Depuis trois ans, Annecy accueille les grands orchestres internationaux
pour une décade musicale que seules les grandes capitales peuvent s’offrir
Voilà 43 ans, la pianiste Eliane
Richepin fondait à Annecy une académie festival. Parmi ses élèves, Pascal
Escande. « Cette femme redoutable était une merveilleuse pédagogue, se
souvient-il. Mais elle n’avait pas la langue dans sa poche, et elle finit par
se fâcher avec les édiles qui la subventionnaient. » Fort du succès du
Festival d’Auvers-sur-Oise qu’il a fondé en 1981, Escande fut appelé par son
maître qui lui proposa sa succession en 1997. Onze ans plus tard, économiquement
exsangue, il faillit mettre la clef sous la porte. C’était sans compter sur le
pianiste russe Denis Matsuev, à qui il avait offert à Auvers son premier
récital en France, qui lui présenta son compatriote mécène, l’homme
d’affaires Andreï Cheglakov, qui, par le
biais de sa Fondation AVC Charity, soutient les arts plastiques, l’édition et
la musique. En 2010, la Fondation devient le principal support du festival, qui
prend le nom d’Annecy Classic Festival qu’il dote de moyens financiers aptes à en
faire un rendez-vous mondial. La ville d’Annecy et la Haute-Savoie se rallient
au projet par une convention triennale reconductible. Souhaitant s’implanter
durablement, le mécène a demandé aux élus l’érection d’un auditorium de 1000
places pour 2015. Si la pédagogie est présente, avec un atelier vocal dirigé
par Patrick Marco et des classes de maîtres d’instruments, le festival, riche
d’un budget de 1,4 million d’euros, atteint un niveau que les Annéciens espéraient
sans y croire, avec des affiches réunissant stars et musiciens des générations montantes.
« Nous nous adressons en priorité au public local, se flatte Escande. C’est
pourquoi nous avons choisi la dernière décade d’août. Chaque soir un millier de
mélomanes du cru assistent à nos concerts. » C’est dans l’église Sainte-Bernadette
à l’acoustique adaptée aux concerts symphoniques avec son grand mur réflecteur
de sons, que se produisent cet été le Royal Philharmonic de Londres et le
Philharmonique de Saint-Pétersbourg.
Concert
d'ouverture ce mardi soir du 3e Annecy Classic Festival en l'église
Sainte-Bernadette avec le Royal Philharmonic Orchestra de Londres dirigé par Charles
Dutoit. En soliste, le pianiste russe Denis Matsuev, co-directeur artistique du
festival. Taillé comme un bûcheron, ce dernier joue Beethoven tel un bûcheron.
Jeu puissant et sans nuances, sous ses doigts d’airain le sublime Concerto n° 3 du « Grand sourd »
devient sous un concerto de Tchaïkovski, tandis que le mouvement lent est vide
de sens. Dutoit doit pousser l’orchestre à une puissance immodérée pour se
faire entendre, tout en s’avérant à l’écoute de son soliste. Ouverture de Berlioz
bien servie par Dutoit dont on connaît les affinités avec le compositeur
français. Enfin, une belle interprétation de la Symphonie « du NouveauMonde »
d’Antonin Dvorak, bien en place, ardente et vive, à laquelle il a juste manqué
une petite touche de nostalgie. En bis, une séduisante Valse triste de Jean Sibelius.
Tchaïkovski, tandis que le mouvement lent est vide de sens.
Dutoit doit pousser l'orchestre à une puissance immodérée pour se faire
entendre, tout en s'avérant à l'écoute de son soliste. Ouverture de Berlioz
bien servi par Dutoit dont on connaît les affinités avec le compositeur
français, enfin belle interprétation de la "Nouveau Monde" de Dvorak,
bien en place, ardente et vive, mais défaite de toute nostalgie. En bis, une
séduisante Valse triste de Sibelius.
Tchaïkovski, tandis que le mouvement lent
est vide de sens. Dutoit doit pousser l'orchestre à une puissance immodérée
pour se faire entendre, tout en s'avérant à l'écoute de son soliste. Ouverture
de Berlioz bien servi par Dutoit dont on connaît les affinités avec le
compositeur français, enfin belle interprétation de la "Nouveau
Monde" de Dvorak, bien en place, ardente et vive, mais défaite de toute
nostalgie. En bis, une séduisante Valse triste de Sibelius.
