Mariss Jansons (1943-2019). Photo : (c) Bruno Serrou
Un très grand nom de la direction
d’orchestre vient de disparaître, le chef letton Mariss Jansons. Il est mort des
suites de complications coronariennes en son domicile de Saint-Pétersbourg dans
la nuit du 30 novembre au 1er décembre. Il avait 76 ans.
Ces derniers mois, le chef letton
avait annulé plusieurs concerts pour raison de santé. Ceux qui ont eu la chance
de le voir diriger son Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise voilà tout
juste un mois, le 31 octobre dernier à la Philharmonie de Paris, où il aimait à
se produire, se souviendront toujours de l’extraordinaire Symphonie n° 10 de Chostakovitch, dont il était un éminent
spécialiste, comme disciple d’Evgueni Mravinski à Saint-Pétersbourg, précédée d’une
onirique ouverture d’Euryanthe de
Weber et d’un Concerto n° 2 de
Beethoven dans lequel il avait donné la réplique au pianiste allemand Rudolf
Buchbinder…
Cet ultime concert à Paris l’avait
vu fatigué, marchant d’un pas lent, le buste penché en avant, le visage blême, pour
rejoindre le podium avant de retourner, épuisé, vers les coulisses et en
revenir pour saluer à plusieurs reprises, avant de diriger à la fin un bis
inattendu, comme pour dire un dernier adieu à son public français.
Eminent spécialiste de la musique
russe et viennoise, s’illustrant notamment dans Tchaïkovski, Chostakovitch, Beethoven,
Brahms, Dvorak, Mahler, Richard Strauss, Sibelius, ainsi que la dynastie viennoise
des Strauss, mais aussi dans Bartók, il avait été directeur musical de l’Orchestre
Philharmonique d’Oslo de 1979 à 2002, de l’Orchestre du Royal Concertgebouw d’Amsterdam
de 2004 à 2015, puis de l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise depuis
2015. Ces phalanges parmi les plus illustres de la planète ont toutes été magnifiées
par l’extraordinaire magicien du son et du rythme qu’a été Jansons. Ainsi, le
fabuleux Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise a été sublimé par ce chef
élégant, charmeur, précis, profond, virtuose. Artiste exigeant et rigoureux, il
était aussi apprécié des musiciens pour sa gentillesse, sa bonhomie et sa joie
de vivre. Rarement un chef d’orchestre a réuni autour de sa personne un tel consensus
auprès des professionnels et du public, que ce soit pour ses concerts ou pour
ses enregistrements.
Mariss Jansons (1943-2019). Photo : DR/Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam
Né à Riga le 14 janvier 1943, dans le ghetto juif de la capitale
lettone, fils du chef d’orchestre Arvids Jansons dont il sera très tôt l’assistant
et qui le soutiendra jusqu’à sa mort en 1984 à la suite lui aussi de problèmes
cardiaques lors d’un concert à Manchester, le jeune Marris Jansons apprend très
tôt le violon et l’alto, avant le piano et la direction d’orchestre au
Conservatoire de Leningrad. Il se perfectionne auprès d’Evgueni Mravinski dont
il est l’assistant à l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg, puis
auprès d’Herbert von Karajan à Salzbourg après avoir remporté la deuxième place
du concours Karajan. Le chef autrichien le voulait à ses côtés comme chef
assistant à Berlin, mais les autorités soviétiques ont assuré que Jansons n’avait
jamais reçu l’invitation…
Après un premier concert en 1973 avec le Philharmonique de Saint-Pétersbourg,
son premier poste important a été celui de directeur musical de l’Orchestre
Philharmonique d’Oslo, en 1979. C’est à l’Opéra d’Oslo qu’il subit sa première
alerte cardiaque en 1996 en dirigeant à l’Opéra La bohème de Puccini. Il
démissionne en 2000 en réaction contre le refus de la capitale suédoise de
résoudre l’acoustique de sa salle de concert. En 1997, il est chef principal
invité de London Philharmonic, et la même année il devient directeur musical de
l’Orchestre Symphonique de Pittsburgh jusqu’en 2004.
L’Orchestre Philharmonique de Vienne, où il fit ses débuts en avril 1992 dans
un programme Bartók/Tchaïkovski, l’avait nommé Membre honoraire. Il dirigera l’orchestre
autrichien dans plusieurs tournées et au Festival de Salzbourg où il devait
diriger l’été prochain Boris Godounov de Moussorgski dans le cadre du
centième anniversaire de la fondation de la manifestation estivale, ainsi que
trois Concerts du Nouvel An, en 2006, 2012 et 2016.
Le legs discographique de Mariss Jansons est considérable. Sa carrière
discographique a commencé chez Chandos alors qu’il était à la tête du
Philharmonique d’Oslo. C’est avec une intégrale des symphonies de Tchaïkovski
qu’il établit sa réputation mondiale, ainsi que chez Warner (EMI) également
dans le répertoire russe, notamment Chostakovitch. Il a également enregistré
pour le label du Royal Concertgebouw d’Amsterdam, notamment les symphonies de
Bruckner et de Mahler, puis pour le label de la Radio Bavaroise dont un cycle
extraordinaire des symphonies de Beethoven.
Attentif aux carrières de ses jeunes confrères, il a soutenu et encouragé
son jeune compatriote Andris Nelsons, actuel directeur musical de l’Orchestre
Symphonique de Boston qui dirigera la prochaine édition du Concert du Nouvel An
à Vienne.
Bruno Serrou
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