Photo : (c) Bruno Serrou
Créé en 1957 dans une station huppée des Alpes bernoises par le
violoniste Yehudi Menuhin, le Festival de Gstaad est après celui de Lucerne la
plus ancienne manifestation estivale helvétique
Gstaad vu du téléphérique. Photo : (c) Bruno Serrou
Avec plus de soixante-cinq
concerts en sept semaines, le Festival de Gstaad couvre à lui seul la durée de
ses deux grandes émules suisses, les festivals de Verbier et de Lucerne. Créé
dix-neuf ans après Lucerne (1938) et trente-sept ans avant Verbier (1994), le
Festival de Gstaad porte le nom de son fondateur, le violoniste Yehudi Menuhin
qui l’a dirigé pendant quarante ans.
Eglise de Zweisimmen, L'Arpeggiata et Giuseppina Bridelli (mezzo-soprano). Photo : (c) Bruno Serrou
Les deux premiers concerts ont
été donnés les 4 et 6 août 1957 par Yehudi Menuhin en l’église de Saanen. Les
premières années, récitals et concerts de musique de chambre sont programmés,
avant que les concerts symphoniques s’y ajoutent. En 1976, la préoccupation
pédagogique du fondateur s’impose à Gstaad, avec la venue de jeunes musiciens
de l’Académie Menuhin de Londres. En 1998, Menuhin passe le témoin à son
condisciple Gidon Kremer, qui ne reste que deux ans, puis ce sont trois années
d’intérim.
Festival-Zelt Gstaad. Finale du Concours Neeme Järvi. Photo : (c) Bruno Serrou
Depuis 2002 Christoph Müller,
ex-violoncelliste et manager de l’Orchestre de chambre de Bâle, prend la
direction du festival. Sa programmation pérennise les trois piliers du
festival, la musique de chambre, les répertoires symphonique et lyrique
concertant. Passionné de création, animant une biennale de composition à Bâle,
il ouvre Gstaad à la musique contemporaine, commandant des œuvres nouvelles à
des compositeurs, cette année à Tristan Murail, avec la création par
l’Orchestre National de Lyon de Reflections/Reflets
IV dont le compositeur français a eu
l’idée directrice alors qu’il survolait les Alpes en avion… « J’ai voulu
définir une conception originale pour ce festival aujourd’hui âgé de
soixante-deux ans, dit Müller. Avec Verbier et Lucerne au même moment, il
fallait trouver de nouvelles clefs. J’ai commencé en 2008 par une académie de
jeunes musiciens dans l’esprit de Yehudi Menuhin, puis j’ai fondé l’orchestre
du festival en 2010, l’académie de chefs d’orchestre en 2014... Quant aux
cycles de musique de chambre et d’orchestre symphonique, il était nécessaire d’obtenir
une haute qualité d’offre. Ainsi, la mise en résidence d’Alfred Brendel et du
Symphonique de Londres avec Colin Davis, nous a permis d’engager de grands
orchestres internationaux par la suite. »
Eglise de Zweisimmen, Christina Pluhar et son Arpeggiata. Photo : (c) Bruno Serrou
Autre nouveauté, le Festival
Menuhin propose depuis deux étés des thématiques qui donnent une unité aux sept
semaines de programmation. Pour Christoph Müller, « Paris » ouvre la
perspective d’une approche de la culture française. « Ici, dit-il, nous ne
sommes pas habitués à la musique française, la langue française est un peu
bizarre, elle est chic mais étrange. J’ai voulu rapprocher les cultures
francophones et germanophones qui en fait se côtoient peu. Les programmes de
musique de chambre marchent bien mais moins les concerts symphoniques, y
compris le Stravinski de Petrouchka.
Le pianiste Bertrand Chamayou a présenté cinq programmes de musique française
qui ont fait le plein. » Tout cela avec un budget de 7,2 millions de
francs suisses dont 1,2 million pour l’Académie, Les ressources proviennent à
trente pour cent de la billetterie (trente mille spectateurs environ), à douze
pour cent de la commune et du canton de Berne, le reste provenant du mécénat de
fondations et du privé. « Il nous faut donc obtenir l’adhésion de notre
public », conclut Christoph Müller.
Manfred Honeck dirigeant une répétition de l'Orchestre du Festival Menuhin. Photo : (c) Bruno Serrou
Dirigée tout d’abord par Neeme
Järvi, qui a donné son nom au concours qui est organisé en fin de session,
l’Académie de direction d’orchestre réunit trois semaines durant une douzaine
de jeunes professionnels qui participent en fin de stage audit Concours Neeme
Järvi. Depuis cet été, c’est le chef autrichien Manfred Honeck, directeur
musical de l’Orchestre Symphonique de Pittsburgh, qui en est l’animateur.
« J’ai toujours refusé d’enseigner la direction. C’est trop de
responsabilité ! Mais j’ai acquis une expérience que je peux maintenant
partager avec des jeunes. Je suis un fan de Carlos Kleiber. J’ai souvent
joué sous sa direction, à l’Opéra et en concerts alors que j’étais violoniste
au sein des Wiener Philharmoniker. J’ai analysé en détail sa technique, et je
veux la transmettre pour qu’elle ne soit pas oubliée. Il travaillait chaque
détail avec l’orchestre. C'est ce que je cherche à inculquer aux étudiants, qui
ont la chance de travailler ici avec un orchestre de musiciens professionnels. »
Cette année, ce sont le Coréen Hankyeol Yoon et l'Austro-Espagnole Teresa Riveiro Böhm qui ont remporté le concours ex-aequo.
Festival-Zelt Gstaad. Khatia Buniatishvili. Photo : (c) Bruno Serrou
Les concerts sont donnés en
divers lieux, investissant les églises des villages environnants. Le point
central d’activité du festival est néanmoins un chapiteau de mille deux cents
places installé à la lisière de Gstaad et visible depuis les cimes. Le concert
de L’Arpeggiata de la luthiste Christina Pluhar a été donné dans le cadre
champêtre de l’église de Zweisimmen. La mezzo-soprano Giuseppina Bridelli a
imposé sa voix de velours dans un programme monographique consacré à la musique
étincelante de Luigi Rossi (1597-1653) devant un public de connaisseurs. Sous
le grand chapiteau, en revanche, devant un public acquis d’avance, la pianiste géorgienne Khatia Buniatishvili s’est montrée sous son pire aspect, cognant
comme une sauvage les Trois Mouvements de
Petrouchka de Stravinski, vidant de tout sens les Impromptus Op. 90 de
Schubert, noyant sous un flot de pédales les pages de Liszt qu’elle avait sélectionnées,
confondant en outre vitesse et précipitation...
Chapelle de Gstaad. Timothy Chooi (violon) et Akane Marsumura (piano). Photo : (c) Bruno Serrou
Consolation le lendemain matin,
en la chapelle de Gstaad où le jeune violoniste canadien Timothy Chooi
accompagné au piano par Akane Marsumura a brillé dans des œuvres de
Saint-Saëns, Prokofiev, Dvorak et Wieniawski…
Bruno Serrou
Jusqu’au 6 septembre. Rés. : (+41)
33 748 81 82. www.gstaadmenuhinfestival.ch/fr
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