesures de l’ouverture ne réprime pas pour auant un nuancier particulièrement large au sein de l’orchestre.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Le Nozze di FigaroVannina Santoni (la Comtesse), Stéphane Dégout (le Comte)Photo : (c) Vincent Pontet



Mue par la direction d’acteur au cordeau de James Gray, qui fait de chacun des personnages des êtres de chair et de sang aux sentiments authentiques et spontanés, cette production est servie par une distribution homogène qui se fond sans restriction au sein de la dramaturgie. La soprano corse Vannina Santoni campe une Comtesse mélancolique et solitaire singulièrement humaine et complexe, s’appuyant sur une voix lumineuse et brûlante. Face à elle, un Comte de grande classe, à la fois noble, fragile et impulsif du baryton lyonnais Stéphane Dégout, suprêmement chantant, doué d’un timbre rutilant et noir. Le baryton-basse canadien Robert Gleadow, voix sombre et pleine, est un Figaro jaillissant et impulsif, et la soprano russe Anna Aglatova, Suzanne à la voix large et charnue, s’échauffe peu à peu pour atteindre sa plénitude vocale dans Deh veni. Eléonore Pancrazi est un Chérubin un peu éteint, mais elle finit par s’imposer dans l’acte final. La production est également marquée par la Marceline joviale de Jennifer Larmore, et par la pimpante Barberine de Florie Valiquette.

Bruno Serrou

Jusqu’au 8 décembre. Rés. : 01.49.52.50.50. www.theatrechampselysees.fr. Le spectacle est diffusé dans les cinémas MK2 le 6 décembre 2019, sur France 5 le 14 décembre à 22h30 et sur France Musique le 28 décembre 2019 à 20h

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