jeudi 25 juillet 2019

Clavecin et piano flamboient au Festival de La Roque d’Anthéron

La Roque d'Anthéron (Bouches du Rhône). Cloître de l'abbaye de Silvacane, Parc du Chateau de Florens. Lundi 22 et mardi 23 juillet 2019

Photo : (c) Bruno Serrou

Tout en préparant activement sa quarantième édition en 2020, le festival de La Roque d’Anthéron est toujours plus festif, enchaînant en tous lieux des Bouches-du-Rhône concerts et récitals de piano et de clavecin


Photo : (c) Bruno Serrou

Rien moins que quatre vingt sept concerts sont proposés les cinq semaines de festivals, du récital de piano aux concerts avec orchestre, en passant par le clavecin et le jazz, et il convient d’y ajouter 4 spectacles de jeunes ensembles en résidence. Une densité d’artistes du monde entier, pour un public international toujours aussi prolifique et avisé, mais aussi des profanes attirés par le prestige de la manifestation.

Pierre Hantaï. Photo : (c) Bruno Serrou

Comme toujours, La Roque d’Anthéron invite jeunes découvertes et maîtres incontestés du clavier. Ainsi, en cees premiers jours de festival, deux grands noms du clavecin ont fait les belles fins d’après-midi du cloître de l’abbaye de Silvacane.

Abbaye de Silvacane. Photo : (c) Bruno Serrou

Pierre Hantaï et Skip Sempé. Hantaï(2) est vraiment incroyable, cherchant à sortir du carcan du concert moderne, en instaurant plus qu’une proximité avec le public, une véritable communion, présentant chaque œuvre avant de la jouer, avec finesse, humour et sans ostentation. Il le fait en effet avec une grande spontanéité, situant chaque morceau dans son contexte historique et au sein de la création. « Je ne supporte plus les concerts engoncés, froids. A l’époque baroque, les musiciens parlaient à leur auditoire avant de jouer. » Il ajoute que les reconstitutions ne sont pas forcément justes, qu’il s’agit en fait d’une vision d’aujourd’hui de ce qui pouvait se passer voilà trois ou quatre siècles, que les clavecins reconstitués ne sonnent pas comme leurs modèles. Ses programmes de salle sont d’ordre informatif, mais il ne les suit pas à la lettre, se réservant même le droit de le changer au dernier moment. Ce qui explique aussi ses interventions. Si d’aucuns peuvent considérer ses concerts comme chaotiques, il n’en demeure pas moins qu’il est toujours passionnant, un véritable poète du clavier jouant contre toute attente d’un nuancier incroyable, digne d’un pianiste et qu’il a exalté dans un programme monographique consacré à Jean-Sébastien Bach. 

Skip Sempé. Photo : (c) Christophe Grémiot

A contrario, Skip Sempé est plus traditionnel, strict, respectueux de la lettre du texte, jouant plus strictement un clavier plus monochrome, malgré le beau rendu sonore d'un deuxième clavecin du même facteur que celui d'Hantaï, Philippe Humeau.  


Béatrice Rana. Photo : (c) Christophe Gremiot

Côté piano, c’est une jeune musicienne italienne qui a fait forte impression : Béatrice Rana. A vingt-six ans, elle possède une impressionnante maturité et s’impose par sa vraie personnalité musicale(3). « C’est la troisième fois que je me produits à La Roque d’Anthéron, mais c’est ma première soirée. C’est une grande émotion. D’autant plus que c’est ici que j’ai fait mes débuts en France en 2012. René Martin aime les jeunes pianistes, et il n’a pas peur de prospecter et de les proposer à son public. » La jeune femme dirige son propre festival, dans les Pouilles au sud de l’Italie, où elle se plaît à jouer de la musique de chambre avec ses amis. Son programme, Chopin-Ravel-Stravinski, réunissait à la fois des œuvres de jeunesse et des histoires dramatiques, même les Etudes de Frédéric Chopin, aux côtés des Miroirs de Maurice Ravel et de Petrouchka d'Igor Stravinski. Le toucher aérien, le jeu sans fioriture, la technique imparable de Rana donnent une touche expressionniste à chacune des œuvres. 

Bertrand Chamayou. Photo : (c) Christophe Gremiot

L’on a pu mesurer cette impression à l’aune du magicien du son qu’est Bertrand Chamayou, dont Miroirs de Ravel ont atteint une puissance évocatrice, une tension, une richesse sonore inouïe, après des Robert Schumann, Blumenstück op. 19 et surtout un Carnaval Op. 9 épique, dramatique, magnifié par une palette sonore éblouissante, et avant des pages rares et virtuoses de Camille Saint-Saëns. 

Bruno Serrou

1) Jusqu’au 18/08. Rés./Infos : 04.86.91.55.03. www.festival-piano.com. 2) Hantaï vient de publier chez Mirare des sonates de Scarlartti. 3) le même récital Ravel-Stravinski est à paraitre chez Warner en septembre  

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