Tchaïkovski, tandis que le mouvement lent
est vide de sens. Dutoit doit pousser l'orchestre à une puissance immodérée
pour se faire entendre, tout en s'avérant à l'écoute de son soliste. Ouverture
de Berlioz bien servi par Dutoit dont on connaît les affinités avec le
compositeur français, enfin belle interprétation de la "Nouveau
Monde" de Dvorak, bien en place, ardente et vive, mais défaite de toute
nostalgie. En bis, une séduisante Valse triste de Sibelius.
Second concert à Annecy sous une
chaleur suffocante du Royal Philharmonic Orchestra dirigé par Charles Dutoit.
Hommage à Claude Debussy né voilà tout juste 150 ans ce 22 août avec une Mer de colorée, ivre de vi, pleine
d'embruns et de fougue. Auparavant, Henri Demarquette a donné un Concerto pour violoncelle n° 1 de Camille
Saint-Saëns poétique et chatoyant, suivi d'une tendre Sarabande de la Cinquième
Suitepour violoncelle de
Jean-Sébastien Bach. Les Fontaines de
Rome d’Ottorino Respighi n'ont pu rafraîchir l'église Sainte-Bernadette
portée à ébullition. Ouverte sur les trop rares Danses de Galanta de Zoltan Kodaly, la soirée s'est conclue sur une
tonitruante farandole extraite de l'Arlésienne de Bizet.
Chaillol, Chorges, Gap, Saint-Maurice-en-Valgaudemar, mercredi 25 et jeudi 26 juillet 2012
Depuis
15 ans, le Festival de Chaillol convie public et artistes invités à une
itinérance musicale partant à la découverte de son magnifique patrimoine naturel,
de ses églises et musées à la rencontre d’un pays et de ses habitants
« Une résidence dans une région de terroirs est une
expérience unique, dit François Meïmoun. A l’écart des circuits traditionnels
de la musique, le compositeur que je suis s’enrichit par les échanges avec un public
passionné et passionnant qui a soif de création. Ce qui permet de rompre la
solitude indispensable à la composition et de mettre ma musique au contact de
gens qui n’ont pas d’a priori. » Pour sa seizième édition, le
Festival de Chaillol a invité ce jeune compositeur angevin de 33
ans à créer deux œuvres nouvelles en relation directe avec son public, de la
conception à la première exécution publique. Situé à flanc de montagne, à mille six cents mètres
d’altitude avec une vue sur la vallée de Gap, Chaillol est une petite bourgade de sports d’hiver
familiale qui devient dès janvier la base d’un festival original.
Eglise romane de Saint-Maurice-en-Valgaudemard
La
programmation de cette manifestation se déploie en effet non pas sur une ou deux semaines mais sur six
mois et irrigue la totalité de la vallée du Champsaur. Avec soixante concerts par an, ce festival a en fait tout d'une institution musicale permanente,
puisqu'elle fonctionne comme un lieu de dimension territoriale, dans toutes
les acceptions du terme, géographiques, humaines et de créativité, le tout
rayonnant dans tout le pays gapençais. « Notre programmation est
polymorphe, remarque Michaël Dian, directeur fondateur du festival. Elle
résulte d’un fin dosage entre création et tradition, écriture et oralité. D’origines
et de cultures diverses, notre public se retrouve autour d’un projet
commun. »
Concert Alfonso Pacin, Anne Le Corre, Eric Houdart et Sébastian Quezada "Les Boutières argentines" en l'église de Saint-Maurice-en-Valgaudemard
Pour toucher le plus grand nombre de publics, chaque programme est repris
trois ou quatre fois en des endroits différents. Pas de grandes salles donc ni d’équipements
vraiment adaptés, mais des jauges qui permettent la proximité, l’échange, le partage.
« Le dessein de Michaël Dian est particulièrement porteur, se félicite François Meïmoun.
