Verbier (Suisse), Salle des Combins, église, places, samedi 21 et
dimanche 22 juillet 2012
Photo : (c) Bruno Serrou
A Verbier, station huppée du
Valais suisse, les hiatus sont nombreux. Le moindre n’est pas la diversité des
générations : la jeunesse des musiciens est souligné par la moyenne d’âge
du public qui atteint des sommets dignes des montagnes environnantes. Un public
de femmes embijoutées et fourrurisées et d’hommes en smoking et cheveux blancs
coupés de près roulant en limousines et 4x4 tous plus encombrants et polluants les
uns que les autres. Les soirées d’après-concert sont organisées dans de
fastueux chalets de riches mécènes, dont quelques français. Pourtant, dans ce
lieu opulent mais au cadre enchanteur qui domine la haute vallée du Rhône, l’ambiance
est au travail et à l’écoute. Les concerts ont lieu un peu partout dans le
village, places, églises, hangars, à toute heure du jour, du matin au soir, les
plus importants étant donnés sous un énorme chapiteau plus accessible qu’auparavant
et à l’acoustique améliorée par rapport à ce qu’il en était voilà quatre ans.
Charles Dutoit (au centre) dirige une répétition de Pelléas et Mélisande de Debussy. A droite, Stéphane Degout (Pelléas)
Photo : (c) Bruno Serrou
« L’Orchestre du Festival de
Verbier est une expérience incomparable, se félicitait le jeune violoncelliste
français Bruno Delepelaire qui en était en juillet l’un des cent heureux élus.
Après deux semaines de préparation aux divers programmes, nous travaillons trois semaines durant avec des chefs et des
solistes internationaux éminents avec qui nous nous produisons tous les trois jours. »
Elève du CNSMD de Paris, se préparant à entrer en septembre dans l’Académie
Karajan de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, Bruno Delepelaire, que je
réentendrai trois semaines plus tard à l’Académie de musique de chambre de La
Roque d’Anthéron, était à 22 ans pour la troisième et dernière fois de
l’orchestre de Verbier. S’il souhaite continuer à côtoyer dans cette station du
Valais suisse ses semblables et à se perfectionner aux métiers d’orchestre, il
peut postuler au Verbier Festival Chamber Orchestra, formation d’exception qui
travaille les répertoires baroque et classique. « Plus encore que le
Gustav Mahler Jugendorchester avec lequel je me suis produit trois ans, Verbier
est particulièrement formateur. Tandis que le premier se réunit par sessions
sous la houlette d’un grand chef d’orchestre, le second est dirigé par différents
maestros, plus réputés les uns que les autres. C’est pourquoi beaucoup de jeunes
instrumentistes du premier se retrouvent ensuite dans le second. » Ainsi,
pour animer la 19e session du VFO se sont succédés Charles Dutoit,
son directeur musical, Jaap Van Zweden, Neeme et Paavo Järvi et Manfred Honeck qui
ont dirigé ces jeunes de 17 à 29 ans sélectionnés parmi 1120 candidats du monde
entier. Tandis que cette formation répétait Pelléas
et Mélisande de Claude Debussy avec Dutoit, en présence de Simon Rattle
venu accompagner sa femme Magdalena Kozena qui chantait Mélisande aux côtés de
Stéphane Degout, et les vieux routiers José Van Dam (Golaud) et Willard White
(Arkel), l’orchestre de chambre donnait en version semi-concertante les Noces de Figaro sous la direction de
Paul McCreesh, qui a exigé cors et trompettes naturelles, instruments que
découvraient les musiciens, à l’instar du chef britannique qui se mesurait pour
la première fois à l’opéra de Mozart. L’un et les autres se sont pourtant
distingués dans cette sublime partition par un dialogue pétillant avec une
distribution de chanteurs aguerris pour la plupart ex-stagiaires de l’Académie
de Verbier (Joshua Hopkins, Sylvia Schwartz, Emöke Barath, Ilker Arcayürek).
