Paris. Théâtre des Bouffes du Nord. Mardi 12 janvier 2016
Photo : (c) FBN (c) Jean Louis Fernandez
Trois ans après Crocodile trompeur d’après Dido and Aeneas de Henry Purcell en février
2013 (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/02/avec-crocodile-trompeur-le-theatre-des.html), le Théâtre des Bouffes du Nord retrouvait la fine équipe du comédien
metteur en scène Samuel Achache pour un spectacle dramatico-musical pour une
tragédie burlesque fondée à la fois sur le tragique et sur le non-sens. Cette
fois, point de livret ni de partition préexistante, mais des pistes et des
thèmes nés au fil de l’élaboration de ce spectacle créé à la Comédie de Valence
le 29 mai 2015.
Photo : (c) FBN (c) Jean Louis Fernandez
Comme dans Crocodile trompeur, Fugue
a été élaboré de façon collégiale par une équipe d’artistes polyvalents
constitués de comédiens-chanteurs et de comédiens-instrumentistes, voire de
comédiens-chanteurs-instrumentistes (soprano, contre-ténor, clarinette-saxophone,
piano-percussion, violoncelle). Musique et théâtre sont intimement liés, le
tout semblant continuellement improvisé, ce qui donne au propos un grand
naturel. D’où le titre à double sens Fugue,
qui associe la fugue musicale, forme d’écriture contrapuntique sur le principe
d’imitation, et la fuite. L’action se situe au pôle Sud, où ont échoué des
individus fort divers que rien ne prédisposait à se rencontrer mais qui sont
obligés de se côtoyer et de cohabiter pour survivre au sein d’un environnement
particulièrement hostile.
Photo : (c) FBN (c) Jean Louis Fernandez
Sur le modèle de la fugue musicale dont les voix
indépendantes se pourchassent et prennent la fuite les unes les autres, six personnages
se croisent et se retrouvent tout en gardant leur indépendance. Il est question
de solitude, d’amour et de mort, et le chant intervient que les mots manquent
ou ne suffisent plus pour exprimer les pensées et détresse. Les emprunts
musicaux proviennent des époques Renaissance et baroque associées à des pages composées
par deux des interprètes, Florent Hubert et Thibaud Pierriard.
Photo : (c) FBN (c) Jean Louis Fernandez
Dans un décor blanc de neige et
de glace désertique de Lisa Navarro et François Gaultier-Lafaye sur lequel est
plantée une maison de bois, avec cuisine, baignoire et lit de camp, il émane un
sentiment de froid vif qui pénètre jusque dans la chair du spectateur qui ne
quitte pas manteaux et parkas malgré la salle chauffée. Les six protagonistes
se croisent, conversent, divaguent ou se figent dans leur isolement. Le
spectacle a pourtant du mal à décoller. Mais l’auditoire se réveille lorsque Léo-Antonin
Lutinie entreprend un inénarrable strip-tease dans l’intention de prendre un
bain dans une étroite baignoire où il entend plonger avant d’y faire un crawl
puis de se mettre à y chanter d’une voix de contre-ténor.
Photo : (c) FBN (c) Jean Louis Fernandez
Mais avant cela,
musiciens et mélomanes ont quelque frayeur devant le mauvais traitement que
fait subir Vladislav Galard à son violoncelle. La prestation d’Anne-Lise
Heimburger, qui s’exprime alternativement en français et en allemand, le verbe
et en chant fluide exprimés d’une voix de soprano, passant d’un registre à l’autre
avec grand naturel. Pourtant, le tout ne suscite pas le même enthousiasme que Crocodile trompeur, plus décalé et inventif
quoique respectueux de l’esprit de Purcell. Comme quoi la contrainte n’est
point liberticide, loin s’en faut, en matière de création artistique.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire