Photo : (c) Bruno Serrou
Pour la IXe édition de
sa Biennale de Quatuors à cordes, la Philharmonie de Paris innove en matière
pédagogique en invitant le public à assister à la réalisation d’un violoncelle
en une semaine, soit quatre cents heures de travail à huit luthiers.
Photo : (c) Bruno Serrou
« Dans le quatuor à cordes,
le chiffre quatre est roi : quatre musiciens jouant sur quatre
instruments pourvus de quatre cordes et qui ne se quittent pas afin de jouer à
quatre comme… un seul. D’où l’idée d’un atelier public de deux fois quatre
luthiers pour réaliser en deux fois quatre jours un violoncelle, s’enthousiasme
Emmanuel Hondré, directeur du département concerts et spectacles de la
Philharmonie de Paris. Il est en effet émouvant de voir naître un instrument
réalisé en temps réel, soit quatre cents heures, par une équipe de luthiers
travaillant devant un public qui peut poser toutes les questions qu’il souhaite
à des luthiers professionnels. »
Photo : (c) Bruno Serrou
Cette idée pédagogique qui tient
aussi de la performance est née en Bretagne en 2017 pendant le Festival du
Quatuor à l’Ouest de Crozon au cours duquel a été réalisé un violon inspiré du
Guarneri del Gesù « Lord Wilton » qui appartint à Yehudi Menuhin.
Photo : (c) Bruno Serrou
« Le quatuor à cordes est à la fois une histoire de famille et un
véritable sacerdoce, remarque Hondré. Aussi était-il avisé de profiter de ce
festival pour montrer au grand public, qui adhère de plus en plus à ce genre
pourtant réputé difficile et exigeant avec plus de cinq mille spectateurs en
dix jours et quinze concerts, que le quatuor à cordes suscite un véritable
esprit de famille. Ce projet était aussi l’occasion de faire un pont entre le
Musée de la musique, qui possède une collection de soixante-dix violoncelles, les
facteurs d’instruments, les musiciens et les chalands. »
Photo : (c) Bruno Serrou
Le choix des luthiers s’est porté
sur un violoncelle de 1710 du Vénitien Matteo Goffriller (1659-1742) des
collections du Musée de la musique qui sert de modèle à l’instrument qui est en
train de naître dans l’atelier éphémère de la Cité de la musique.
Photo : (c) Bruno Serrou
« Je
suis le lien entre le Musée de la musique et les luthiers qui souhaitent
pérenniser la facture des instruments à cordes née au tournant des XVIIe
et XVIIIe siècles au cours desquels ont été fixés les standards de
la famille des violons, altos et violoncelles, se félicite Jean-Philippe
Echard, conservateur au Musée de la musique en charge des instruments à cordes
frottées et pincées. Les luthiers étudient nos instruments pour s’inspirer de
leurs techniques de fabrication, des alliages des bois et de leur architecture. »
Photo : (c) Bruno Serrou
C’est au Collectif de Lutherie et
d’Archèterie Contemporaine (CLAC) que la Philharmonie de Paris a confié cet
atelier éphémère de lutherie. Créé à Paris en 2018 sous la présidence du
luthier Jérémie Legrand, ce collectif réunit huit luthiers et deux archetiers
exerçant en Bretagne, à Angoulême, Bordeaux, Dublin, Epinal, Marseille et
Mirecourt.
Photo : (c) Bruno Serrou
« Notre collectif d’artisans luthiers a pour but de s’inspirer
des instruments à cordes des XVIIe et XVIIIe siècles,
époque durant laquelle ont été cristallisés les standards de fabrication de la
section des cordes de l’orchestre qui sont toujours en cours aujourd’hui. La
standardisation des tailles n’interviendra qu’au XIXe siècle »,
précise Tanguy Fraval, qui rappelle que le collectif a décidé de réduire les
proportions du Goffriller d’origine plus grand que la plupart des violoncelles.
Photo : (c) Bruno Serrou
Directeur artistique du projet, ce luthier breton qui a exercé dix ans à
Bruxelles, confectionne seul et entièrement à la main ses violons, altos et
violoncelles (cinq à six instruments par an), ce qui lui permet de peaufiner
chaque pièce de ses instruments. « Pour nous rapprocher le plus possible
de la fabrication et de la sonorité de nos modèles anciens, nous travaillons
désormais avec des scientifiques pour les dessins, les tracés géométriques, les
proportions, les colles et les vernis. »
Photo : (c) Bruno Serrou
Pour réaliser ce « Goffriller »
en direct et en public, deux équipes de quatre luthiers se relaient sur
l’estrade de l’atelier éphémère pour assembler des bois assez jeunes (cinq à
six ans de séchage), épicéa, érable ondé, ébène, saule. « Pour être un bon
luthier, avertit Fraval, il faut être très exigeant à l’établi, avoir une excellente
oreille pour les réglages et être un bon communiquant. Il faut aussi
envisager l’instrument comme une sculpture sonore vivante. » Quatre
cents heures sont nécessaires pour réaliser un violoncelle auxquelles s’ajoute
le temps requis par les cinq couches de vernis qui participe aussi à la
personnalité de l’instrument. D’où le prix élevé d’un violoncelle
moderne, qui peut atteindre 30.000 €.
Le Goffriller d'origine. Photo : (c) Bruno Serrou
L’instrument fabriqué Cité de la
musique sera baptisé « en blanc », c’est-à-dire sans vernis, le 17
janvier par Raphaël Paratore, violoncelliste du Quatuor Goldmund qui jouera le
second violoncelle dans le deuxième mouvement du Quintette pour deux violoncelles de Schubert avec le Quatuor Danel,
avant que l’instrument soit confié pendant deux ans au petit-fils du
violoncelliste du célèbre Quatuor Borodine, Dmitri Berlinski.
Bruno Serrou
Biennale Quatuor à cordes. Philharmonie
de Paris, jusqu’au 19 janvier 2020. Rés. : 01.44.84.44.84. www.philharmoniedeparis.fr. Dix-huit quatuors sont réunis pour l’intégrale des
Quatuors à cordes de Beethoven et dix créations, dont cinq mondiales. Trois
leçons de musique sont également données en public par Alfred Brendel et Irvine
Arditti
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