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Paris. Théâtre de l’Athénée. Lundi 21 janvier 2019
Lancés en 1977 par Pierre Bergé,
les Lundis musicaux de l’Athénée sont l’un des rendez-vous majeurs pour les
musiciens de renom qui cherchent à se produire dans des programmes originaux
devant un public de connaisseurs.
Soprano aux aigus soyeux et au
médium voluptueux, Julie Fuchs et son flamboyant partenaire Alphonse Cemin,
avec qui elle fit ses classes de musique de chambre au Conservatoire de Paris,
ont concocté un programme particulièrement original et passionnant. Une
première partie consacrée à la mélodie française, une seconde au répertoire
anglo-saxon, chacune commençant par une chanson populaire et se concluant sur
des romances plus « légères ».
Vêtue d’une longue robe sombre
ouverte sur les jambes,les cheveux rassemblés en arrière, en parfaite osmose avec son
pianiste, Julie Fuchs a ouvert le récital sur une chanson de Barbara, Une petite cantate, qu’elle a chanté
avec justesse, dans l’esprit de la voix lyrique de sa créatrice, tout en
évitant soigneusement de l’imiter pour rester elle-même, démontrant ainsi
l’universalité de l’art de Barbara. La cantatrice a enchaîné cette chanson
directement à Claude Debussy, les six Ariettes
oubliées de 1888 sur des poèmes de Paul Verlaine, dont le duo restitue avec
onirisme la moindre inflexion, la cantatrice chantant de son timbre délicat l’infinie
diversité des vers du poète et le pianiste donnant des harmonies d’un Debussy
de vingt-six ans les polychromies éclatantes et les résonnances habitées. Trois
autres mélodies de Debussy de nostalgique tonalité, Regrets et Apparition (1884)
sur deux poèmes de Stéphane Mallarmé, avant Trois
poèmes de Louise de Vilmorin de Francis Poulenc à la sensualité gourmande.
Sur un poème de E. E. Cummings, The Sun in My Mouth, mis en musique par
l’artiste islandaise polymorphe Björk, Julie Fuchs a ouvert la seconde partie
de soirée de sa voix chaude et naturelle, donnant ainsi un tour délicieusement « classique »
à cette pièce, soutenue par le toucher raffiné d’Alphonse Cemin. Mais le « clou »
de la soirée a été le cycle de six mélodies de l’Américain trop méconnu George Crumb
(né en 1929), Apparition [Elegiac Songs
and Vocalise pour soprano et piano amplifié] sur des poèmes de Walt
Whitman. Un cycle extraordinaire de 1979, à la fois lyrique et hors normes côté
piano, l’interprète jouant autant du clavier que des cordes dans le coffre et
des pédales pour les résonances, le tout exploité de façon originale, tout en
écoutant la cantatrice, qu’il ne couvre à aucun moment, Alphonse Cemin instillant
à l’instrument des couleurs debussystes. Le récital s’est conclu sur deux arrangements
de Songs de Cole Porter, Use Your
Imagination et Sing me Guitar
chanté avec allant par Julie Fuchs. Trois bis ont suivi, deux pages légères de
Poulenc et Nuit d’Etoiles de Debussy sur un poème de Théodore de Banville.
Bruno Serrou
1) Julie Fuchs et Alphonse Cemin
sont à l’Opéra de Bordeaux le 27 janvier
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