Son désir de tisser des liens entre public autochtone et musiciens d’origines hétérogènes,
de faire du territoire où il a implanté son festival un vrai partenaire est extraordinairement convainquant. D’autant
plus que l’environnement et la beauté des sites sont en soi une invitation à la
disponibilité. »
Sortie de concerrt, église romane de Saint-Maurice-en-Valgodemard
Autre particularité du Festival de Chaillol, le fait de réunir musiques du monde, jazz et classique, à
l’instar de la création, qui associe innovation et tradition. « Nous développons
les résidences de compositeurs de toutes origines que nous les invitons à élargir
leur propre champ d’investigation, souligne Dian. Un geste de création peut se trouver en
toute chose, sous toutes les formes. Enthousiaste, notre public en est
convaincu. »
Art exigeant et d’une expressivité évanescente, la musique médiévale est
confondante de beauté et de mystère. Elle irradie chaque été depuis 21 ans l’abbaye du Thoronet.
Moins directement accessible que la
musique baroque en raison de la complexité de ses structures Le Thoronnet, et la pureté de
ses lignes, la musique du moyen-âge n’en suscite pas moins un engouement qui ne
cesse de se conforter par la qualité de ses interprètes. Plus rare dans les
salles de concert et dans les lieux les plus fréquentés par les mélomanes, elle
tient depuis 20 ans un écrin idéal, l’abbaye cistercienne du Thoronet, dans le
Var. Depuis 1991 y sont organisées les Rencontres internationales de Musique
médiévale qui associent concerts et académie dirigés par Dominique Vellard, spécialiste
incontestés de la musique de cette longue période de l’histoire qui court du
dernier quart du IXe siècle jusqu’au début du XVe. « Ce
festival a été conçu pour faire entendre la musique du moyen-âge dans son
infinie diversité, rappelle Vellard, directeur-fondateur de l’Ensemble Gilles
Binchois, formation-référence dans ce répertoire. Du grégorien à la chanson
profane, le répertoire est infini. »
Dominique Vellard, directeur-fondateur de l'Ensemble Gilles Binchois et du Festival du Thoronet
Les ensembles voués aux musiques du
moyen-âge se développent dans le monde, sans pour autant proliférer.
Curieusement, constate Vellard, la France est surtout baroque, alors que ce
sont les Français qui s’y sont attachés parmi les premiers, au milieu du XIXe
siècle, alors que l’architecte Viollet-le-Duc et l’historien Prosper Mérimée
relevaient églises romanes et gothiques. « Je ne veux programmer au Thoronet
plus de 6 concerts par édition, dit Vellard, car il n’y a pas assez d’ensembles
de haut niveau pour cette musique délicate et raffinée. » Pourtant, en 30 ans
d’enseignement au Conservatoire de Lyon puis à la Schola Cantorum de Bâle
depuis 1982, Vellard a formé plusieurs générations de chanteurs qui à leur tour
transmettent l’art d’interpréter cette musique. Depuis 5 étés, l’académie du
Thoronet réunit 15 jeunes musiciens professionnels qui s’y perfectionnent à un
répertoire différent chaque année, cet été le grégorien et le prébaroque,
sessions qui se concluent sur un concert public dans l’acoustique puissante de
la magnifique abbaye cistercienne. « Après 5 ans de Renaissance, cette sixième
édition met les stagiaires en adéquation avec ce lieu sublime autour de
l’interprétation du répertoire auquel je me consacre depuis trente-cinq ans : le chant
grégorien », relève Dominique Vellard. Le chanteur-pédagogue a appelé à ses
côtés pour cette session la musicologue Marie-Noël Colette, spécialiste des
répertoires liturgiques du Haut Moyen Age, et la chanteuse Anne Delafosse,
professeur au CNSM de Lyon.
Concert de l'Ensemble Peregrina en l'abbaye du Thoronet
Ainsi en est-il des disciples de
Vellard de l’ensemble Celadon entendu en l’église du Luc à l’acoustique précise
et claire, formé du contre-ténor Paulin Bündgen et des sopranos Anne Delafosse
et Clara Coutouly. Ils ont irradié de leurs voix lumineuses chants sacrés et
profanes anglais de la Guerre de Cent ans, avec hymnes, motets, conduits, antiennes
et carols tous plus beaux les uns que les autres (1). L'ensemble Peregrina a quant à lui voué son concert de l’abbatiale à la
musique sacrée parisienne des XIIIe-XIVe siècles du temps pascal,
musique pure d'une beauté ineffable.
