Zoltan Kocsis (1952-2016). Photo : DR
L’immense pianiste hongrois
Zoltan Kocsis, également chef d’orchestre, compositeur et pédagogue, est décédé
dimanche 6 novembre des suites d’une longue maladie. En 2012, il avait été
opéré du cœur. Depuis quelques mois, ses médecins lui avaient demandé de
réduire au maximum son activité.
Les mains de Zoltan Kocsis courant sur le clavier. Photo : DR
Son ami et compatriote Ivan
Fischer, le chef d’orchestre avec qui il avait fondé le Budapest Festival
Orchestra en 1983, écrit à son propos sur son portail Facebook : « Zoltan
Kocsis était un géant de la musique, l’un des rares génies. Son impact sur
toute sa génération est incommensurable. » Le pianiste français
François-Frédéric Guy, sur Facebook encore écrit : « Un géant que j’avais
eu la chance de rencontrer plusieurs fois… inspirant, intimidant… Ses Bartók
restent inoubliables. Mais tout Liszt, Brahms, Debussy… et je programme tous
les ans ses merveilleuses transcriptions de Wagner, notamment l’extraordinaire Feuerzauber de la Walkyrie ou encore le Prélude
de Tristan und Isolde. »
Zoltan Kocsis en 1981. Photo : DR
Né à Budapest le 30 mai 1952, Zoltan
Kocsis a commencé à jouer du piano dès l'âge de 5 ans. A 11 ans, il entre au
Conservatoire Béla Bartók où il étudie le piano et la composition. En 1968, il
est admis au Conservatoire Franz Liszt, où il travaille avec Pal Kadosa et
Ferenc Rados. Sa carrière internationale a été lancée à l’âge de 18 ans, lorsqu’il
remporte en 1970 le Concours Beethoven organisé par la Radio hongroise. Un an
plus tard, il faisait sa première tournée aux Etats-Unis. En 1973, il est le
plus jeune vainqueur du Prix Liszt. En 1978, il avait obtenu la plus haute
récompense artistique hongroise, le prix Kossuth, qui lui sera de nouveau
attribuée une seconde fois en 2005. Depuis 1976, il enseignait à l’Académie
Franz Liszt de Budapest. En France, René Martin l’invitait tous les deux ou
trois ans au Festival de La Roque d’Anthéron, et il était en 2009 l’hôte du
Festival d’Auvers-sur-Oise et en 2014 celui du Festival d’Annecy (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/la-ve-edition-de-lannecy-classic.html,
http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/zoltan-kocsis-dirige-annecy-lorchestre.html,
http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/pour-leur-second-programme-commun.html).
Zoltan Kocsis (1952-2016). Photo : DR
« L’école musicale hongroise
n’est plus ce qu’elle était voilà encore trente ans, se désolait Zoltan Kocsis en 2009.
Les institutions pédagogiques n’ont plus les ambitions d’antan, et je ne vois
pas comment nous allons nous en sortir. Il se trouve néanmoins d’excellents
musiciens, preuve en est nos orchestres, qui sont essentiellement constitués de
Hongrois. » Avec son ami Deszö Ranki, Zoltan Kocsis est le grand pianiste
hongrois de sa génération. Héritier
d’une école fondée par Franz Liszt qui a contribué à l’évolution de l’instrument,
autant côté jeu et interprétation que côté technique, avec des musiciens comme
Béla Bartók jusqu’à György Cziffra, Kocsis s’est rapidement imposé non seulement
comme un éminent interprète de la musique de ses compatriotes mais aussi comme
un grand interprète de Mozart, Beethoven, Schubert, Chopin, Liszt, Debussy,
Rachmaninov et de la musique de son temps, notamment György Kurtag.
Photo : DR
Poète, secret, flamboyant,
fougueux, Kocsis est l’une des personnalités les plus singulières du monde de
la musique. Pianiste, chef d’orchestre, chambriste, il est aussi compositeur et
arrangeur. Lorsque je l'ai rencontré en mai 2009 à Budapest, dans la nouvelle Philharmonie sur
la rive gauche du Danube à dix minutes du centre de la capitale hongroise, il
accueillait son visiteur avec chaleur et lui parlait sans attendre du programme
qu’il s’apprêtait à diriger à la tête de son orchestre, s’assayait devant le
Steinway de son bureau et jouait une réduction improvisée de l’œuvre programmée.
Le matin de notre rencontre, c’était Ainsi
parlait Zarathoustra de Richard Strauss, sortant de son seul clavier
l’infinie variété des timbres et des nuance de l’orchestre entier et de leur
diversité polyphonique. Pas un des quatre vingt dix instruments de Strauss ne manquait dans le coffre du grand-queue de concert. Si bien que la
répétition tutti venue, le profane ne sentait presque pas de différences.
Zoltan Kocsis chef d'orchestre. Photo : DR
En fait, depuis vingt-cinq ans
[en 2009], Kocsis ne se contente pas du piano, qu’il considère pourtant comme un
orchestre à part entière. Après avoir dirigé le Studio de Musique Nouvelle de
Budapest, il fondait en 1983 avec Ivan Fischer le Budapest Festival Orchestra
dont il est l’un des directeurs artistiques jusqu’en 1997. L’année suivante, il
est nommé Directeur musical de l’Orchestre Philharmonique National Hongrois, dont
il renouvelle le quart des effectifs après avoir auditionné la totalité de ses
musiciens, et à la tête duquel il dirige un vaste répertoire, les compositeurs
hongrois, de Liszt, dont il orchestre des pages pour piano, à Peter Eötvös et
György Kurtag en passant par Béla Bartók, dont il grave entre 2005 et 2008 une troisième intégrale discographique, Zoltan Kodaly et György
Ligeti, jusqu’aux écoles française, particulièrement Claude Debussy dont il a
orchestré plusieurs pièces pour piano et des mélodies, autrichienne, allemande
et tchèque. Il laisse une riche discographie, au sein de laquelle nombre d’indispensables,
particulièrement les intégrales Bartók, choisissant peut-être celle de Philips (1987-1994),
ses Debussy (Philips), Rachmaninov (Philips), Ravel (Philips), Schumann
(Philips), et comme chef d’orchestre ses Bartók et Debussy (Hungaroton).
Bruno Serrou
1 - Après une première
intégrale partagée avec Deszö Ranki chez Hungaroton entre 1972 et 1983 dans le
cadre du centenaire de la naissance de Béla Bartók, Zoltan Kocsis a gravé seul une
deuxième intégrale de son compatriote pour le label Philips (aujourd’hui
Decca), enfin une troisième disponibles pour Hungaroton (2005-2008), à laquelle
cette fois cette ajoutée l’œuvre pour orchestre
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