mardi 5 novembre 2024

Les 30 ans du Concours International de piano d’Orléans aux Bouffes du Nord avec les trois lauréats de l’édition 2024, l’Ensemble Intercontemporain et Léo Margue

Paris. Théâtre des Bouffes du Nord. Lundi 4 novembre 2024

Les mains de Svetlana Andreeva, Imri Talgam et Winston Choi
Photo : (c) Quentin Chevrier & Anne-Elise Grosbois

Passionnant concert des lauréats du XVIe Concours International de Piano d’Orléans pour les trente ans au Théâtre des Bouffes du Nord avec l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Léo Margue qui aura participé à la création du tonique Je suis Orage pour trois pianistes (Svetlana Andreeva, Winston Choi, Imri Talgam) et quatorze instrumentistes de Bastien David. Les trois premiers Prix ont ouvert la soirée en solistes, la vainqueur, l’Ukrainienne Svetlana Andreeva, avec une ardente Shéhérazade de Karol Szymanowski (Masques) et un brillant Noël d’Olivier Messiaen (Vingt Regards), le Deuxième Prix, Leo Gevisser, D’ombre et de silence d’Henri Dutilleux (Préludes), 90+ d’Elliott Carter et In the Kraton de Leopold Godowsky (Java Suite), et Misora Ozaki (Troisième Prix) dans Une page d’éphéméride de Pierre Boulez et la Toccata des Études pour piano d’Unsuk Chin brillamment interprétées

Svetlana Andreeva, Imri Talgam, Winston Choi (piano), Ensemble Intercontemporain
Photo : (c) Quentin Chevrier & Anne-Elise Grosbois

Fondé en 1994 par la pianiste Françoise Thinat, le Concours International de Piano d’Orléans a pour particularité d’être le seul qui soit consacré au répertoire pianistique courant de la première année du XXe siècle à nos jours, avec à chacune de ses éditions la création d’une œuvre nouvelle à un compositeur de renom d’Eric Tanguy en 2000 à Philippe Manoury en 2022 en passant par Patrick Burgan, Thierry Escaich, Pierre Jodlowski, Edith Canat de Chizy, Philippe Hurel, Jacques Lenot, Jérôme Combier, Philippe Hersant, Hèctor Parra et Pascal Dusapin. Parmi les lauréats, Toros Can (1998), Wilhem Latchoumia (2006), Aline Piboule (2014), Mikhaïl Bouzine (2020), Lorenzo Soulès (2022)… Depuis 2006, s’est ajouté un concours junior, Brin d’herbe, qui alterne depuis lors avec le concours pour pianistes virtuoses qui est de ce fait devenu biennal. En 2015, la fondatrice a passé le relais à Isabella Vasilotta qui en devient alors la directrice artistique tandis que le pianiste musicologue Eric Denut est nommé président en 2017. Outre les prix monétisés, le concours offre aux lauréats un accompagnement dans leurs parcours professionnels pendant deux ans avec pour le vainqueur l’enregistrement d’un disque, une tournée en région, concerts, conférences et événements internationaux autour du piano, ainsi que des mises en relation avec des compositeurs et des acteurs de la musique contemporaine.

Bastien David (né en 1990), deux premières pages du conducteur de Je suis Orage (2024)
Photo : (c) Quentin Chevrier & Anne-Elise Grosbois

Unique en son genre, ce concours qui aura attiré en 2024 plus d’une quarantaine de candidats venus du monde entier, est l’un des plus originaux et audacieux qui se puissent trouver aujourd’hui dans le monde. Cette année, le jury présidé par Wilhem Latchoumia a couronné des lauréats originaires de trois continents, l’Afrique, l’Asie et l’Europe. La vainqueur est une ukrainienne de 35 ans, Svetlana Andreeva, qui s’est imposée dans la finale à Orléans dans le redoutable Vortex Temporum I de Gérard Grisey (1946-1998), le mouvement initial de la Sonate de Paul Dukas (1865-1935) et l’œuvre mixte pour piano et bande …sofferte onde serene… de Luigi Nono (1924-1990). Pour le concert des lauréats, elle a donné hier soir Shéhérazade (1916) extraite des Masques op. 34 de Karol Szymanowski (1882-1937) et Noël, treizième des Vingt Regards sur l’Enfant Jésus (1944) d’Olivier Messiaen (1908-1992). Deuxième Prix du Concours, le Sud-Africain Leo Gevisser (né en 2003), également compositeur, a donné le premier des Trois Préludes d’Henri Dutilleux (1916-2013), D’ombre et de silence (1973) et le dixième volet de Java Suite, In the Kraton (1924-1925) de Leopold Godowsky (1870-1938), intercalant entre ces deux pièces le célèbre 90+ qu’Elliott Carter (1908-2012) composa en 1994 pour les 90 ans de son confrère italien Goffredo Petrassi (1904-2003) autour de quatre vingt dix notes courtes et accentuées jouées sur un rythme lent changeant continuellement de caractère. Mais c’est la Troisième Prix, la Japonaise Misora Ozaki (née en 1996), qui a ouvert la soirée avec deux œuvres particulièrement complexes qu’elle a fait sonner dans leur plénitude, Une page d’éphéméride pour piano (2005), ultime page achevée de Pierre Boulez (1925-2016), et la véloce Toccata (2003), cinquième des Etudes pour piano d’Unsuk Chin (née en 1961).

Léo Margue (direction), Svetlana Andreeva, Winston Choi, Imri Talgram (piano), Samuel Favre Gilles Durot (percussion), Ensemble Intercontemporain. Photo : (c) Quentin Chevrier & Anne-Elise Grosbois 

Après un long intervalle dû à la répartition sur le plateau des effectifs instrumentaux et à leur installation, Svetlana Andreeva a été rejointe en seconde partie par deux membres du jury du concours 2024, eux-mêmes anciens lauréats de l’épreuve, le Canadien Winston Choi (lauréat 2002) et l’Israélien Imri Talgam (lauréat 2014) pour une œuvre pour piano à six mains, deux percussionnistes et ensemble de douze instruments, commande du Concours d’Orléans 2024 donnée en création mondiale dans le cadre de ce concert, Je suis Orage de Bastien David (né en 1990), élève de Bernard Cavanna et de José Manuel Lopez Lopez au Conservatoire de Gennevilliers et de Gérard Pesson au Conservatoire de Paris (CNSMDP). 

Svetlana Andreeva (piano) entourée de Samuel Favre et Gilles Durot (percussion)
Photo : (c) Quentin Chevrier & Anne-Elise Grosbois

Une œuvre remarquablement structurée, créative, virevoltante, mue par une pulsion vivifiante, un groove éloquent et des sonorités flatteuses, avec un piano fort fréquenté, puisque outre les six mains de trois pianistes courant sur le clavier, deux percussionnistes jouent dans le coffre du grand Yamaha, faisant résonner les cordes frottées, pincées, frappées par doigts, paumes et maillets mais aussi soufflées par la bouche dans des tuyaux souples, tandis que l’instrumentarium s’avère particulièrement choisi et expressif (flûte, hautbois, clarinette, basson, cor, trompette, trombone, harpe, quatuor de cordes avec contrebasse par un).

Bruno Serrou

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