Festival Juventus, Cambrai, Théâtre municipal, mercredi 4 juillet 2012
Photo : DR
Fils du grand violoncelliste
hongrois Miklós Perényi à qui, notamment, Péter Eötvös a dédié son Concerto grosso pour violoncelle et orchestre, grande page d’une demi-heure qu’ils
ont créée ensemble à Berlin le 16 juin 2011 avec l’Orchestre Philharmonique de
Berlin, élève de Zoltán Kocsis à l’Académie Ferenc Liszt de Budapest, Benjamin
Perényi est le premier des trois lauréats Juventus 2012 à s’être produit en soliste dans
le cadre de cette édition du festival, dans la belle salle du Théâtre Municipal de Cambrai
devant un public hélas clairsemé, contrairement au concert d’ouverture.
Né en mars 1993, c’est sur les
conseils de son père que Benjamin Perényi s’est mis au piano, à l’âge de trois
ans. A sept ans, il était admis à l’Académie Ferenc Liszt. Impressionné par les
dons de l’enfant, András Schiff lui
offre un piano de concert Steinway en 2005. Deux ans plus tard, il est invité
par le Festival du Schleswig-Holstein et se produit pour la première fois avec
son père à Genève. S’il n’a pas eu le temps de jouer aux petites voitures, comme
il est précisé dans sa biographie, il commence à 19 ans une collection de Mercedes-Benz grandeur nature, qu’il s’offre non pas grâce à ses talents de musicien
mais avec ses émoluments de chef d’entreprise.
Avec seulement deux œuvres
composées par deux compositeurs du même âge que le pianiste lorsqu’ils les ont écrites,
le programme choisi était fort court, mais se présentait comme un véritable
juge de paix. La deuxième des six sonates que Mozart a composées à l’âge de 18
ans, celle en fa majeur KV. 280, qui,
dans le cursus des dix-huit sonates du compositeur, présente la particularité d’avoir
un mouvement lent écrit dans une tonalité mineure. D’un an plus âgé que son
auteur, Benjamin Perényi a donné de cet Adagio
en fa mineur une lecture plus mélancolique et tendre que pathétique, tandis que
les deux mouvements vifs sont restés distants et austères, le jeune pianiste
restant à l’extérieur du propos mozartien, le nez dans la partition. Il convient
d’ailleurs de s’étonner qu’un jeune musicien ne joue pas de mémoire des œuvres appartenant
pourtant au grand répertoire pianistique. Et ce n’est pas le stress ou
l’angoisse du musicien qui a tétanisé Perényi, car, à plus d’une occasion, l’on
sentait clairement qu’il n’avait pas l’œuvre en tête, tant il regardait
fixement la partition, tandis que les mains parcouraient le clavier de façon
mécanique.
Cette impression a été plus
sensible encore dans la Sonate n° 3 en fa
mineur op. 5 de Johannes Brahms. C’est sur cette œuvre impressionnante que ce
dernier fait à vingt ans ses adieux à la sonate pour piano. Sa structure en
cinq mouvements apparente davantage cette partition à la forme archaïque du
divertimento, trois mouvements rapides alternant avec deux mouvements lents
reliés par le même matériau thématique, le second se présentant sous la forme d’un
intermède. La tête dans la partition, il est apparu évident que le jeune
hongrois n’avait pas la partition de Brahms dans la tête, bien qu’il soit dit
dans ses biographies que cette œuvre appartient à son répertoire. Sous ses
doigts, le piano n’a pas atteint l’ampleur orchestrale caractéristique de
Brahms qui emplit déjà cette œuvre. Les élans rageurs de l’Allegro maestoso se sont
avérés peu habités, sans flamme ni relief, le Scherzo sans noirceur, tandis que le rondo finale n’a pas cheminé de
l’ombre vers la lumière. Seuls les mouvements lents se sont faits plus justes,
Perényi exaltant les couleurs nocturnes d’un Andante espressivo gorgé
de tendre rêverie et l’atmosphère pathétique et angoissante de l’Intermezzo. Mais, le trac était tel que
les sonorités du piano sont restées étroites et contraintes d’un bout à l’autre
de l’exécution. Sans doute faudra-t-il attendre que ce jeune pianiste se libère
de ses appréhensions qui le paralysent encore et acquiert une musicalité plus
affirmée pour juger de son vrai potentiel.
Bruno Serrou
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