Paris, Opéra Bastille, lundi 9 juillet 2012
Ouvert aux familles auxquelles sont offertes des places à des
tarifs plus accessibles,que de coutume, l’Opéra de Paris reprend en cette fin de saison
2011-2012 la production présentée en décembre 2005 de l’Amour des trois oranges que Gérard Mortier avait confiée à Gilbert
Deflo et Sylvain Cambreling (1). C’est d’ailleurs avec cette même production
que l’ouvrage de Serge Prokofiev (1891-1953) avait fait son entrée au
répertoire de Bastille, dans sa version originale. Avant 2005, cette œuvre
créée en français à Chicago en décembre 1921 sur un livret du compositeur et de
Véra Janacopoulos (avec quantité de
« reviens de suite » agaçants qui ne doivent pas être de la plume des
librettistes), puis représentée en russe à Leningrad en 1927 (la France devra
attendre 1956 pour découvrir l’œuvre), avait été vue à Paris pour la dernière
fois en 1983 dans une remarquable réalisation de Daniel Mesguich présentée à
l’Opéra Comique.
Inspirée de la comédie du Vénitien Carlo Gozzi (1720-1806) L'Amore delle tre melarance de 1761, que Prokofiev avait découverte à l’instigation du célèbre metteur en scène russe Vsevolod Meyerhold (1874-1940), l’intrigue vante les qualités salvatrices du rire et de l’amour. L’Amour des trois oranges conte en effet l’histoire d’un prince hypocondriaque qui s’ennuie ferme au point de se laisser mourir, au désespoir de son père Roi de Trèfles, et qui retrouve la joie de vivre grâce à son ami Truffaldino et, après mainte péripéties, en tombant soudain amoureux d’un belle princesse qu’un sort jeté par une méchante sorcière avait emprisonnée dans une orange... L’on retrouve dans cette œuvre quantité de personnages de la commedia dell’arte, comme Truffaldino, venu de Carlo Goldoni et que Richard Strauss avait déjà utilisé dans Ariane à Naxos, Pantalon, Farfarello, Sméraldine, conformément à la fable de Gozzi qui l’inspira, tandis que la partition de Prokofiev, émoustillé par la féerie, l’humour et la satire du texte du Vénitien, est vive, énergique, ce qui instille à l’intrigue un rythme haletant. C’est tout cela que, a contrario de Cambreling qui était resté à l’extérieur de la partition au risque de distiller l’ennui, Alain Altinoglu a su magnifier dans cette reprise, au point de transcender l’ensemble de la production, qui, du même coup, en devient méconnaissable. En effet, le jeune chef français s’est approprié l’œuvre avec flamme pour en tirer toute la sève musicale et transporter plateau et fosse dans une réjouissante fête onirique et polychrome, au grand plaisir de la salle entière. Précis et dynamique, suscitant de l’Orchestre de l’Opéra de Paris des sonorités rutilantes et ensorceleuses, Altinoglu donne à entendre tout le facétieux et toute la poésie de la partition de Prokofiev, mettant en outre en évidence l’orchestration foisonnante qui n’est pas sans rappeler Wagner, avec quelque clins d’œil au Ring.
