Nantes, Angers-Nantes-Opéra. Théâtre Graslin. Mardi 19 avril 2016
François Paris (né en 1961), Maria Republica. Sophia Burgos (Maria). Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra
Avec l’opéra pour sept chanteurs, ensemble de quinze musiciens et électronique Maria Republica,
commande de l’Opéra de Nantes créée le 19 avril, François Paris est entré sans attendre dans la cour
des grands compositeurs lyriques.
François Paris (né en 1961), Maria Republica. Noa Frenkel (la Révérende Mère), Sophia Burgos (Maria), Benoît Joseph Meier (Christ sauvage, membre de Solistes XXI). Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra
Côté création lyrique, la saison
2015-2016 est un brillant millésime. Après Giordano
Bruno de l’Italien Francesco Filidei à Strasbourg, Marta de l’Autrichien Wolfgang Mitterer à Lille, Benjamin, dernière nuit du Suisse Michel
Tabachnik à Lyon, et avant Senza Sangue
du Hongrois Péter Eötvös en mai à Avignon, l’Opéra de Nantes a donné mardi(1)
la création de Maria Republica, premier
opéra de François Paris (né en 1961) qui s’impose d’amblée comme une grande
partition.
François Paris (né en 1961), Maria Republica. Deux membres de l'Ensemble Solistes XXI et Sophia Burgos (Maria). Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra
Disciple d’Ivo Malec, Betsy Jolas, Gérard Grisey, directeur du Centre
de recherche musicale CIRM et du Festival Manca de Nice, Paris est l’un des
compositeurs français les plus réputés sur le plan international. Il enseigne partout
dans le monde, notamment aux Universités de Berkeley et de Pékin, aux
Conservatoires de Shanghai et de Moscou, ainsi qu’en France, à la Fondation
Royaumont et au Conservatoire de Nice.
François Paris (né en 1961), Maria Republica. Noa Frenkel (la Révérende Mère), Sophia Burgos (Maria). Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra
Pour son premier essai, Paris a choisi
le roman éponyme de l’écrivain libertaire andalou Augustin Gómez-Arcos (1933-1998) paru en français en 1983. Jean-Claude
Fall en a tiré un livret aussi dramatique que poétique. Dans l’Espagne de la
fin du franquisme, les bordels pourtant fréquentés par les caciques sont
fermés. Maria Republica, la « putain rouge » fille de communistes
fusillés en 1939, se voit richement dotée par une tante et accepte d’entrer au
couvent. La brebis égarée ne va pas y soigner son mal ni entrer dans le jeu de la
Révérende Mère, mais miner le couvent de l’intérieur. L’abomination et le
sordide l’emportent, mais la musique de Paris les transcende.
François Paris (né en 1961), Maria Republica. Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra
Maître de l’électronique en temps
réel, Paris l’utilise comme un instrument à part entière, avec habileté et
onirisme, le son se faisant fluide et soutenu à la façon d’un flux continu qui s’ajoute
aux 15 instruments de l’orchestre aux timbres foisonnants travaillés avec un
sens de la couleur et de la suggestion particulièrement habile. L’écriture
vocale, originale, puise dans la tradition du théâtre lyrique, avec duos,
trios, ensembles.
François Paris (né en 1961), Maria Republica. Photo : (c) Jef Rabillon pour Angers Nantes Opéra
La production est
remarquable. La mise en scène de Gilles Rico respire aisément au sein de
la belle scénographie mobile de Bruno de Lavenère. Supérieurement préparée par
Rachid Safir, la distribution est exemplaire. La soprano américaine Sophia
Burgos, qui a appris son texte phonétiquement, est une Maria Republica
impressionnante. L’articulation est parfaite, la voix souple et rutilante. La
contralto Noa Frenkel est une Révérende Mère hallucinante. Confiés à l'ensemble Solistes
XXI de Rachid Safir, les autres rôles sont parfaitement tenus par Marie Albert (Rosa Novice), Benoît-Joseph Meier (Christ sauvage et Don Modesto), Els Janssens Vanmunster (Dona Eloisa et Soeur Psychologue), Céline Boucard (Soeur Capitaine et Soeur Commissaire) et Raphaële Kennedy (Soeur Gardienne). Dans la fosse, Daniel
Kawka et les quinze musiciens de son Ensemble Orchestral Contemporain exaltent cette partition de premier ordre.
Bruno Serrou
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