mardi 1 décembre 2020

CD : Adrien La Marca, l’alto héroïque

Publier un CD tandis que la vente de disques à l’instar de celle du livre est interdite tient de la gageure. C’est pourtant le défi qu'a relevé Adrien La Marca

Prodige de l’alto, instrument longtemps considéré comme mineur face à son cousin violon, Adrien La Marca, son authentique champion, voit son deuxième CD paraître en plein second confinement. « En fait, ce qui me contrarie le plus, dit le musicien, est le report des concerts que je devais donner pour la parution de ce disque. Déjà privé de concerts pendant trois mois au printemps dernier comme tous les artistes, j’ai traversé comme eux une terrible période, avant de retrouver en mai le chemin des salles, d’abord sans public, ce qui pour un musicien est le comble de la frustration, la privation de ce contact vital étant pour nous comme ne pas pouvoir boire ni manger. Mais si le premier confinement nous a spoliés de tout concert, le second permet de répéter et de nous produire avec d’autres artistes dans des salles certes vides mais pour un public qui se trouve derrière des écrans. » Adrien La Marca reste néanmoins optimiste, car après le déconfinement de mai, le public est revenu sans hésiter dans les salles, au point que, malgré les contraintes sanitaires, il a fallu doubler les concerts, « ce qui atteste de l’attente des gens ».

Né à Aix-en-Provence en 1989, frère cadet du violoncelliste Christian-Pierre La Marca avec qui il dirige le festival Les Musicales de Pommiers, proche du violoniste Renaud Capuçon avec qui il se produit en musique de chambre, Adrien La Marca a commencé le piano à quatre ans, le violon à cinq, avant de découvrir l’alto à six ans en écoutant Yuri Bashmet sur le chaîne de télévision franco-allemande Arte un dimanche après-midi, fasciné par le son chaud et feutré de l’instrument. « Tout en continuant à jouer du piano, je me suis présenté à seize ans au concours d’entrée dans la classe d’alto du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, au désespoir de ma professeur de piano. » Longtemps sous-estimé car voué aux violonistes de second rang, l’alto est devenu un instrument à part entière au XXe siècle. « Ce n’est pas tout à fait exact, corrige Adrien La Marca. Beaucoup de compositeurs ont écrit pour la viole d’amour, comme Jean-Sébastien Bach, Nicolo Paganini a su le mettre en valeur. Il a néanmoins fallu il est vrai attendre longtemps avant qu’il ait une classe au Conservatoire. Puis des virtuoses comme Paul Hindemith et William Primrose lui ont donné ses titres de noblesse. » Elève de Jean Sulem à Paris, de Tabea Zimmermann à Berlin et Tatjana Masurenko à Leipzig, il a également travaillé avec Christophe Desjardins, qui l’a ouvert à la création contemporaine et avec qui il a donné des concerts, notamment dans le Trio d’altos d’Emanuel Nunes et son arrangement pour altos de Messagesquisse de Pierre Boulez.

Après un premier CD consacré à la musique anglaise paru voilà quatre ans, Adrien La Marca, avec son deuxième disque, enregistré avec l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège à l’issue d’une résidence, conforte sa volonté de concevoir ses disques autour de thématiques. A l’instar du titre « Heroes », il valorise la dimension héroïque de l’alto, autour du grand Concerto que William Walton lui a consacré, et un arrangement pour alto et orchestre du chef, compositeur et orchestrateur Jean-Pierre Haeck de la suite Roméo et Juliette de Prokofiev qui encadrent une œuvre au tour hollywoodien devant autant à Korngold qu’à John Williams dédiée à Adrien La Marca, On the Reel (Sur la bobine), commande de l’orchestre liégeois au compositeur belge Gwenaël Mario Grisi (né en 1989).

Bruno Serrou

« Heroes », Walton, Grisi, Prokofiev. Adrien La Marca (alto), Orchestre Philharmonique Royal de Liège, Christian Arming (direction). 1CD La dolce volta (www.ladolcevolta.com)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire