Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 9 mai 2017
Claude Debussy (1862-1918), Pelléas et Mélisande. Jean-Sébastien Bou (Pelléas), Patricia Petibon (Mélisande). Photo : (c) Vincent Pontet
Louis Langrée et Eric Ruf, à la
tête d’une distribution de tout premier plan, offrent un Pelléas et Mélisande de Debussy d’un onirisme poignant
Claude Debussy (1862-1918), Pelléas et Mélisande. Kyle Ketelsen (Golaud), Patricia Petibon (Mélisande). Photo : (c) Vincent Pontet
Dans la musique de Claude
Debussy, l’élément liquide est omniprésent. C’est ce que met en évidence avec
une justesse et une poésie à fleur de peau le chef français Louis Langrée,
actuel directeur musical de l’Orchestre Symphonique de Cincinnati, dans Pelléas et Mélisande. A la tête d’un Orchestre
National de France, l’une des phalanges qui connaît le mieux les arcanes du
chef-d’œuvre de « Claude de France », qu’il dirige pour la première
fois, Langrée exalte avec une impressionnante maîtrise du temps et du son la
dimension immémoriale de l’immense partition de Debussy, la déclamation vocale
étant transcendée en chant véritable par le flux instrumental digne d’un océan.
Claude Debussy (1862-1918), Pelléas et Mélisande. Jean-Sébastien Bou (Pelléas), Patricia Petibon (Mélisande). Photo : (c) Vincent Pontet
Ce style déclamatoire si particulier
qu’a fixé Debussy dans Pelléas et
Mélisande et qui allait se pérenniser dans l’opéra français jusqu’à nos
jours, au point de museler toute velléité mélodique vocale chez les
compositeurs, est extraordinairement transfiguré par l’orchestre qui, sous la
direction de Langrée, est non seulement le personnage central mais aussi le souverain
générateur du chant.
Claude Debussy (1862-1918), Pelléas et Mélisande. Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève), Jean Teitgen (Arkel). Photo : (c) Vincent Pontet
De plus, la connivence entre la
conception du chef d’orchestre et celle du metteur en scène est d’une force « à
faire pleurer les pierres », pour reprendre la formule de Maurice
Maeterlinck dans Pelléas. Dans une
scénographie ténébreuse dont il est l’auteur poétiquement éclairée par Bertrand
Couderc, Eric Ruf, administrateur général de la Comédie-Française, atteste
d’une compréhension profonde de l’œuvre, y compris la scène de la chevelure à
l’acte III qui n’a rien de ridicule, bien au contraire.
Claude Debussy (1862-1918), Pelléas et Mélisande. Jean-Sébastien Bou (Pelléas), Patricia Petibon (Mélisande). Photo : (c) Vincent Pontet
Fluide, sobre, claire, respectueuse
du texte, à la fois incarnée et surnaturelle, la conception de Ruf enchaîne les
scènes comme autant de plans de film, édulcore les archaïsmes du texte de
Maeterlinck, joue de l’imagerie médiévale, et, tournant radicalement le dos à
la proposition de Robert Wilson qui sera de retour à l’Opéra de Paris en
septembre prochain, la direction d’acteur s’avère exemplaire et permet à la
somptueuse distribution réunie par le Théâtre des Champs-Elysées de s’exprimer
librement dans de somptueux costumes sombres (seuls ceux de Mélisande sont
colorés) de Christian Lacroix.
Claude Debussy (1862-1918), Pelléas et Mélisande. Arnaud Richard (le médecin), Patricia Petibon (Mélisande), Jean Teitgen (Arkel). Photo : (c) Vincent Pontet
Peut-être vocalement un peu trop voluptueuse
pour le rôle, Patricia Petibon campe néanmoins une Mélisande d’une touchante
innocence, d’une profondeur et d’une expressivité naturelle. Jean-Sébastien Bou
est un Pelléas généreux et souverain, même si la voix n’est pas tout à fait celle
du rôle, qui réclame un baryton-martin, ce qui est particulièrement difficile à
trouver. Kyle Ketelsen est un Golaud entier, impulsif, perdu, Jean Teitgen est
un saisissant Arkel à la voix sépulcrale, Sylvie Brunet-Grupposo (Geneviève),
Jennifer Courcier (Yniold) et Arnaud Richard (le berger, le médecin) complètent
l’affiche de magistrale façon.
Bruno Serrou
Théâtre des Champs-Elysées.
Jusqu’au 17/05. Rés. : 01.49.52.50.50. www.theatrechampselysees.fr. Ce spectacle
sera repris les prochaines saisons à l’Opéra de Dijon, au Théâtre du Capitole
de Toulouse et au Stadttheater de Klagenfurt, tous coproducteurs avec le
Théâtre des Champs-Elysées
[Tiré en partie de l’article publié dans le quotidien La Croix daté vendredi 12
mai 2017]
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