Verbier (Suisse), Salle des Combins, église, places, samedi 21 et
dimanche 22 juillet 2012
Photo : (c) Bruno Serrou
A Verbier, station huppée du
Valais suisse, les hiatus sont nombreux. Le moindre n’est pas la diversité des
générations : la jeunesse des musiciens est souligné par la moyenne d’âge
du public qui atteint des sommets dignes des montagnes environnantes. Un public
de femmes embijoutées et fourrurisées et d’hommes en smoking et cheveux blancs
coupés de près roulant en limousines et 4x4 tous plus encombrants et polluants les
uns que les autres. Les soirées d’après-concert sont organisées dans de
fastueux chalets de riches mécènes, dont quelques français. Pourtant, dans ce
lieu opulent mais au cadre enchanteur qui domine la haute vallée du Rhône, l’ambiance
est au travail et à l’écoute. Les concerts ont lieu un peu partout dans le
village, places, églises, hangars, à toute heure du jour, du matin au soir, les
plus importants étant donnés sous un énorme chapiteau plus accessible qu’auparavant
et à l’acoustique améliorée par rapport à ce qu’il en était voilà quatre ans.
Charles Dutoit (au centre) dirige une répétition de Pelléas et Mélisande de Debussy. A droite, Stéphane Degout (Pelléas)
Photo : (c) Bruno Serrou
« L’Orchestre du Festival de
Verbier est une expérience incomparable, se félicitait le jeune violoncelliste
français Bruno Delepelaire qui en était en juillet l’un des cent heureux élus.
Après deux semaines de préparation aux divers programmes, nous travaillons trois semaines durant avec des chefs et des
solistes internationaux éminents avec qui nous nous produisons tous les trois jours. »
Elève du CNSMD de Paris, se préparant à entrer en septembre dans l’Académie
Karajan de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, Bruno Delepelaire, que je
réentendrai trois semaines plus tard à l’Académie de musique de chambre de La
Roque d’Anthéron, était à 22 ans pour la troisième et dernière fois de
l’orchestre de Verbier. S’il souhaite continuer à côtoyer dans cette station du
Valais suisse ses semblables et à se perfectionner aux métiers d’orchestre, il
peut postuler au Verbier Festival Chamber Orchestra, formation d’exception qui
travaille les répertoires baroque et classique. « Plus encore que le
Gustav Mahler Jugendorchester avec lequel je me suis produit trois ans, Verbier
est particulièrement formateur. Tandis que le premier se réunit par sessions
sous la houlette d’un grand chef d’orchestre, le second est dirigé par différents
maestros, plus réputés les uns que les autres. C’est pourquoi beaucoup de jeunes
instrumentistes du premier se retrouvent ensuite dans le second. » Ainsi,
pour animer la 19e session du VFO se sont succédés Charles Dutoit,
son directeur musical, Jaap Van Zweden, Neeme et Paavo Järvi et Manfred Honeck qui
ont dirigé ces jeunes de 17 à 29 ans sélectionnés parmi 1120 candidats du monde
entier. Tandis que cette formation répétait Pelléas
et Mélisande de Claude Debussy avec Dutoit, en présence de Simon Rattle
venu accompagner sa femme Magdalena Kozena qui chantait Mélisande aux côtés de
Stéphane Degout, et les vieux routiers José Van Dam (Golaud) et Willard White
(Arkel), l’orchestre de chambre donnait en version semi-concertante les Noces de Figaro sous la direction de
Paul McCreesh, qui a exigé cors et trompettes naturelles, instruments que
découvraient les musiciens, à l’instar du chef britannique qui se mesurait pour
la première fois à l’opéra de Mozart. L’un et les autres se sont pourtant
distingués dans cette sublime partition par un dialogue pétillant avec une
distribution de chanteurs aguerris pour la plupart ex-stagiaires de l’Académie
de Verbier (Joshua Hopkins, Sylvia Schwartz, Emöke Barath, Ilker Arcayürek).
