Mark André (né en 1964). Photo : SWR
« L’Allemagne a une relation
différente de la France avec l’affect, la foi en Dieu, l’exigence réflexive, ce
qui permet de ne pas passer pour simplet. Ce qui, pour moi croyant de
confession protestante, est la question centrale. » Français, le
compositeur Mark André ne voit pas de divergences fondamentales entre
l’Allemagne et la France musicales d’aujourd’hui. « Je ne sens pas
d’antagonismes entre ces pays autre qu’une relation plus saine en Allemagne entre
les esthétiques. Elle est liée au centralisme français jusque dans
l’enseignement supérieur de la musique, limité à deux conservatoires nationaux,
alors qu’en Allemagne les centres d’enseignement sont multiples. »
Mark André, compositeur des plus
doués de sa génération, est la parfaite illustration du cycle Paris-Berlin du
24e festival Présences que Radio France consacre à la création
musicale d’aujourd’hui (1). Né dans une famille franco-allemande le 10 mai 1964
à Paris, où ses parents travaillaient aux Studios Eclair, André fait ses études
au Conservatoire de Paris avec Claude Ballif et Gérard Grisey. En 1993, il
reçoit une bourse du ministère des Affaires étrangères qui le conduit à étudier
à Stuttgart avec Helmut Lachenmann dont il devient un proche. Parallèlement, il
achève ses études de musicologie à l’Ecole normale supérieure de Paris et au
Centre d’études supérieures de la Renaissance à Tours. Compositeur en résidence
à l’Akademie Schloss Solitude de Stuttgart, puis à la Radio de Freiburg et Baden-Baden
et à l’Opéra de Francfort, il est pensionnaire à la Villa Médicis à Rome, enfin
en résidence à Berlin, où il vit désormais. Après avoir enseigné au Conservatoire
de Strasbourg, il est professeur de composition en Allemagne. « En France,
les grands compositeurs sont essentiellement à Paris, tandis qu’en Allemagne, ils
sont partout, constate André. György Ligeti était à Hambourg, Hans Werner Henze
à Cologne, Helmut Lachenmann est à Stuttgart, Wolfgang Rihm à Karlsruhe, Jorg Widmann
à Freiburg, Ernö Poppe à Berlin, etc. Pour ma part, j’enseigne à Dresde et
Francfort. Les Français ne vont pas étudier en Allemagne. Mes élève sont
allemands, bien sûr, mais aussi japonais, canadiens, états-uniens. En France, les
milieux musicaux comprennent mal mon éloignement, et je suis plus ou moins
considéré comme un traître. » S’il dit ne plus être au fait de ce qui se
passe en France, André n’en admire pas moins des compositeurs comme Gérard
Pesson, Frédéric Durieux, Bruno Mantovani. « La présence de l’Allemand Matthias
Pintscher à la tête de l’Ensemble Intercontemporain à Paris est prometteur, se
félicite André. Nous nous fréquentons depuis longtemps, et nous avons plusieurs
projets à Paris ensemble. »
Le 2 mars 2014, son opéra Wunderzaichen sur un livret de Patrick Hahn adapté du Nouveau Testament est créé à l’Opéra de
Stuttgart dans une production dirigée par Sylvain Cambreling et mise en scène
par Jossi Wieler et Sergio Morabito.
Bruno Serrou
1) Du 13 au 25 février 2014
[Article paru dans le quotidien La
Croix daté samedi 15, dimanche 16 février 2014]
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