mardi 26 avril 2016

Avec Maria Republica, son premier opéra, François Paris s'impose sans attendre dans le monde lyrique

Nantes, Angers-Nantes-Opéra. Théâtre Graslin. Mardi 19 avril 2016

François Paris (né en 1961), Maria Republica. Sophia Burgos (Maria). Photo : (c)  Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

Avec l’opéra pour sept chanteurs, ensemble de quinze musiciens et électronique Maria Republica, commande de l’Opéra de Nantes créée le 19 avril, François Paris est entré sans attendre dans la cour des grands compositeurs lyriques.

François Paris (né en 1961), Maria Republica. Noa Frenkel (la Révérende Mère), Sophia Burgos (Maria), Benoît Joseph Meier (Christ sauvage, membre de Solistes XXI). Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

Côté création lyrique, la saison 2015-2016 est un brillant millésime. Après Giordano Bruno de l’Italien Francesco Filidei à Strasbourg, Marta de l’Autrichien Wolfgang Mitterer à Lille, Benjamin, dernière nuit du Suisse Michel Tabachnik à Lyon, et avant Senza Sangue du Hongrois Péter Eötvös en mai à Avignon, l’Opéra de Nantes a donné mardi(1) la création de Maria Republica, premier opéra de François Paris (né en 1961) qui s’impose d’amblée comme une grande partition. 

François Paris (né en 1961), Maria Republica. Deux membres de l'Ensemble Solistes XXI et Sophia Burgos (Maria). Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

Disciple d’Ivo Malec, Betsy Jolas, Gérard Grisey, directeur du Centre de recherche musicale CIRM et du Festival Manca de Nice, Paris est l’un des compositeurs français les plus réputés sur le plan international. Il enseigne partout dans le monde, notamment aux Universités de Berkeley et de Pékin, aux Conservatoires de Shanghai et de Moscou, ainsi qu’en France, à la Fondation Royaumont et au Conservatoire de Nice.

François Paris (né en 1961), Maria Republica. Noa Frenkel (la Révérende Mère), Sophia Burgos (Maria). Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

Pour son premier essai, Paris a choisi le roman éponyme de l’écrivain libertaire andalou Augustin Gómez-Arcos (1933-1998) paru en français en 1983. Jean-Claude Fall en a tiré un livret aussi dramatique que poétique. Dans l’Espagne de la fin du franquisme, les bordels pourtant fréquentés par les caciques sont fermés. Maria Republica, la « putain rouge » fille de communistes fusillés en 1939, se voit richement dotée par une tante et accepte d’entrer au couvent. La brebis égarée ne va pas y soigner son mal ni entrer dans le jeu de la Révérende Mère, mais miner le couvent de l’intérieur. L’abomination et le sordide l’emportent, mais la musique de Paris les transcende.

François Paris (né en 1961), Maria Republica. Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

Maître de l’électronique en temps réel, Paris l’utilise comme un instrument à part entière, avec habileté et onirisme, le son se faisant fluide et soutenu à la façon d’un flux continu qui s’ajoute aux 15 instruments de l’orchestre aux timbres foisonnants travaillés avec un sens de la couleur et de la suggestion particulièrement habile. L’écriture vocale, originale, puise dans la tradition du théâtre lyrique, avec duos, trios, ensembles.

François Paris (né en 1961), Maria Republica. Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra

La production est remarquable. La mise en scène de Gilles Rico respire aisément au sein de la belle scénographie mobile de Bruno de Lavenère. Supérieurement préparée par Rachid Safir, la distribution est exemplaire. La soprano américaine Sophia Burgos, qui a appris son texte phonétiquement, est une Maria Republica impressionnante. L’articulation est parfaite, la voix souple et rutilante. La contralto Noa Frenkel est une Révérende Mère hallucinante. Confiés à l'ensemble Solistes XXI de Rachid Safir, les autres rôles sont parfaitement tenus par Marie Albert (Rosa Novice), Benoît-Joseph Meier (Christ sauvage et Don Modesto), Els Janssens Vanmunster (Dona Eloisa et Soeur Psychologue), Céline Boucard (Soeur Capitaine et Soeur Commissaire) et Raphaële Kennedy (Soeur Gardienne). Dans la fosse, Daniel Kawka et les quinze musiciens de son Ensemble Orchestral Contemporain exaltent cette partition de premier ordre.

Bruno Serrou

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