Justin Hopkins, Catherine Wyn-Rogers, Sylvia Schwartz et Gabor Betz
(de haut en bas et de gauche à droite) - Photo : (c) Aline Paley
Tandis que les musiciens des
orchestres sont rémunérés, ceux de la Verbier Festival Academy (10 chanteurs et
32 instrumentistes) sont boursiers des Amis du Festival. « Nous découvrons
le répertoire et les musiciens avec qui nous formons des quatuors,
s’enthousiasmait Léa Hennino. Ainsi nous apprenons et nous enrichissons autant
sur le plan artistique que sur le plan humain. » Elève du CNSMD de Paris,
cette altiste de 21 ans travaillait le Trio
pour violon, alto et piano de Brahms dont elle rêvait depuis toujours avec
des maîtres aussi divers que Yuri Bashmet, Alfred Brendel, Thomas Quasthoff ou
Ileana Cotrubas, chacun amenant sa pierre à la mise en place du trio. Trois
semaines d’immersion totale avant de jouer en public l’œuvre travaillée avec
des musiciens qui lui étaient jusqu’alors inconnus et avec qui elle aura tissé
des liens professionnels, véritable tremplin de carrières futures. Pour
l’édition 2013, sa vingtième, le festival accueillera en plus 300 musiciens de
15 à 17 ans qui recevront les conseils des plus grands artistes de notre temps.
« Les inscriptions se font sur Internet, prévient Christian Thompson,
directeur de l’académie. Les candidats doivent y placer des vidéos où ils
jouent et se présentent en répondant à des questions qu’ils trouveront sur le
site. »
Photo : DR
Mais Verbier, ce sont aussi
récitals et concerts de musique de chambre. Ainsi, Elisabeth Leonskaja
a-t-elle proposé un remarquable programme en l’église de Verbier réunissant une
Sonate n° 12 de Mozart solide et
poétique, des Papillons de Schumann délicatement
évocateurs, une plus rare Sonate n° 2
de Tchaïkovski altière et colorée, avant de conclure sur un élégiaque Nocturne de Chopin. Autre concert en l’église
de Verbier, cette fois au tour rare et grave, puisqu’il s’agissait d’un hommage
aux musiciens morts dans les camps de concentration nazis, tous passés par le
sinistre Terezin non loin de Prague avant de disparaître à Auschwitz dans les
conditions que l’on sait. La soirée a été conçue par le violoniste Daniel Hope,
qui a présenté le contexte de la genèse de chaque œuvre et le destin de son
auteur avant de la jouer, entouré de ses partenaires tous plus prestigieux les
uns que les autres, Sylvia Schwartz (soprano), Gabor Bretz (baryton), Thomas
Quasthoff (narrateur), Nancy Wu (violon), Lars Anders Tomter et Matthieu Herzog
(alto), Gautier Capuçon, Narek Hakhnazaryan et Raphaël Merlin (violoncelle),
Claudio Rojas (guitare), Martin Fröst (clarinette), Leigh Mesh (contrebasse) et
Alexandre Tharaud (piano), alternant ou se retrouvant dans des pages de Gedeon
Klein (1919-1945), Hans Krasa (1899-1944), Erwin Schulhoff (1894-1942), Zikmund
Schull (1916-1944), Carlo Siegmund Taube (1897-1944), Ilse Weber (1903-1944) et
un certain nombre de pages signées d’auteurs inconnus. Riches et profondes, radieuses
et douloureuses, les œuvres nées dans de terribles et tragiques conditions sont
de styles et d’humeurs variés, et si la
légèreté n’est étonnamment pas absent de ces pièces, elles n’en sont pas moins
bouleversantes tant la mort y est constamment sous-jacente tout en trahissant
un amour de la vie phénoménal, notamment à travers l’exigence de la pensée et l’imagination
qui en émane. Un concert inoubliable, qui s’est achevé sur un déchirant Wiegala d’Ilse Weber pour soprano,
violon, piano et guitare dont la musique s’éteint peu à peu comme s’évaporant…
Une étude publiée par le revue Scientific Reports constate que le niveau sonore des enregistrements de s musiques populaires occidentales (rock, pop, metal, electrononic, rap, etc.) est en constante augmentation depuis plus d'un demi-siècle. Les chercheurs, qui ont analysé par le biais d'un logiciel informatique près de cinq cent mille chansons enregistrées entre 1955 et 2010, en arrivent à la conclusion d'un appauvrissement de la "palette de timbres" continue de ces enregistrements et constatent que la diversité des accords et des mélodies a "constamment diminué au cours des cinquante dernières années" :
Le soir de la première des deux représentations de Turandot à Orange, samedi 28 juillet, le ténor français Roberto
Alagna a manqué son rendez-vous avec Calaf pour sa prise de rôle, ses cordes
vocales fragilisées par une mycose l’ayant empêché de laisser se déployer la
voix dans les méandres de l’écriture de Puccini, malgré la délicatesse de la
direction de Michel Plasson. Pour la nouvelle production de Turandot, ultime opéra de Giacomo Puccini
achevé par Franco Alfano vu pour la dernière fois à Orange en 1997 déjà sous la
direction de Michal Plasson qui dirigeait alors son Orchestre National du
Capitole de Toulouse, le mur du Théâtre antique s’est orientalisé. César
Auguste a en effet été dissimulé sous un gigantesque tam-tam qui l’a contraint
de s’effacer devant son vieux confrère chinois Altoum, tandis que la pierre
romaine était masquée par un mur de carton-pâte simulant sur trois niveaux le
palais impérial de la Cité interdite pékinoise.