Inspirée de la comédie du Vénitien Carlo Gozzi (1720-1806) L'Amore delle tre melarance de 1761, que Prokofiev avait découverte à l’instigation du célèbre metteur en scène russe Vsevolod Meyerhold (1874-1940), l’intrigue vante les qualités salvatrices du rire et de l’amour. L’Amour des trois oranges conte en effet l’histoire d’un prince hypocondriaque qui s’ennuie ferme au point de se laisser mourir, au désespoir de son père Roi de Trèfles, et qui retrouve la joie de vivre grâce à son ami Truffaldino et, après mainte péripéties, en tombant soudain amoureux d’un belle princesse qu’un sort jeté par une méchante sorcière avait emprisonnée dans une orange... L’on retrouve dans cette œuvre quantité de personnages de la commedia dell’arte, comme Truffaldino, venu de Carlo Goldoni et que Richard Strauss avait déjà utilisé dans Ariane à Naxos, Pantalon, Farfarello, Sméraldine, conformément à la fable de Gozzi qui l’inspira, tandis que la partition de Prokofiev, émoustillé par la féerie, l’humour et la satire du texte du Vénitien, est vive, énergique, ce qui instille à l’intrigue un rythme haletant. C’est tout cela que, a contrario de Cambreling qui était resté à l’extérieur de la partition au risque de distiller l’ennui, Alain Altinoglu a su magnifier dans cette reprise, au point de transcender l’ensemble de la production, qui, du même coup, en devient méconnaissable. En effet, le jeune chef français s’est approprié l’œuvre avec flamme pour en tirer toute la sève musicale et transporter plateau et fosse dans une réjouissante fête onirique et polychrome, au grand plaisir de la salle entière. Précis et dynamique, suscitant de l’Orchestre de l’Opéra de Paris des sonorités rutilantes et ensorceleuses, Altinoglu donne à entendre tout le facétieux et toute la poésie de la partition de Prokofiev, mettant en outre en évidence l’orchestration foisonnante qui n’est pas sans rappeler Wagner, avec quelque clins d’œil au Ring.
Tant et si bien que, là où
le spectacle de Deflo apparaissait terne, l’on se félicite de pouvoir se régaler
désormais sans modération du déploiement par le metteur en scène belge d’un
trésor d’imagination, tant côté effets spéciaux que côté humour et lyrisme,
avec tréteaux de commedia dell’arte, lumières de music-hall et jeux de
cirque, jusqu’à l’inénarrable Tchélio qui, en Mandrake sur le retour, ne
semble guère convaincu de ses propres pouvoirs de magicien. La scénographie de
William Orlandi est toujours foisonnante, avec de beaux costumes et un décor
unique conçu sur le modèle du foyer de l’Opéra de Paris Bastille dont la façade
dessinée à grands traits sert de rideau, riches en accessoires et en jongleurs,
mimes, danseurs et acrobates de toute sorte. L’omniprésence du chœur, qui commente
le déroulement des événements assis au dessus de la fosse d’orchestre, côté
cour et côté jardin, inspire une scénographie de théâtre dans le théâtre. Le
plateau est surplombé d’une galerie en arche où six figurants maniant des
projecteurs sont installés jusqu’au terme de la représentation. L’idée de ce
prince transformé en Pierrot lunaire est excellente, et il convient de saluer
dans ce rôle la performance du ténor lyrique américain Charles Workman, qui
campait déjà ce même personnage en 2005, accompagné cette fois du ténor bouffe français
Eric Huchet, Truffaldino volubile. Mage fatigué et ringard, Vincent Le Texier est
un Tchélio bling-bling à la voix solide et relevée. Le reste de la distribution
assure l’homogénéité du spectacle, avec le Roi de Trèfle fantoche et las d’Alain
Vernhes, le couple de « méchants » digne d’un film muet incarné par Patricia
Fernandez en femme fatale et Nicolas Cavallier, Léandre façon Clark Gable, la
Sméraldine spontanée de Lucia Cirillo, le Farfarello frétillant d’Antoine
Garcin et trois piquantes princesses dont la délicieuse Ninette d’Amel
Brahim-Djelloul. Enfin, Hans-Peter Scheidegger propose un grand numéro en
cuisinière
gigantesque, énorme Baba Yaga gardienne des oranges miraculeuses. Cette
distribution internationale s’exprime dans un français toujours clair, y
compris les chœurs, qui, disséminés sur le vaste plateau de Bastille, ne suscitent
plus aucun décalage, sans doute rassérénés par la direction limpide et précise
d’Alain Altinoglu, véritable deus ex
machina de cette succulente reprise.
Bruno Serrou
1) Captée en décembre 2005, cette production est
disponible en DVD chez TDK/Opéra de Paris
Photos : Opéra de Paris - DR
Photos : Opéra de Paris - DR
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