mercredi 21 septembre 2016

La Manon pleine de panache de Patricia Petibon mise en scène par Olivier Py

Genève (Suisse). Opéra. Théâtre des Nations. Lundi 12 septembre 2016

Photo : (c) GTG / Carole Parodi

Après Olympia des Contes d’Hoffmann d’Offenbach et Lulu de Berg dans les années 2000, Patricia Petibon retrouvait Olivier Py à Genève pour une Manon de Jules Massenet stupéfiante. Manon est l’un des opéras français les plus populaires. Il a presque à lui seul forgé la réputation du compositeur, dix ans avant Werther et douze ans avant Thaïs. Cette œuvre en cinq actes repose sur un livret d’Henri Meilhac et Philippe Gille adapté du roman-mémoires de l’abbé Prévost (1697-1763), l’Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, sans doute inspiré de ses propres aventures et que le Parlement de Paris fit saisir et condamner à l’autodafé par deux fois.

Photo : (c) GTG / Carole Parodi

A Genève, Olivier Py et son scénographe Pierre-André Weitz transposent l’action dans une rue de Chicago des années 1930 bordée d’hôtels borgnes, de tripots clandestins, de night-clubs du temps de la prohibition. Comme c’est souvent le cas, le metteur en scène français trouve aussi dans Manon le sens de la fête, de la fresque et du drame. Sur un plateau saturé d'accessoires, tandis que des silhouettes noires poussent furtivement un décor cadre de scènes de la vie quotidienne d'une mégapole comme autant de plans simultanés de film, Py ajoute une guirlande de personnages venus du chœur ou muets, tous plus colorés les uns que les autres, adjoignant en outre des danseurs, le plus souvent nus. Ce qui laisse désormais le public genevois de marbre, tant Py l’a habitué depuis 15 ans à cette condition. Finement portraiturée par Py, ardente et passionnée, pleine de panache, la jeune Manon est attendrissante et débordante de vie, un être libre, innocent et sans calcul. Autour d’elle, un monde d’hommes plus nuisibles et lâches les uns que les autres. Ce qui fait de la sacrifiée la sœur de Carmen et Lulu.

Jules Massenet (1842-1912), Manon. Paricia Petibon (Manon, Bernard Richter (Chevalier Des Grieux). Photo : (c) GTG / Carole Parodi

Magnétique et sensuelle, voix lumineuse, corsée, égale, flexible, Patricia Petibon est une fascinante Manon. La prestance juvénile, mobile et d’une agilité féline, la soprano colorature embrase le plateau. Face à elle, un séduisant chevalier Des Grieux, Bernard Richter, noble et empressé. Voix suave et éclatante, le ténor suisse est d’une grande musicalité. Pierre Doyen est un Lescaut puissant et sans vergogne, Rodolphe Briand, excellent comédien et ténor à la voix de caractère, est un Cuillot de Morfontaine venimeux. Les rôles secondaires sont bien tenus, avec notamment un avenant trio de grisettes (Seraina Perrenoud, Mary Feminear, Marina Viotti), un mordant Brétigny (Marc Mazuir). Seul, de cette distribution à l’articulation impeccable, la basse hongroise Balint Szabo dénote en Comte Des Grieux, avec son français chancelant et sa voix chevrotante. Le chœur et surtout l’Orchestre de la Suisse Romande rutilent sous la direction fébrile du chef slovène Marko Letonja.

Bruno Serrou

Article paru dans le quotidien La Croix du 19 septembre 2016


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