Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 17 septembre 2025
Concert de l’Orchestre de Paris cette semaine au programme au carrefour de multiples influences réunies aux Etats-Unis au siècle dernier, retrouvant notamment trois des compositeurs du concert d’ouverture de saison (Copland, Gershwin, Tower), dirigé avec élégance, précision, rigueur et dynamisme n’empêchant pas l’expression poétique par la chef d’origine Chinoise Elim Chan, dont les évidentes qualités mériteraient des programmes plus élaborés et des œuvres d’envergure. Après un onirique Quiet City de Copland où cor anglais et trompette rivalisent, se répondent et se complètent soutenus ou interrompus par les cordes, ce fut un virevoltant Concerto en fa de Gershwin par un Lucas Debargue très en verve s’imposant plus brillamment encore dans ses bis en solo, toujours dans Gershwin (trois Préludes, Summertime), retour aux fanfares de Joan Tower, cette fois la Troisième, plus structurée que celle entendue la semaine dernière, et pour finir, les Danses symphoniques de Rachmaninov, avec une frétillante conversation des bois avec dans les rôles principaux le saxophone et le cor anglais, puis une valse vive et élancée et pour finir une montée vers l’obsession du compositeur, le Dies Irae, survenant avec ironie
Les concerts de l’Orchestre de Paris attirent de plus en plus de monde. Au point que la salle Pierre Boulez s’avérant à la limite de la saturation… Ce mercredi 7 septembre, malgré un programme sans œuvre saillante, à l’exception peut-être du concerto de Gershwin qui n’est pourtant pas la partition la plus populaire du maître Broadway. Peut-être était-ce dû ce mercredi au fait que l’accès à la Philharmonie allait être très difficile d’accès le lendemain, soir de grèves générales donc sans transports en commun « en dehors des heures de pointe »… Centré sur les Etats-Unis du XXe siècle, le programme commençait par la suite Quiet City qu’Aaron Copland (1900-1990) a composée en 1939 pour cor anglais, trompette et orchestre à cordes, œuvre au climat idyllique et onirique instauré par les instruments à vent solistes, le cor anglais et la trompette jouant tour à tour de leur personnalité propre et des timbres qui leur sont communs sous la main experte du compositeur et de ses brillants interprètes, Gildas Prado (cor anglais) et Frédéric Mellardi (trompette), titulaires des pupitres solos de l’Orchestre de Paris, jouant de concert sur un onctueux tissu de cordes.
Œuvre née à New York, infiniment
plus représentative de l’atmosphère des mégapoles états-uniennes que la suite toute
en demi-teinte de Copland, le Concerto en
fa majeur pour piano et orchestre de George Gershwin (1898-1937). Créée le
3 décembre 1925 par le compositeur au piano et le New York Symphony Orchestra
dirigé par Walter Damrosch, cette œuvre de près d’une demie heure, est moins
courue que la Rhapsody in Blue de
1924 avec piano obligé. Malgré la référence au jazz, à sa motricité et son
matériau thématique, facilement mémorisable et typiquement nord-américain
inscrits dans l’ADN du compositeur, ce dernier se fond volontairement dans le
moule traditionnel du concerto classique en trois mouvements de structure
vif-lent-vif, la partie centrale étant un Andante
élaboré selon le modèle thème avec variations. L’œuvre est mue par un
puissant groove vaillamment mené par l’Orchestre de Paris pulsé par la rythmique
instillée par la battue au cordeau d’Elim Chan, dialoguant vaillamment avec le
pianiste compositeur français Lucas Debargue, au jeu simple et élégant, mais
aux élans trop retenus et aux coloris atones dès l’abord pour se libérer dans
le chant de la ^partie centrale du concerto pour dialoguer de façon plus
fusionnelle avec un orchestre swinguant pour sa part un plaisir communicatif
qui finit par emporter le soliste. Ce dernier, devant l’ovation fébrile de son
auditoire, et peut-être libéré par l’accueil chaleureux du public, a plongé de
l’œuvre pour piano seul de l’ami d’Arnold Schönberg, avec les jazzy Trois préludes publiés en 1926, Allegro ben ritmato e deciso aux
contours de blues, Andante con moto e
poco rubato au sombre climat, et un second Allegro ben ritmato e deciso en forme de question-réponse, ajoutant
une page célébrissime pour flatter le
public, le fameux Summertime pour
piano seul adapté de la berceuse tirée de l’opéra Porgy and Bess.
A l’instar de son concert d’ouverture de saison (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/09/lorchestre-de-paris-et-klaus-makela-ont.html),
l’Orchestre de Paris a poursuivi à l’abord de la seconde partie de son deuxième
concert son exploration du triptyque des Fanfares
for the Uncommon Woman de Joan Tower (née en 1938) pour deux cors quatre
trompettes, deux trombones et deux tubas dont Elim Chan a dirigé la dernière,
bien plus intéressante et réussie que celle choisie par Klaus Mäkelä, qui avait
opté pour la première. Mais l’œuvre la plus significative de la soirée, du
moins celle la mieux adaptée à la mise en évidence des qualités intrinsèques de
la cheffe d’orchestre Elim Chan, silhouette fine et nerveuse née à Hong-Kong voilà
trente-huit ans et formée à l’Université de Michigan aux Etats-Unis, disciple de
Bernard Haitink, et assistante de Valeri Gergiev puis de Gustavo Dudamel qui a dirigé
l’Orchestre Symphonique d’Anvers jusqu’à la saison dernière et que d’aucuns voient
comme la potentielle directeur musical du Philharmonique de Los Angeles, les Danses symphoniques op. 45a, a brillé dans ultime
partition du Russe émigré aux Etats-Unis en 1918 Serge Rachmaninov (1873-1943).
De
la première des trois Danses, Non Allegro, l’Orchestre de Paris sous
la conduite précise et à la gestique nette et raffinée d’Elim Chan a exalté
l’énergie, les rythmes trépidants subtilement ponctués par hautbois et
clarinette solo qui ont parfaitement restitué l’élan pastoral, tandis que le
saxophone excellemment tenu par Cédric Carceles a établi la nostalgie qui
imprègne la mélodie que le compositeur lui réserve. Dans l’Andante, la valse a permis au cor anglais Gildas Prado d’exposer la
rutilante plastique de ses sonorités. Ponctué de citations macabres du Dies Irae, thème récurrent qui aura hanté
Rachmaninov sa vie durant et qui revient ici sous diverses formes rythmiques et
harmoniques, auquel fait ici écho un second thème religieux, tiré cette fois de
la liturgie orthodoxe, le dernier mouvement, Lento assai. Allegro vivace, a été servi par l’ensemble des
musiciens de l’Orchestre de Paris dans leur diversité sonore et expressive, se
libérant totalement de l’ample final sans pour autant saturer l’espace, évitant
sous la conduite retenue mais claire de se laisser porter à l’excès par la
puissance d’une orchestration pourtant massive et amplifiée par une percussion au
risque de s’avérer tonitruante. Une impressionnante leçon de direction donnée
par Elim Chan à la tête d’un Orchestre de Paris et de son premier violon
invitée Hande Küden clairement heureux de jouer une partition significative.
Bruno Serrou
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