lundi 9 décembre 2024

Le magicien russe Dmitry Masleev a ensorcelé le public de Piano**** au Théâtre des Champs-Elysées

Piano****. Théâtre des Champs-Elysées. Samedi 7 décembre 2024 

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

Delicatesse du toucher, virtuosité transcendante, interprétations de feu sous une sereine assurance de jeu, Dmitry Masleev a galvanisé le Théâtre des Champs-Elysées dans le cadre de Piano**** dans Piotr Ilitch Tchaïkovski, Frédéric Chopin, Carl Filtsch et Franz Liszt, auxquelk il a ajouté en bis Jean-Sébastien Bach, Edvard Grieg et Alexandre Griboïedov 

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

Découvert voilà sept ans peu après sa victoire au prestigieux Concours Tchaïkovski dans un récital au Festival de La Roque d’Anthéron, Parc du château de Florans le 29 juillet 2016 (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2016/07/deux-futurs-grands-du-piano-enluminent.html), Dmitry Masleev se produit depuis lors régulièrement en France où chacune de ses prestations confirme l’impression laissée à cette occasion qui a immédiatement fait de lui l’un des grands pianistes de la génération née dans les années 1980.

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

Un peu plus d’un an après sa venue à Paris Théâtre des Champs-Elysées à l’invitation de Piano**** (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2023/11/le-captivant-recital-du-pianiste-russe.html), ces deux mêmes institution et producteur ont accueilli le pianiste russe pour un récital dont la structure lui est caractéritique. Dmitry Masleev est un artiste toujours impressionnant de maîtrise, d’intensité, de musicalité. Car chez lui tout est vraiment musique, e de toute évidence il ne pense qu’a elle. Il n’est jamais démonstratif, il reste concentré, empli des partitions qu’il a dûment sélectionnées et du piano sur lequel il les joue. A la fin de chaque pièce, il ne s’attarde pas en saluts, se limitant à un  rapide hochement de tête, et retourner au plus vite à son clavier, pour continuer à offrir tout ce qu’il a en lui de musique, de technique pure, de couleurs, d’expressivité. Tel un véritable florilège alternant pages de virtuosité et moments élégiaques, son programme consacrait toute sa première partie au seul Piotr Ilich Tchaïkovski, assurément son compositeur favori, ouvrant son récital sur une sélection de huit morceaux extraits des Dix-huit Pièces pour piano op. 72 composées en 1893 concomitamment avec la Symphonie n° 6 « Pathétique », les deux (Berceuse, andante mosso), cinq (Méditation, andante mosso), quatre (Danse caractéristique, allegro giusto), sept (Polacca de concert, tempo di polacca), quatorze (Chant élégiaque, allegro), quinze (Un poco di Chopin - Tempo di mazurka), seize (Valse à cinq temps (vivace)) et dix-huit (Scène dansante - Invitation au trépak (allegro non tanto)), suivis de quatre extraits des plus populaires de la Suite pour piano du ballet « Casse-Noisette » (1891-1892) arrangée par Mikhaïl Pletnev, Marche, Danse de la fée dragée, Intermezzo et Danse russe (Trépak) qui, sous les doigts de magicien de Masleev ont sonné avec une poésie, une diversité rythmique et un sens de l’évocation de grande acuité dans un environnement sonore d’une infinie variété.

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

La seconde partie de la soirée réunissait trois compositeurs. Elle s’ouvrait sur trois grandes pièces de Frédéric Chopin, deux Noctunes, le premier des trois de l’opus 9 en si bémol mineur (1832) et le vingtième en ut dièse mineur op. posth. (1830), qui encadraient la Polonaise n° 6 en la bémol majeur op. 53 dite « Héroïque » de 1842, l’une des plus célèbres partitions du compositeur polonais dont Masleev s’est joué des difficultés avec une aisance singulière, sans jamais laisser paraître la moindre impression de prouesse technique pour donner toute la place à la seule musicalité. Infiniment plus rare, le Transylvanien Carl Filtsch (1830-1845) dont la fort courte vie ne lui a pas laissé le temps de développer un talent pourtant des plus prometteurs, si l’on en juge le peu qu’il laissa. Cet élève de Chopin vécut moins de quinze ans (il est mort dix-sept jours avant son quinzième anniversaire), emporté par la tuberculose. « Mon Dieu ! Quel enfant ! s’écria Chopin. Personne ne m’a jamais compris comme lui… Ce n’est pas une imitation, c’est le même sentiment, un instinct qui le fait jouer sans réfléchir comme s’il ne pouvait en être autrement. » Dmitry Malseev a enchaîné deux pages de tonalité funèbre composées en 1843 et 1844, l’Impromptu n° 3 en si bémol mineur « Adieu ! » noté Adagio et « L’Adieu à Venise » en ut mineur, cette dernière œuvre ayant été écrite peu avant son décès dans la Cité des Doges où il est enterré, non loin d’Igor Stravinski, de Serge Diaghilev et de Luigi Nono. Malseev en donne la caractère fébrile avec une sensibilité souveraine, une maîtrise du temps et du discours exemplaire. Autre admirateur du jeune Filtsch, Franz Liszt, qui déclara un jour « Si ce garçon décide de voyager, je suis fini ! ». C’est avec lui que le pianiste russe a conclu son concert, avec la fameuse Totentanz (Danse macabre) dans sa version virtuosissime pour piano seul. Elaborée sur la séquence terrifiante du Dies Irae de l’office catholique des morts déjà utilisée notamment par Hector Berlioz dans la Symphonie fantastique et qui sera l’un des éléments moteurs de la création de Serge Rachmaninov, entre autres, variée cinq fois dans un climat différent où passent squelettes, cercueils, sorcières, spectres comme l’écrit Michel Lenaour, dans une virtuosité poussée dans ses limites extrêmes, pour se conclure en apothéose, après des glissandi furieux des deux mains, illustrant le combat victorieux du Ciel contre la volonté d’anéantissement de l’Enfer par l’entremise du seul clavier du piano. Ce qiui frappe à l’écoute de Malseev c’est la magnificence des sonorités qu’il tire de l’instrument avec une facilité naturelle qui fascine tant elle transcende le piano qui se fait orchestre au grand complet, tandis qu’aucun effort physique n’apparaît tant le jeu est souple, serein, parfaitement maîtrisé, sans excès de pathos ni surcharges expressives.

A ce programme fourni et varié raffermi par une structure fort élaborée, Dmitry Masleev a ajouté trois bis, une transcription de Alessandro Marcello (1673-1747) de l’Adagio du Concerto en fa majeur pour hautbois et orchestre BWV 1053 de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), un extrait de Peer Gynt (Dans l’antre du roi de la montagne) d’Edvard Grieg (1843-1907) et une Valse du compositeur diplomate russe Alexandre Griboïedov (1894-1829).

A noter que Dmitry Masleev publie en janvier 20255 chez Aparte un CD (1) réunissant sous le titre Dies Irae des œuvres pour piano et orchestre de Franz Liszt, Serge Rachmaninov et Jean-Sébastien Bach, qu’il dirige du piano.

Bruno Serrou

1) 1 CD Aparte AP384. Durée : 56 mn. Enregistré 0 Moscou en juin 1923. DDD

 


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