Justin Hopkins, Catherine Wyn-Rogers, Sylvia Schwartz et Gabor Betz
(de haut en bas et de gauche à droite) - Photo : (c) Aline Paley
Tandis que les musiciens des
orchestres sont rémunérés, ceux de la Verbier Festival Academy (10 chanteurs et
32 instrumentistes) sont boursiers des Amis du Festival. « Nous découvrons
le répertoire et les musiciens avec qui nous formons des quatuors,
s’enthousiasmait Léa Hennino. Ainsi nous apprenons et nous enrichissons autant
sur le plan artistique que sur le plan humain. » Elève du CNSMD de Paris,
cette altiste de 21 ans travaillait le Trio
pour violon, alto et piano de Brahms dont elle rêvait depuis toujours avec
des maîtres aussi divers que Yuri Bashmet, Alfred Brendel, Thomas Quasthoff ou
Ileana Cotrubas, chacun amenant sa pierre à la mise en place du trio. Trois
semaines d’immersion totale avant de jouer en public l’œuvre travaillée avec
des musiciens qui lui étaient jusqu’alors inconnus et avec qui elle aura tissé
des liens professionnels, véritable tremplin de carrières futures. Pour
l’édition 2013, sa vingtième, le festival accueillera en plus 300 musiciens de
15 à 17 ans qui recevront les conseils des plus grands artistes de notre temps.
« Les inscriptions se font sur Internet, prévient Christian Thompson,
directeur de l’académie. Les candidats doivent y placer des vidéos où ils
jouent et se présentent en répondant à des questions qu’ils trouveront sur le
site. »
Photo : DR
Mais Verbier, ce sont aussi
récitals et concerts de musique de chambre. Ainsi, Elisabeth Leonskaja
a-t-elle proposé un remarquable programme en l’église de Verbier réunissant une
Sonate n° 12 de Mozart solide et
poétique, des Papillons de Schumann délicatement
évocateurs, une plus rare Sonate n° 2
de Tchaïkovski altière et colorée, avant de conclure sur un élégiaque Nocturne de Chopin. Autre concert en l’église
de Verbier, cette fois au tour rare et grave, puisqu’il s’agissait d’un hommage
aux musiciens morts dans les camps de concentration nazis, tous passés par le
sinistre Terezin non loin de Prague avant de disparaître à Auschwitz dans les
conditions que l’on sait. La soirée a été conçue par le violoniste Daniel Hope,
qui a présenté le contexte de la genèse de chaque œuvre et le destin de son
auteur avant de la jouer, entouré de ses partenaires tous plus prestigieux les
uns que les autres, Sylvia Schwartz (soprano), Gabor Bretz (baryton), Thomas
Quasthoff (narrateur), Nancy Wu (violon), Lars Anders Tomter et Matthieu Herzog
(alto), Gautier Capuçon, Narek Hakhnazaryan et Raphaël Merlin (violoncelle),
Claudio Rojas (guitare), Martin Fröst (clarinette), Leigh Mesh (contrebasse) et
Alexandre Tharaud (piano), alternant ou se retrouvant dans des pages de Gedeon
Klein (1919-1945), Hans Krasa (1899-1944), Erwin Schulhoff (1894-1942), Zikmund
Schull (1916-1944), Carlo Siegmund Taube (1897-1944), Ilse Weber (1903-1944) et
un certain nombre de pages signées d’auteurs inconnus. Riches et profondes, radieuses
et douloureuses, les œuvres nées dans de terribles et tragiques conditions sont
de styles et d’humeurs variés, et si la
légèreté n’est étonnamment pas absent de ces pièces, elles n’en sont pas moins
bouleversantes tant la mort y est constamment sous-jacente tout en trahissant
un amour de la vie phénoménal, notamment à travers l’exigence de la pensée et l’imagination
qui en émane. Un concert inoubliable, qui s’est achevé sur un déchirant Wiegala d’Ilse Weber pour soprano,
violon, piano et guitare dont la musique s’éteint peu à peu comme s’évaporant…
Bruno Serrou
Une introduction écrite avec une plume trempée au vitriol .. Verbier c'est aussi le RV des randonneurs amateurs de musique ,pas seulement des inévitables " caricatures" dont il est fait mention .On trouve plus aisément ce public à Lucerne ou à Salzbourg ! Pour le reste ,belle évocation de quelques concerts ,auxquels je n'ai pu assister cette année . Merci Bruno pour ces chroniques musicales
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