vendredi 10 janvier 2020

Biennale Quatuors à cordes à la Philharmonie de Paris, le violoncelle de A à Z

Photo : (c) Bruno Serrou

Pour la IXe édition de sa Biennale de Quatuors à cordes, la Philharmonie de Paris innove en matière pédagogique en invitant le public à assister à la réalisation d’un violoncelle en une semaine, soit quatre cents heures de travail à huit luthiers.

Photo : (c) Bruno Serrou

« Dans le quatuor à cordes, le chiffre quatre est roi : quatre musiciens jouant sur quatre instruments pourvus de quatre cordes et qui ne se quittent pas afin de jouer à quatre comme… un seul. D’où l’idée d’un atelier public de deux fois quatre luthiers pour réaliser en deux fois quatre jours un violoncelle, s’enthousiasme Emmanuel Hondré, directeur du département concerts et spectacles de la Philharmonie de Paris. Il est en effet émouvant de voir naître un instrument réalisé en temps réel, soit quatre cents heures, par une équipe de luthiers travaillant devant un public qui peut poser toutes les questions qu’il souhaite à des luthiers professionnels. »

Photo : (c) Bruno Serrou

Cette idée pédagogique qui tient aussi de la performance est née en Bretagne en 2017 pendant le Festival du Quatuor à l’Ouest de Crozon au cours duquel a été réalisé un violon inspiré du Guarneri del Gesù « Lord Wilton » qui appartint à Yehudi Menuhin. 

Photo : (c) Bruno Serrou

« Le quatuor à cordes est à la fois une histoire de famille et un véritable sacerdoce, remarque Hondré. Aussi était-il avisé de profiter de ce festival pour montrer au grand public, qui adhère de plus en plus à ce genre pourtant réputé difficile et exigeant avec plus de cinq mille spectateurs en dix jours et quinze concerts, que le quatuor à cordes suscite un véritable esprit de famille. Ce projet était aussi l’occasion de faire un pont entre le Musée de la musique, qui possède une collection de soixante-dix violoncelles, les facteurs d’instruments, les musiciens et les chalands. »

Photo : (c) Bruno Serrou

Le choix des luthiers s’est porté sur un violoncelle de 1710 du Vénitien Matteo Goffriller (1659-1742) des collections du Musée de la musique qui sert de modèle à l’instrument qui est en train de naître dans l’atelier éphémère de la Cité de la musique. 

Photo : (c) Bruno Serrou

« Je suis le lien entre le Musée de la musique et les luthiers qui souhaitent pérenniser la facture des instruments à cordes née au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles au cours desquels ont été fixés les standards de la famille des violons, altos et violoncelles, se félicite Jean-Philippe Echard, conservateur au Musée de la musique en charge des instruments à cordes frottées et pincées. Les luthiers étudient nos instruments pour s’inspirer de leurs techniques de fabrication, des alliages des bois et de leur architecture. »

Photo : (c) Bruno Serrou

C’est au Collectif de Lutherie et d’Archèterie Contemporaine (CLAC) que la Philharmonie de Paris a confié cet atelier éphémère de lutherie. Créé à Paris en 2018 sous la présidence du luthier Jérémie Legrand, ce collectif réunit huit luthiers et deux archetiers exerçant en Bretagne, à Angoulême, Bordeaux, Dublin, Epinal, Marseille et Mirecourt. 

Photo : (c) Bruno Serrou

« Notre collectif d’artisans luthiers a pour but de s’inspirer des instruments à cordes des XVIIe et XVIIIe siècles, époque durant laquelle ont été cristallisés les standards de fabrication de la section des cordes de l’orchestre qui sont toujours en cours aujourd’hui. La standardisation des tailles n’interviendra qu’au XIXe siècle », précise Tanguy Fraval, qui rappelle que le collectif a décidé de réduire les proportions du Goffriller d’origine plus grand que la plupart des violoncelles. 

Photo : (c) Bruno Serrou

Directeur artistique du projet, ce luthier breton qui a exercé dix ans à Bruxelles, confectionne seul et entièrement à la main ses violons, altos et violoncelles (cinq à six instruments par an), ce qui lui permet de peaufiner chaque pièce de ses instruments. « Pour nous rapprocher le plus possible de la fabrication et de la sonorité de nos modèles anciens, nous travaillons désormais avec des scientifiques pour les dessins, les tracés géométriques, les proportions, les colles et les vernis. »

Photo : (c) Bruno Serrou

Pour réaliser ce « Goffriller » en direct et en public, deux équipes de quatre luthiers se relaient sur l’estrade de l’atelier éphémère pour assembler des bois assez jeunes (cinq à six ans de séchage), épicéa, érable ondé, ébène, saule. « Pour être un bon luthier, avertit Fraval, il faut être très exigeant à l’établi, avoir une excellente oreille pour les réglages et être un bon communiquant. Il faut aussi envisager l’instrument comme une sculpture sonore vivante. » Quatre cents heures sont nécessaires pour réaliser un violoncelle auxquelles s’ajoute le temps requis par les cinq couches de vernis qui participe aussi à la personnalité de l’instrument. D’où le prix élevé d’un violoncelle moderne, qui peut atteindre 30.000 €. 

Le Goffriller d'origine. Photo : (c) Bruno Serrou

L’instrument fabriqué Cité de la musique sera baptisé « en blanc », c’est-à-dire sans vernis, le 17 janvier par Raphaël Paratore, violoncelliste du Quatuor Goldmund qui jouera le second violoncelle dans le deuxième mouvement du Quintette pour deux violoncelles de Schubert avec le Quatuor Danel, avant que l’instrument soit confié pendant deux ans au petit-fils du violoncelliste du célèbre Quatuor Borodine, Dmitri Berlinski.

Bruno Serrou

Biennale Quatuor à cordes. Philharmonie de Paris, jusqu’au 19 janvier 2020. Rés. : 01.44.84.44.84. www.philharmoniedeparis.fr. Dix-huit quatuors sont réunis pour l’intégrale des Quatuors à cordes de Beethoven et dix créations, dont cinq mondiales. Trois leçons de musique sont également données en public par Alfred Brendel et Irvine Arditti

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