Paris. Opéra Garnier. Mardi 31 janvier 2017
Photo : (c) Anne Van Aarschot / Opéra national de Paris
Dernier volet de la trilogie
Mozart/Da Ponte, Cosi fan tutte est sans doute le plus délicat à
réaliser, à la fois en raison de son intrigue, somme toute scabreuse - ce qui
lui valut notamment les diatribes de Beethoven et de Wagner - et longuette
(trois heures d’horloge pour démontrer sur un même thème la volatilité du cœur
des femmes qui, en fait, n’a rien à envier à celui des hommes, c’est
beaucoup !), et par la simplicité de son action - trois femmes, quatre
hommes jouant à se tromper les uns les autres pour une spéculation élémentaire.
Il est vrai qu’il s’y mêle érotisme et philosophie des Lumières, ce qui n’est
pas sans piment. Mais pour évoquer cette initiation à l’amour menée par un
mentor cynique qui ne croit pas à sa pérennité, Mozart a conçu une musique
touchée par la grâce, à la fois grave et légère, souriante et sombre.
Photo : (c) Anne Van Aarschot / Opéra national de Paris
La chorégraphe belge Anna Teresa
de Keersmaeker, directrice fondatrice de la compagnie de danse Rosas, a l’ingénieuse idée de dédoubler
les personnages, chaque chanteur ayant son danseur, même si l’on s’y perd un
peu au début. Le décor blanc d’arrière-scène entourant un plateau uniformément
blanc nu couvert de plans de mouvements chorégraphiques, renvoie à celui infiniment
plus coloré que Richard Peduzzi avait imaginé pour la production présentée à
Aix-en-Provence en 2005 et reprise à Garnier quelques semaines plus tard.
Photo : (c) Anne Van Aarschot / Opéra national de Paris
Mais
là où Chéreau se focalisait sur le théâtre, mettant en relation le chant et les
vibrations du corps, c’est cette dernière problématique que Keersmaeker a
reprise en dédoublant les protagonistes, le double muet prenant peu à peu son
autonomie, comme si les personnages s’éloignaient d’un miroir. Pourtant, ce
dispositif intelligemment pensé ne parvient pas à convaincre pleinement. Laissant
à la musique de Mozart le soin d’exprimer l’émotion, elle reste fidèle à
elle-même, utilisant gestes et pas de danse qui lui sont propres, avec
cependant moins de violence et de dureté que de coutume. Mais elle crée de
magnifiques moments, notamment les sextuors de fin d’actes, où chanteurs et
danseurs se mêlent, se croisent en un bouquet coloré variant d’intensité.
Photo : (c) Anne Van Aarschot / Opéra national de Paris
N’ayant pu assister à la première
étant engagé par ailleurs, c’est la seconde distribution qui se produisait le
31 janvier. Jeune et encore peu aguerri, le plateau vocal s’est avéré fort homogène,
avec notamment la Dorabella au timbre onctueux de Stéphanie Lauricella, la Fiordiligi
élancée d’Ida Falk-Winland, et surtout le Ferrando séduisant et passionné de
Cyrille Dubois, voix souple au timbre étincelant. Dans la fosse, dirigeant et
tenant le piano, Philippe Jordan, qui alterne Cosi fan tutte à Garnier
et Lohengrin à Bastille, dirige avec fougue,
libérant une énergie trop uniforme tandis que le premier acte s’étire en longueur,
élaguant la grâce, la délicatesse, la sensualité de l’ouvrage, tandis que l’Orchestre
de l’Opéra demeure irréprochable.
Bruno Serrou
Opéra de Paris Garnier, jusqu’au
19 février
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