Du fait de ce décor voulu par le metteur en scène Charles Roubaud, déjà signataire
de la production de 1997, et réalisé par Dominique Lebourges sur lequel ont été
projetées des vidéos sans grand intérêt (du moins depuis l’endroit où les journalistes
étaient assis) de Marie-Jeanne Gauthé, l’acoustique idéale du lieu s’est avérée
anormalement sèche, n’autorisant pas le moindre écart de justesse ni le plus
petit décalage. Ce qui n’a pas empêché l’Orchestre National de France de se
montrer à son meilleur, comme galvanisé par la direction jaillissante, nerveuse,
d’un lyrisme ardent de Michel Plasson, qui, en connaisseur inspiré de l’œuvre, a
ménagé de somptueux moments de poésie alternant avec une puissance singulière fusant
comme des flèches. Esthétiquement réussie, le décor s’amalgamant à la pierre du
théâtre dont il élague les reliefs au risque d’étouffer l’acoustique, la scénographie
amoindrit les infinies richesses de la partition par la dureté sonore qu’elle
suscite.
Ayant attiré la foule des grands soirs, Roberto Alagna aurait dû être le
héros de la soirée. Malheureusement, le soir de la première, une mycose en a
décidé autrement, obligeant le ténor français à se limiter au marquage des nombreux
passages placés dans l’aigu de sa tessiture, ce qui l’a empêché d’investir son
personnage. Malgré l’avertissement en voix off du directeur du festival, Raymond
Duffaut, l’informant à la reprise après l’entracte de la défaillance de Roberto
Alagna, prégnante depuis sa première intervention, une partie du public n’a pu réfréner
des cris de déception. Il faut dire que c’est surtout dans cette deuxième
partie, ouverte sur un « Nessun
dorma » décevant, que cette méforme s’est faite évidente. Afin d’étouffer
les huées, en professionnel endurci particulièrement attentif aux chanteurs,
Plasson, depuis le plateau ou il était monté pour les saluts, a fait reprendre le
chœur final de l’opéra, au grand plaisir des aficionados.
Réunie autour d’Alagna, la distribution était d’un excellent niveau, particulièrement
du côté des femmes. Maria Luigia Borsi a campé une Liù ardente et lumineuse, et
Lise Lindstrom une Turandot solide mais princesse aux pieds d’argile. Le trio de
ministres Ping, Pang, Pong (Marc Barrard, Jean-François Borras, Florian Laconi)
a suscité la jubilation par son humour primesautier et le parfait alliage des
voix. Chris Merritt n’a pas démérité en empereur trônant haut perché depuis le
troisième étage de son palais, tandis que Marco Spotti a incarné un noble Timur.
Les chœurs venus de six horizons différents ont réussi la gageure de former à
la fois un peuple hétérogène et une multitude indivisible. Mais le véritable souverain
de la soirée restera l’Orchestre National de France…
Bruno Serrou
Bicentenaires obligent, les Chorégies d'Orange 2013 proposeront du 11 juillet au 6 août un opéra de Richard Wagner (le Vaisseau fantôme - 12 & 16/07) et un opéra de Giuseppe Verdi (Un bal masqué - 3 & 6/08). Dans l'intervalle, sont programmés des récitals Lang-Lang, François-Frédéric Guy, Antonacci/Alagna et Cioffi/Nucci.